LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize février deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DELBANO, les observations de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;
CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur le pourvoi formé par X... Gesche, épouse Y..., contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, en date du 8 mars 2006, qui, dans la procédure suivie contre elle des chefs d'homicides, blessures involontaires et contravention au code de la route, l'a condamnée, notamment, à l'annulation de son permis de conduire, avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant dix-huit mois ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du principe de droit international de non-ingérence d'un Etat envers un autre Etat, des articles 53 et 55 de la Constitution du 4 octobre 1985, des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 113-2, 131-10, 221-6-1, et 221-8 4° du code pénal, de l'article 591 du code de procédure pénale, excès de pouvoir, violation des droits de la défense et manque de base légale :
"en ce que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré la prévenue coupable d'homicides involontaires et de blessures involontaires, commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule automobile, a annulé son permis de conduire délivré par les autorités allemandes et lui a interdit de solliciter la délivrance d'un nouveau permis dans un délai de dix-huit mois ;
"alors que, le juge français ne peut pas annuler un permis de conduire délivré par une autorité administrative étrangère à un étranger résidant à l'étranger, ni lui interdire de solliciter la délivrance d'un nouveau permis avant un certain délai, quand bien même l'intéressé aurait commis un délit sur le territoire français" ;
Vu les articles 221-8 du code pénal et 42 de la Convention sur la circulation routière signée à Vienne le 8 novembre 1968 ;
Attendu que, si le second de ces textes permet aux juridictions françaises de priver un conducteur ressortissant d'un autre Etat signataire, qui a commis en France une infraction susceptible d'entraîner le retrait du permis de conduire en vertu de la législation française, du droit de faire usage, sur le territoire français, du permis de conduire, national ou international, dont ce conducteur est titulaire, il n'autorise pas ces juridictions à prononcer l'annulation du permis de conduire de ce même conducteur ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Gesche Y..., conductrice de nationalité allemande et titulaire du permis de conduire délivré par la République fédérale d'Allemagne, a provoqué, en France, un accident de la route qui a causé la mort de trois personnes et des blessures à cinq autres ;
Attendu qu'après avoir déclaré l'intéressée coupable d'homicides et blessures involontaires ainsi que de la contravention de défaut de maîtrise, l'arrêt prononce à son encontre, notamment, l'annulation du permis de conduire, avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant dix-huit mois ;
Mais attendu qu'en prononçant cette peine complémentaire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe énoncé ci-dessus ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit appropriée, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la peine complémentaire d'annulation du permis de conduire, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date du 8 mars 2006, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT que Gesche X..., épouse Y..., sera privée du droit de faire usage, sur le territoire français, durant dix-huit mois du permis de conduire national dont elle est titulaire ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Amiens et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Delbano conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller conseillers de la chambre, Mme Guihal, M. Chaumont conseillers référendaires ; Avocat général : M. Boccon-Gibod ; Greffier de chambre : Mme Randouin ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;