AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2037, devenu l'article 2314, du code civil ;
Attendu que la caution est déchargée lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 2 octobre 2002, pourvoi n° 00-17569), que, par acte du 23 mars 1978, M. X... s'est rendu caution solidaire des engagements de M. Y... envers la société Comptoir bigourdan de l'électronique (société CBE) ; que, le même jour, la société CBE a pris une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce de son débiteur pour la conservation de sa créance ; que cette publicité provisoire n'a pas été confirmée par une publicité définitive ;
Attendu que pour admettre au passif de M. X..., en liquidation judiciaire, la créance de la société CBE, l'arrêt retient que la caution ne peut reprocher au créancier de ne pas avoir conservé un droit qu'il pouvait ne pas acquérir définitivement et sur lequel, par conséquent, elle ne pouvait compter ; que le fait de ne pas rendre définitif le nantissement judiciaire provisoire d'un fonds de commerce, en l'absence d'engagement pris par le créancier sur ce point, ne constitue pas un fait susceptible de décharger la caution de son obligation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le créancier qui, dans le même temps, se garantit par un cautionnement et constitue une sûreté provisoire s'oblige envers la caution à rendre cette sûreté définitive, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Comptoir bigourdan de l'électronique aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la société Comptoir bigourdan de l'électronique, la condamne payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé par le premier président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille six.
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils pour M. X....
MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 247.P+B+R+I (chambre mixte)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue par le juge-commissaire au redressement judiciaire de Monsieur X... le 7 septembre 1998 ayant admis le COMPTOIR BIGOURDAN DE L'ELECTRONIQUE au passif du redressement judiciaire de Monsieur André X... pour la somme de 746.404,99 francs à titre chirographaire et à celle de 10.638,28 francs à titre privilégié ;
AUX MOTIFS QUE aux termes de l'article 2037 du Code civil, la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution ; qu'il résulte de ces dispositions que la caution ne saurait reprocher au créancier de ne pas avoir conservé un droit qu'il pouvait ne pas acquérir définitivement et sur lequel, par conséquent, elle ne pouvait pas compter ; que le fait de ne pas rendre définitif le nantissement judiciaire provisoire d'un fonds de commerce, en l'absence d'engagement pris par le créancier sur ce point, ne constitue pas un fait susceptible de décharger la caution de son obligation ; qu'en l'espèce, Monsieur X... ne démontre pas que la société CBE se soit obligée à rendre définitif le nantissement litigieux ; que dès lors, en l'absence d'engagement du créancier sur ce point, Monsieur X... ne peut prétendre être déchargé de son engagement de caution ; que dès lors et sans qu'il y ait lieu de répondre aux autres moyens inopérants, il convient de confirmer l'ordonnance du juge-commissaire du 7 septembre 1998 ;
ALORS QUE le créancier qui, ayant pris un nantissement provisoire sur le fonds de commerce, obtient le même jour un cautionnement, permettant à la caution une subrogation, ne peut plus se borner à agir dans son strict intérêt personnel, mais doit prendre en compte les intérêts de la caution, en sorte qu'il s'oblige nécessairement à rendre définitif le nantissement ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les articles 2037 et 1134 alinéa 3 du Code civil.