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17/10/2007 | FRANCE | N°06-87566

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 octobre 2007, 06-87566


N° 5697

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept octobre deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire LABROUSSE, les observations de la société civile professionnelle LAUGIER et CASTON, et de la société civile professionnelle BOULLOCHE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
CASSATION PARTIELLE et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par D... François, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris

, 9è chambre, en date du 27 septembre 2006, qui, pour atteinte à la liberté d...

N° 5697

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-sept octobre deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire LABROUSSE, les observations de la société civile professionnelle LAUGIER et CASTON, et de la société civile professionnelle BOULLOCHE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
CASSATION PARTIELLE et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par D... François, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 9è chambre, en date du 27 septembre 2006, qui, pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics, l'a condamné à 8 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en avril 1999, la commune de Linas, dont François D... était le maire, a lancé, pour la réalisation d'un pôle culturel, une procédure d'appel d'offres restreint avec concours, à l'issue de laquelle la société Minium Architectes qui n'avait pas justifié qu'elle satisfaisait aux exigences de l'article 52 du code des marchés publics et avait été la seule des entreprises autorisées à concourir, à être convoquée et auditionnée par le jury, a été déclarée attributaire ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 432-14 et 432-17 du code pénal,52,55 et 300 bis du code des marchés publics en sa rédaction applicable,34 de la Directive communautaire 92 / 50 / CEE du 18 juin 1992, de l'arrêté ministériel du 4 mai 1994, de l'article 6 du décret n° 98-111 du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics,591 et 593 du code de procédure pénale,1382 du code civil, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation du principe d'accessibilité, d'intelligibilité et de clarté de la loi :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré François D... coupable des faits qualifiés d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics, a condamné celui-ci au paiement d'une amende de 8 000 euros, ainsi qu'au paiement de dommages-intérêts au profit de Noël E... d'un montant de 10 000 euros, outre 5 000 euros de frais irrépétibles ;
" aux motifs que la société Minium, ainsi qu'il résulte du procès-verbal de la commission de l'ouverture des premières enveloppes, le 26 mai 1999, n'a pas présenté les attestations fiscales et sociales requises par la loi, pas plus que d'attestation sur l'honneur ayant pu suppléer aux attestations exigées ; que la lettre de candidature de la société Minium ne peut valoir attestation sur l'honneur d'être en règle avec les organismes sociaux et fiscaux ; que doit être écarté l'argument soulevé à l'audience par François D... selon lequel il s'agissait d'une société de création récente, celle-ci ayant débuté son activité le 29 juin 1998, ainsi que cela ressort de l'extrait K-BIS et dans la mesure où la société a dû souscrire des déclarations de T.V.A mensuelles ou trimestrielles et que les organismes sociaux n'ont pas manqué d'émettre des appels provisionnels et ont dû procéder à une régularisation au 31 décembre 1998 ainsi que les premiers juges l'ont relevé ; qu'il résulte des déclarations de MM.X... et Y... que, lors des précédentes commissions, à ce stade de la procédure, les candidatures non accompagnées des attestations ou d'une déclaration sur l'honneur étaient systématiquement rejetées ; que, dès lors, les déclarations de François D... selon lesquelles le jury, constatant l'absence d'attestations " n'était pas en mesure sur le champ de savoir comment traiter cette question " apparaissent peu crédibles ; qu'à ce stade, il apparaît que la candidature de la société Minium aurait dû être rejetée immédiatement tandis qu'elle a été sélectionnée par la commission et admise à concourir ; que, contrairement aux mentions portées dans les procès-verbaux des 15 et 19 octobre 1999, il est patent que, dès le 15 octobre 1999, le jury avait choisi le cabinet Minium, ce qui est confirmé par de nombreux éléments ; qu'ainsi, il ressort d'un document intitulé " choix du maître d'oeuvre ", non daté, non signé, dont on ignore le nom du rédacteur, mais dont l'existence n'est pas contestée par le prévenu et qui, selon le sous-préfet de Palaiseau, pourrait être considéré comme le rapport prévu à l'article 312 du code des marchés publics que le jury s'est réuni le 25 mai 1999 – les services assistés du Cabinet SIAM ont analysé les trente-deux candidatures et les ont présentées lors de la réunion du jury du 16 juin,-le jury a retenu trois candidatures,-le programme leur a été adressé,-la remise est prévue pour le 3 septembre,-2 dossiers ont été remis à la date limite (E... et Minium),-le jury s'est réuni le 15 octobre pour l'ouverture des offres et a sollicité l'audition des candidats qui a eu lieu le 19 octobre,-le projet Minium a immédiatement fait l'unanimité ; Gilbert Z..., 2ème adjoint au maire, a déclaré que la décision est intervenue dès la mi-octobre, le jury ayant choisi le cabinet Minium ; que François D... a admis qu'à la réunion du 15 octobre, les deux projets ont été présentés, le projet du cabinet Minium a fait l'unanimité … il a été souhaité de rencontrer l'architecte de Minium... donc, le 19 octobre, nous avons rencontré Minium, Noël E... n'était pas présent... on n'a pu établir s'il avait été convoqué " et déclaré devant le magistrat instructeur : " l'absence du Cabinet E..., le 19 octobre, dont je n'ai pas d'explications, n'a cependant pas pénalisé le processus de décision puisque le choix avait été fait le 15 octobre " ; qu'il est établi que Noël E... n'a pas été auditionné bien que la procédure d'appel d'offres le prévoyait, que de même, il n'est guère contestable qu'il n'a pas été convoqué pour audition, l'absence de convocation n'étant du reste pas sérieusement contestée par François D... ; qu'il résulte des déclarations de Jean Y..., adjoint au maire, que : " lorsqu'il s'agit d'un appel d'offres sur concours... les parties sont obligatoirement entendues par la commission " et de celles d'un autre adjoint " que le jury avait décidé préalablement d'auditionner les candidats " et de celles de François D..., d'une part, dans une lettre datée du 7 janvier 2002 adressé au gendarme F... indiquant : " Le scénario 2 proposé par la SIAM, bureau d'études et retenu par lui, prévoyait-la réunion du jury vers le 15 octobre – l'audition des deux lauréats retenus par le jury vers le 20 octobre, et d'autre part, devant le magistrat instructeur que " l'absence du Cabinet E... le 19 octobre, dont je n'ai pas d'explications, n'a cependant pas pénalisé le processus de décision puisque le choix avait été fait le 15 octobre... dans mon esprit, Noël E... devait être convoqué, même si son projet ne convenait pas... il s'agissait d'un jury sur concours, c'est-à-dire que le jury devait se déterminer sur les esquisses et non sur l'audition des candidats, c'est, d'ailleurs, ce que le jury a fait " ; que M.A..., chargé de suivre le projet au titre du Cabinet Minium, dans lequel il était associé, a déclaré : " j'ai été entendu par une réunion d'élus, je ne peux dire si cela constituait un jury, j'ai expliqué mon projet.J'avais été contacté par M.B... par téléphone, il m'a dit que Noël E... n'était pas convoqué parce que le choix architectural était déjà fait et que des élus voulaient me poser des questions complémentaires, les questions portaient sur l'aspect financier " ; qu'il est ainsi établi que l'audition des deux candidats, décidée par la commission, s'est limitée à l'audition de la seule société retenue, le cabinet Minium et que cette audition n'a d'ailleurs eu lieu qu'après que celle-ci ait été retenue ; qu'il apparaît en conséquence, qu'il y a eu incontestablement rupture d'égalité dans le traitement de ces deux candidats au titre de ce marché public, notamment à raison de l'absence d'audition du cabinet E..., pour défendre son projet, ce qui a entraîné le choix d'une société qui n'avait pas satisfait aux obligations du code des marchés publics et qui aurait dû d'ailleurs être éliminée dès la première ouverture des plis ; que le prévenu, maire de la commune de Linas depuis 1995, ne peut se réfugier derrière une méconnaissance de la procédure d'appel d'offres et l'incompétence des collaborateurs et conseillers qui l'entouraient, pour s'exonérer de toute responsabilité ; qu'en effet, il résulte du dossier et des propres déclarations, qu'une quarantaine de marchés publics étaient passés chaque année par la commune et sur concours un par an, ce qui démontre à l'évidence, qu'il ne pouvait ignorer les règles édictées au code des marchés publics et les principes qui les gouvernent, notamment le principe de l'égalité de traitement et la transparence ; qu'au surplus, ce dernier a expliqué à l'audience qu'il s'agissait du plus gros appel d'offre passé par sa commune, ce qui aurait dû l'amener à être d'autant plus vigilant sur la procédure ; qu'il a ainsi en connaissance de cause accompli un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics ; que le jugement déféré sera confirmé sur la déclaration de culpabilité ;
" 1°) alors que la méconnaissance des articles 52 et 55 du code des marchés publics, en sa rédaction applicable aux faits en litige, n'est constituée que si l'entreprise retenue n'a pas produit les attestations fiscales et sociales requises par la loi ; que le seul dépassement du délai fixé par l'article 55 du code des marchés publics n'est pas constitutif d'une violation en connaissance de cause d'une prescription légale ou réglementaire dès lors que l'article 34 de la Directive communautaire n° 92 / 50 / CEE du 18 juin 1992 ouvrait la possibilité aux pouvoirs adjudicateurs d'inviter les prestataires de services à compléter les certificats et documents présentés et à les expliciter ; qu'en l'absence de transposition de cette directive avant le 1er juillet 1993, par la France, ce texte régissait nécessairement la prévention puisque François D... n'avait fait que se conformer aux dispositions de cette directive ; que, par suite, l'arrêt attaqué, qui s'est borné à constater que, lors de l'ouverture des premières enveloppes, le 26 mai 1999, la Société Minium n'avait pas présenté les attestations requises par la loi quand une possibilité de régularisation existait et n'a pas relevé que le candidat choisi n'avait pas fourni ces attestations, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés à la prévention et au présent moyen ;
" 2°) alors que les règles applicables aux marchés publics antérieurement à la transposition par la France de la Directive communautaire 92 / 50 / CEE heurtaient le principe à valeur d'objectif constitutionnel d'accessibilité, d'intelligibilité et de clarté de la loi lato sensu tandis que l'unification et la simplification des procédures de concours n'ont été opérées que par le décret du 7 mars 2001 réalisant la transposition de cette directive ; que, dès lors, François D... ne pouvait être déclaré coupable de la transgression des articles 52 et 55 du code des marchés publics alors applicables lesquels étaient en contrariété formelle avec les dispositions de l'article 34 de ladite directive réservant une telle possibilité de régularisation ; qu'aussi bien, en retenant à charge de François D... une violation en connaissance de cause desdites dispositions réglementaires, l'arrêt attaqué a violé les textes visés au moyen ;
" 3°) alors que la candidature de la société Minium émanait d'une entreprise récemment créée dont la situation n'était pas appréhendée par l'arrêté du 4 mai 1994 pris pour l'application de l'article 55 du code des marchés publics alors applicable et définissant la liste des attestations susceptibles d'être produites par les entreprises soumissionnaires ; que, dès lors, ladite société ayant fait état lors de sa candidature d'une déclaration d'entreprise nouvelle, François D... ne pouvait être retenu dans les liens de la prévention quand la liste des attestations susceptibles d'être produites par un tel candidat n'était pas réglementairement fixée ; qu'en retenant qu'un tel candidat devait être évincé dès l'ouverture des premières enveloppes quand il pouvait être légalement admis à concourir, la Cour d'appel a commis une fausse application des textes réglementaires applicables et une interprétation erronée de ceux-ci ;
" 4°) alors que la lettre de la société Minium du 3 mai 1999 comportant acte de candidature contenait l'indication d'une date d'enregistrement au registre du commerce, du dépôt d'un premier bilan par les soins d'un expert-comptable et était signée de son gérant, M.C... ; qu'en refusant de tenir compte de ce document comme valant une attestation sur l'honneur d'une entreprise nouvellement créée, l'arrêt attaqué a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
" 5°) alors que le délit prévu par l'article 432-14 du code pénal suppose la commission d'un acte " contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public " ; que, dès lors, la cour d'appel qui ne précise en aucune manière quelle disposition législative ou réglementaire aurait été violée par François D... à raison de l'abstention du jury à auditionner Noël E... et se borne à cet égard à se référer à la décision de ce jury du 15 octobre 1999 d'auditionner le 19 octobre suivant les deux candidats, a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs ;
" 6°) alors que le marché litigieux était soumis, du fait de l'envoi de l'avis d'appel public à la concurrence le 14 avril 1999 à la publication du Boamp, aux dispositions de l'article 6 du décret n° 98-111 du 27 février 1998 prévoyant que les prestations sont transmises de manière anonyme au jury et comportant donc l'interdiction d'auditionner les candidats ; que, dès lors, l'arrêt attaqué n'a pu retenir à l'encontre de François D... la violation d'une disposition réglementaire en relation avec l'absence d'audition de Noël E... puisqu'une telle audition était interdite et n'était au surplus pas prévue par l'avis d'appel public à la concurrence et a, par suite, violé les textes précités et ceux de la prévention ;
" 7°) alors que la cour d'appel n'a pas constaté l'intention coupable de François D... de porter atteinte au principe d'égalité de traitement des candidats et à la transparence en retenant qu'il avait nécessairement une connaissance avérée de la procédure d'appel d'offres en raison de l'ancienneté de ses fonctions de maire depuis 1995 et de conseiller général depuis 1998 ; qu'en statuant ainsi bien que les termes du réquisitoire définitif aux fins de renvoi devant le tribunal correctionnel spécifiaient l'absence de liens quelconques entre le candidat retenu et François D..., l'arrêt attaqué n'a pas justifié légalement sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer François D... coupable de favoritisme, l'arrêt relève que la commission d'appel d'offres devait, ainsi qu'elle procédait habituellement, rejeter comme irrecevable la candidature de la société Minium Architectes, dès lors que cette société ne produisait ni les attestations sociales et fiscales requises par l'article 55 du code des marchés publics ni une déclaration sur l'honneur permettant d'y suppléer et ne pouvait invoquer sa création récente pour déroger aux exigences précitées ; que les juges ajoutent que, parmi les deux entreprises ayant déposé une offre, seule la société attributaire, qui d'ailleurs avait déjà été choisie par le jury le 15 octobre 1999, a été convoquée et auditionnée par ce dernier le 19 octobre 1999 ; qu'ils en déduisent qu'il y a eu une rupture d'égalité dans le traitement des deux candidats, notamment en raison de l'absence d'audition du second, ce qui a entrainé le choix d'une société qui n'aurait pas dû être admise à concourir ; qu'enfin, les juges retiennent que le prévenu, qui, en raison de son expérience, ne pouvait ignorer les règles du code des marchés publics, a, en connaissance de cause, accompli un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, l'article 55 du code des marchés publics, alors en vigueur, qui n'était pas contraire à l'article 34 de la Directive n° 92 / 50 / CEE du 18 juin 1992, invoquée au moyen, n'impose pas aux pouvoirs adjudicateurs de demander aux soumissionnaires les pièces manquantes, d'autre part, l'audition par le jury d'un seul des candidats admis à concourir était prohibé par l'article 302 du code des marchés publics et l'article 279-1 dudit code, tel que modifié par le décret du 19 juillet 1999, alors applicables, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui, en ses troisième, quatrième et septième branches, se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 à 13 de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III, du principe de la séparation des pouvoirs, des articles 432-14 et 432-17 du code pénal,2,3,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que la cour d'appel, retenant sa compétence pour statuer sur les demandes de Noël E..., a déclaré recevable Noël E... en sa constitution de partie civile, et a condamné François D... à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, toute cause de préjudices confondus, ainsi que celle de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d'appel ;
" aux motifs que Noël E..., constitué partie civile, sollicite la condamnation de François D..., à lui verser les sommes de 24 916 euros au titre de l'indemnité pour la perte d'une chance d'avoir emporté le marché litigieux, celle de 134 640 euors au titre de l'indemnité pour la perte de chance de remporter d'autres concours, compte tenu de l'attitude du prévenu et des conséquences à l'égard des médias et des établissements publics, du choix frauduleux d'un autre candidat, et 3 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; que cette attribution irrégulière du marché a eu pour conséquence directe de faire perdre une chance à Noël E... d'être déclaré attributaire d'autant que la société Minium était la seule en compétition avec lui après le dépôt des esquisses ; qu'il est également constant que l'activité de Noël E..., en l'espèce, architecte, entrait bien dans l'objet du marché, ce dernier concernant un contrat de maîtrise d'oeuvre, que, par ailleurs, il est avéré par les pièces du dossier que Noël E..., dont le cabinet d'architecte avait pour clientèle exclusive les organismes publics, disposait d'une structure adaptée pour mener à bien le projet, objet du marché ; que, dès lors, sa constitution de partie civile est recevable, compte tenu de la déclaration de culpabilité intervenue à l'égard du prévenu ; que la cour d'appel dispose d'éléments suffisants pour fixer le préjudice direct et actuel résultant pour la partie civile des agissements du prévenu à la somme de 10 000 euros toute cause de préjudices confondus ; que le jugement déféré sera infirmé pour partie en ses dispositions civiles ; que, pour tenir compte des frais irrépétibles engagés par la partie civile en première instance et en cause d'appel, François D... sera condamné à lui verser la somme de 5 000 euros ;
" alors que les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité civile d'une administration ou d'un service public en raison du fait dommageable commis par l'un de leurs agents ; que l'agent d'un service public n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions ; qu'en retenant, dès lors, sa compétence pour statuer sur la responsabilité civile de François D... à raison des faits accomplis dans l'exercice de ses fonctions de maire de la commune de Linas sans rechercher, comme elle y était tenue même d'office, si la faute imputée à François D... présentait le caractère d'une faute personnelle détachable de sa fonction de maire, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe précité " ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu que, d'une part, les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d'une administration ou d'un service public en raison d'un fait dommageable commis par l'un de ses agents, d'autre part, l'agent d'un service pubilc n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il a commis que si celui-ci constitue une faute détachable de ses fonctions ;
Attendu que, pour condamner François D..., déclaré coupable de favoritisme, à verser des dommages-intérêts à Noël E..., candidat évincé, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu qu'en se reconnaissant ainsi compétente pour statuer sur la responsabilité civile du prévenu, maire ayant agi dans l'exercice de ses fonctions, sans rechercher, même d'office, si la faute imputée à celui-ci présentait le caractère d'une faute personnelle détachable du service, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe rappelé ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 27 septembre 2006, mais en ses seules dispositions ayant prononcé sur les intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de Noël E... ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Dulin conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Labrousse conseiller rapporteur, Mme Thin, M. Rognon, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, MM. Bayet, Straehli conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Slove, Degorce conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-87566
Date de la décision : 17/10/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Agent d'un service public - Délit commis dans l'exercice des fonctions - Faute personnelle détachable - Recherche nécessaire

SEPARATION DES POUVOIRS - Agent d'un service public - Délit commis dans l'exercice des fonctions - Faute personnelle détachable - Action civile - Compétence judiciaire COMPETENCE - Compétence d'attribution - Juridictions correctionnelles - Action civile - Délit commis dans l'exercice de ses fonctions par un agent d'un service public - Faute personnelle détachable MAIRE - Délit commis dans l'exercice de ses fonctions - Action civile - Faute non détachable des fonctions de maire - Séparation des pouvoirs - Compétence administrative

Ne justifie pas sa décision la juridiction répressive qui se reconnaît compétente pour statuer sur la responsabilité civile d'un maire, ayant agi dans l'exercice de ses fonctions, condamné pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité dans les marchés publics, sans rechercher, même d'office, si la faute imputée à celui-ci présentait le caractère d'une faute personnelle détachable du service


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 septembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 17 oct. 2007, pourvoi n°06-87566, Bull. crim. criminel 2007, N° 248
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, N° 248

Composition du Tribunal
Président : M. Dulin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat général : M. Di Guardia
Rapporteur ?: Mme Labrousse
Avocat(s) : SCP Boulloche, SCP Laugier et Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.87566
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