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12/06/2007 | FRANCE | N°06-88900

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 juin 2007, 06-88900


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze juin deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
CASSATION PARTIELLE PAR VOIE DE RETRANCHEMENT et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par la société Henri X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 28 septembre 2006, qui, pour

blessures involontaires, l'a condamnée à 5 000 euros d'amende, a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze juin deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller GUIRIMAND, les observations de la société civile professionnelle VINCENT et OHL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
CASSATION PARTIELLE PAR VOIE DE RETRANCHEMENT et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par la société Henri X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 28 septembre 2006, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 5 000 euros d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-20,222-21,121-2,131-38 et 131-39 du code pénal,2,3,427,485,512,591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société X... coupable de blessures involontaires ayant entraîné une ITT inférieure à trois mois, par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement et, en répression, l'a condamnée à une amende délictuelle de 5 000 euros ;
" aux motifs que Raul Y...
A... a été victime d'un accident du travail, le 14 juin 1995, alors qu'il était préposé à la société Henri X... dont le PDG était alors Henri X..., décédé le 26 février 2003, accident qui a entraîné une incapacité totale de travail inférieure à trois mois selon rapport du professeur Z... du 2 février 2001 ; que la société est poursuivie sur le fondement de l'article 222-20 du code pénal applicable selon l'article 222-21 aux personnes morales ; que le libellé de l'article 222-20 applicable au moment des faits était le suivant : le fait de causer à autrui par un manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende, la loi du 10 juillet 2000 ayant ajouté devant l'adjectif délibéré l'adverbe manifestement ; que dans la mesure où le texte nouveau présente des conditions d'engagement de la responsabilité plus strictes, il est applicable en la cause ; que selon l'article 121-2 du code pénal, les personnes morales sont responsables pénalement dans les cas prévus par la loi des infractions commises par leurs organes ou représentants ; qu'il incombait donc aux premiers juges de faire ce qu'ils ont fait à savoir rechercher si Henri X..., alors organe de la société X..., a commis un manquement tel que prévu à l'article 222-20 du code pénal dans sa nouvelle rédaction, qui serait de nature à entraîner la responsabilité de la personne morale, peu important que l'action publique ait été éteinte à son égard suite à son décès le 26 février 2003 alors que l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction de ce siège n'était pas définitive ; qu'il y a donc lieu à présent d'examiner la chronologie des faits litigieux, étant incontestable que le 14 juin 1995, jour de l'accident, Raul Y...
A... était sous la direction du PDG de la société Henri X..., lequel lui avait donné instruction de procéder à la fabrication d'une pièce sur une presse actionnée au moyen d'une pédale ; qu'il est constant que c'est alors que Raul Y...
A... a voulu réceptionner la première pièce en acier, que la presse a repris sa course, lui écrasant la main droite ; qu'aux termes du rapport d'expertise diligenté, cette machine a été acquise d'occasion dans les années 70 à l'entreprise Pain de Lipsheim et maintenue en fonctionnement dans l'établissement
X...
jusqu'au jour de l'accident de Raul Y...
A..., mais " n'est absolument pas conforme à la réglementation qui lui était applicable le jour de l'accident ", l'expert relevant que l'utilisation de l'outil pour réaliser le pré-formage n'est pas conforme à la réglementation applicable, que son utilisation n'a manifestement pas fait l'objet d'une évaluation préalable de risques, que l'outil associé à la presse et au mode opératoire est extrêmement dangereux pour l'opérateur et n'est pas conforme à la réglementation du travail ; qu'il est établi que l'accident est dû au fait que Raul Y...
A... a dû accéder à l'intérieur de l'outil pour positionner la pièce puis pour l'extraire alors que la presse à clavette utilisée ne présentait strictement aucune garantie de sécurité quant à la fermeture inopinée de l'outil, " situation tout à fait anormale ", selon l'expert ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont dit que les manquements à l'origine de l'accident du 14 juin 1995 de Raul Y...
A... sont imputables au chef d'établissement, car si la presse à clavette avait été conforme à la réglementation qui lui était applicable et si son utilisation avait été également conforme à la réglementation en vigueur, l'accident n'aurait pas eu lieu ; que l'expert a ainsi relevé qu'une telle machine devait être " impérativement réformée et détruite pour éviter toute éventuelle utilisation " ; qu'il en résulte qu'il y a eu manquement manifestement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence génératrice d'une ITT inférieure ou égale à trois mois et c'est donc par une bonne application du droit que le tribunal a déclaré la société X... représentée par son PDG Bernard X... coupable de l'infraction visée à la prévention et la confirmation du jugement entrepris s'impose (arrêt, pages 4 et 5) ;
" alors que, le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; qu'en se bornant à affirmer l'existence d'un manquement manifestement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence prétendument imputable au représentant de la personne morale, sans préciser la source et la nature de l'obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement dont la violation aurait constitué l'infraction visée à la prévention, ni a fortiori en quoi aurait consisté sa violation manifestement délibérée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme, et des pièces de procédure que le 14 juin 1995, un salarié de la société Henri X... a été blessé à la main par la presse à clavette qu'il utilisait pour façonner une pièce et qui s'était inopinément remise en route ; qu'à la suite de l'ordonnance de non-lieu intervenue dans l'information ouverte, du fait de cet accident, sur plainte avec constitution de partie civile du salarié, la chambre de l'instruction a infirmé ladite ordonnance en relevant que le président de la société, avisé à de multiples reprises par l'inspection du travail de la dangerosité de la machine, n'avait pas procédé à sa mise en conformité ; qu'à l'issue de l'information, la société Henri X... a été renvoyée devant la juridiction correctionnelle sur le fondement de l'article 222-20 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000, pour avoir involontairement causé au salarié des blessures entraînant une incapacité de travail inférieure à trois mois, ensuite de la violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement consistant dans la mise à disposition d'une presse non conforme à la réglementation applicable et dont la dangerosité excluait toute utilisation ;
Attendu que, pour dire la prévention établie, les juges du fond retiennent que le jour des faits, Henri X..., alors président de la société, avait donné pour instruction au salarié de procéder à la fabrication d'une pièce au moyen de la presse, qui avait été mise en service dans l'entreprise dans les années 1970 et maintenue en fonctionnement sans équipements de protection ni évaluation des risques d'utilisation ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs exempts d'insuffisance et d'où il résulte que la société Henri X... a causé à autrui des blessures involontaires entraînant une incapacité totale de travail inférieure à trois mois, par violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée à la date des faits, en application du décret du 11 janvier 1993, par les articles R. 233-3 et R. 233-4 du code du travail, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 593,800,800-1 et R. 93 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société X... aux frais de justice visés par l'article R. 93 du code de procédure pénale (arrêt, page 6) ;
" alors qu'aux termes de l'article 800-1 du code de procédure pénale, les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police, auxquels sont assimilés les frais visés à l'article R. 93 du même code, sont à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés ; qu'en condamnant la société X... au paiement de ces frais, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Vu l'article 800-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ce texte, les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré la société Henri X... coupable de blessures involontaires, l'a condamnée au paiement des frais de justice visés par l'article R. 93 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte précité et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le moyen de cassation relevé d'office, pris de la violation des articles 111-3 et 222-21 du code pénal :
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon l'article 111-3 du code pénal, en son alinéa 2, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;
Attendu qu'après avoir déclaré la société Henri X... coupable d'homicide involontaire, l'arrêt a ordonné l'affichage de la décision ainsi que sa publication par voie de presse ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la société Henri X..., qui n'était pas poursuivie pour des infractions aux règles de sécurité rendant applicables les dispositions de l'article L. 263-6 du code du travail, encourait par application de l'article 222-21 du code pénal, pour la seule infraction de blessures involontaires prévue par l'article 222-20 du même code, soit la peine complémentaire d'affichage soit celle de diffusion de la décision, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 28 septembre 2006, d'une part, par voie de retranchement en ses dispositions relatives à la condamnation aux frais de justice, et, d'autre part, en ses dispositions concernant la peine complémentaire prononcée, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, sur la seule peine complémentaire ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-88900
Date de la décision : 12/06/2007
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FRAIS ET DEPENS - Frais à la charge de l'Etat - Frais visés par l'article R. 93 du code de procédure pénale

Méconnaissent les dispositions de l'article 800-1 du code de procédure pénale, selon lequel les frais de justice criminelle, correctionnelle et de police sont à la charge de l'Etat et sans recours envers les condamnés, les juges d'appel qui, après avoir déclaré le prévenu coupable du délit poursuivi, le condamnent au paiement des frais de justice visés par l'article R. 93 du code de procédure pénale


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 28 septembre 2006


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 jui. 2007, pourvoi n°06-88900, Bull. crim. criminel 2007, N° 156
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, N° 156

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton
Rapporteur ?: Mme Guirimand
Avocat(s) : SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.88900
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