AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt décembre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Géraldine,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 29 novembre 2005, qui, pour déclaration mensongère à une autorité judiciaire entraînant des recherches inutiles, l'a condamnée à 4 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 132-73, 324-26 du code pénal, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Géraldine X..., épouse Y..., coupable de dénonciation mensongère à une autorité judiciaire entraînant des recherches inutiles, et l'a condamnée à une amende de 4 000 euros ;
"aux motifs qu'il est avéré que Géraldine X..., épouse Y..., a fait constater par les services de police le 26 octobre 2003 l'ouverture d'une fenêtre, située au premier étage de son domicile, dont le carreau est cassé, effraction qui a été simulée dans le but d'échapper à l'exclusion de garantie supposée de l'assureur ; le vol avec effraction qui diffère dans un de ses éléments constitutifs et dans sa répression du vol simple est un délit autonome ; même s'il était avéré que Géraldine X..., épouse Y..., a été victime du vol de ses bijoux, ce qui en l'état de la procédure est vraisemblable, en portant plainte auprès des services de police pour vol avec effraction, la prévenue a bien mensongèrement dénoncé un fait, l'effraction, constitutif d'un délit imaginaire, un vol avec effraction ;
... l'autorité, qui a reçu cette dénonciation, est venue constater l'effraction, a tenté de reconstituer ce qui aurait pu être l'itinéraire d'accès et de repli de l'auteur du délit dénoncé et s'est livrée, à l'intérieur et aux abords du domicile de la prévenue, à d'inutiles recherches d'indices et de traces, l'infraction reprochée est suffisamment caractérisée" ;
"alors que, d'une part, la loi pénale est d'interprétation stricte ; que l'article 434-26 du code pénal réprime le fait de dénoncer mensongèrement à l'autorité judiciaire ou administrative des faits constitutifs d'un crime ou d'un délit, mais ne réprime pas la dénonciation d'une circonstance aggravante ; que la cour d'appel ne pouvait déclarer Géraldine X..., épouse Y..., coupable de ce délit au motif qu'elle avait déclaré un vol avec effraction, le vol étant intervenu sans effraction ; l'effraction ne constituant ni un crime, ni un délit mais uniquement une circonstance aggravante dont la dénonciation, fût-elle mensongère, n'est pas pénalement sanctionnée ;
"alors que, d'autre part, toute décision de justice doit comporter les motifs suffisants propres à justifier le dispositif ;
qu'en considérant que le vol était survenu sans effraction, sans justifier du bien-fondé de cette affirmation et sans préciser les circonstances exactes du vol, ni comment il avait pu être commis sans effraction, la cour d'appel a privé sa décision des motifs propres à la justifier" ;
Vu l'article 434-26 du code pénal ;
Attendu que la dénonciation dont le caractère mensonger ne porte que sur une circonstance aggravante d'une infraction n'est pas constitutive du délit prévu par ce texte ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Géradine X... a porté plainte pour vol commis avec effraction ; que les services de police se sont rendus sur place pour constater les faits ; qu'il s'est avéré que, si la plaignante avait bien été victime d'un vol, elle avait faussement fait état d'une effraction ;
Attendu que, pour déclarer Géraldine X... coupable de dénonciation mensongère à une autorité judiciaire entraînant des recherches inutiles, l'arrêt énonce que le vol par effraction diffère dans un de ses éléments constitutifs et dans sa répression du vol simple et constitue un délit autonome ; que l'arrêt ajoute que les enquêteurs ont dû se livrer à d'inutiles recherches ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 29 novembre 2005 ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Lemoine conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mmes Nocquet, Ract-Madoux conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;