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31/10/2006 | FRANCE | N°05-87153

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 octobre 2006, 05-87153


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un octobre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Elie,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20

e chambre, en date du 18 novembre 2005, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a c...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente et un octobre deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller KOERING-JOULIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Elie,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 20e chambre, en date du 18 novembre 2005, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, a constaté l'inscription de la condamnation au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27, 222-28 2° du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Elie X... coupable d'agressions sexuelles imposées par ascendant ou personne ayant autorité, l'a condamné à une peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

"aux motifs qu'aux accusations constantes de la partie civile, s'opposent les dénégations formelles du prévenu ; que le prévenu présentait des troubles de la personnalité et de l'humeur en rapport avec une affection cancéreuse évolutive depuis 1993, de nature à atténuer sa responsabilité au sens de l'article 122-1 du code pénal ; que la partie civile est estimée crédible par les experts l'ayant examinée, dont les docteurs Y... et Z... ; que la baisse de la libido due à la maladie du prévenu et son traitement, rendant difficilement plausible la manifestation d'un désir, ne saurait être admise, le prévenu ayant reconnu, à l'audience, avoir trompé son épouse, courant 1996, et non en 1995, comme elle l'avait indiqué à l'enquêteur de personnalité ; qu'ils ont tous deux des troubles de la personnalité, le prévenu étant décrit comme un joueur compulsif, mégalomane, et la partie civile présentant des manifestations psycho-comportementales de type névrotique pouvant être qualifiées d'hystérie ; que les dénégations du prévenu ne sauraient emporter la conviction de la cour, eu égard aux déclarations de la partie civile, précises, constantes et circonstanciées, concernant des actes limités dans leur matérialité, et réitérées à l'audience de la cour ; que, vu l'ancienneté des faits, il ne saurait être fait grief à la partie civile de ne pas préciser la date exacte de chacun des quatre faits dénoncés, les situant avant Noël 1995, à la mi-1996, début 1997 et en juillet 1997 ; que force est de constater, au demeurant, que le prévenu admet se coucher bien après son épouse, étant insomniaque et évoque une visite nocturne dans la chambre prêtée à Lauren, courant 1999, et à la demande de son épouse, mais aussi, dans la tenue peu appropriée, s'agissant d'une adolescente, indiquée par la partie civile, soit en slip ;

que les accusations de Lauren sont confortées par les dires de sa soeur Margaux ; que la circonstance qu'elle vienne "au soutien de la partie civile", ainsi que le révèle à juste titre le prévenu, n'exclut nullement leur véracité ; que les premiers juges ont exactement révélé que le massage décrit par le prévenu, l'adolescente étant vêtue d'un maillot une pièce, bretelles simplement baissées, rend des plus improbables le touché des poils pubiens de la jeune fille admis par lui, sa fonction de gynécologue excluant des gestes malhabiles et une main qui dérape involontairement ; que la jeune fille a, d'emblée, ressenti ledit massage comme sexué puisque le rapprochant de la profession de gynécologue de son oncle ; que le geste ne pouvait être anodin, la jeune fille s'en étant émue immédiatement par téléphone, auprès de sa mère, qui, inquiète, appelait sans délai Anita, sa soeur, qui les hébergeait ; qu'enfin, l'absence d'intention malveillante de Margaux est certaine, n'ayant pas envisagé de déposer plainte, soucieuse de protéger sa tante et ses cousins ; qu'elle a maintenu ses dires dans une attestation de février 2003 alors qu'elle ne pouvait méconnaître l'importance de ses révélations, étant désormais avocate, et alors que le prévenu ne soutient pas qu'elle a des problèmes de personnalité ; que les accusations de la partie civile sont étayées par les déclarations de nombreuses amies des soeurs A..., soulignant le comportement des plus inapproprié du prévenu à l'égard de Lauren, leur extrême proximité physique alors qu'elle avait environ 13 ans ; que leur connivence avec la partie civile alléguée par le prévenu n'est confortée par aucun élément objectif du dossier, ce dernier étant mal venu à les discréditer alors qu'ils étaient, avant la plainte de Lauren, des plus liés ; que la personnalité perverse, l'attitude volage de Lauren, décrite par l'épouse du prévenu, est contredite par toutes les pièces de la procédure, la jeune fille d'un naturel sérieux, n'ayant ses premières relations sexuelles qu'à l'âge de 19 ans ; que le prévenu ne saurait s'étonner que Lauren, après les premiers faits allégués, ait continué à dormir chez lui, alors qu'elle pouvait être hébergée à Paris par d'autres membres de la famille, eu égard à l'extrême attachement qu'elle vouait tant à lui-même, le considérant comme son deuxième père, qu'à sa tante et ses cousins, et au fonctionnement, admis par tous, en tribu, de la famille, un relâchement de ses liens avec son oncle devant, dans l'esprit de la partie civile, nécessairement amener un questionnement de ses parents, ce qu'elle ne voulait pas, soucieuse de préserver le maintien des relations familiales ; qu'il résulte de ce qui précède que les faits sont établis à défaut d'être reconnus ;

que l'infraction est caractérisée en tous ses éléments, les atteintes sexuelles consistant en des caresses très appuyées sur les seins et le sexe de Lauren, née le 11 décembre 1980, ayant été commises d'abord par surprise, courant 1995, soit pendant la nuit dans le cadre rassurant pour Lauren de la chambre de son cousin, et alors que sa tante dormait à proximité, puis par contrainte en 1996 et 1997, Lauren ne pouvant ignorer que toute révélation amènerait un éclatement de la famille jusqu'alors très unie et la fin de la relation privilégiée qu'elle entretenait avec le prévenu, avec la circonstance que le prévenu avait autorité sur elle, comme étant son oncle et étant confié à sa garde lorsqu'elle dormait chez lui ;

"1°) alors qu'un acte ne peut être qualifié d'agression sexuelle en l'absence d'un comportement de nature sexuelle de la part du prévenu ; que la cour d'appel s'est bornée à énoncer que le prévenu a évoqué une visite nocturne dans la chambre de sa nièce, en slip, que les accusations de Lauren B... étaient confortées par les dires de sa soeur, qui avait ressenti le massage comme de nature sexuelle du fait de la profession de gynécologue de son oncle ; qu'en relevant que les gestes n'avaient une connotation sexuelle que du point de vue de la jeune fille mais ne résultaient pas du comportement du prévenu, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'infraction dans tous ses éléments constitutifs ;

"2°) alors que le délit d'agression sexuelle suppose que l'atteinte sexuelle soit réalisée par son auteur avec violence, contrainte, menace ou surprise ; que ces éléments constitutifs de l'infraction doivent se déduire du comportement de l'auteur de commettre une atteinte sexuelle ; qu'en déduisant la surprise du fait que l'acte a eu lieu la nuit, dans la chambre d'un cousin, à côté de sa tante dormant également la nuit dans une autre chambre et en déduisant la contrainte du fait que la partie civile ne voulait pas révéler les faits de peur de l'éclatement familial qui pourrait en résulter, la cour d'appel, qui n'a pas recherché dans le comportement du prévenu les éléments constitutifs du délit, a privé sa décision de base légale ;

"3°) alors que, si les juges du fond apprécient souverainement la valeur des preuves, ils sont toutefois tenus de motiver leur décision sans insuffisance ni contradiction ; que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, énoncer, d'une part, que Lauren B... s'est abstenue de dénoncer les faits par crainte de l'éclatement familial, tout en constatant, d'autre part, que sa mère avait déjà eu connaissance de tels faits ; qu'en retenant ainsi des éléments contradictoires pour entrer en voie de condamnation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du protocole n° 7 annexé à cette convention, 111-3, 112-1, 132-17 du code pénal, 706-47, 706-53-1, 706-53-2, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a "constaté" l'inscription d'Elie X... au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ;

"1°) alors que l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles constitue une peine complémentaire instituée par les articles 706-53-1 et suivants du code de procédure pénale résultant de l'article 48 de la loi du 9 mars 2004 ; que les lois pénales de fond plus sévères ne s'appliquent pas aux infractions commises avant leur entrée en vigueur ; qu'en conséquence, en appliquant la loi nouvelle plus sévère aux faits dont elle était saisie, commis avant l'entrée en vigueur du nouveau texte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2°) alors qu'aucune peine ne peut être appliquée si la juridiction ne l'a expressément prononcée ; que, de surcroît, une peine ne peut être infligée qu'à la condition que les droits de la défense soient respectés ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait pas se borner à "constater" l'application de la peine d'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"3°) alors que les dispositions de l'article 569 du code de procédure pénale prévoient que les effets de la condamnation sont suspendus jusqu'à ce que la Cour de cassation ait statué ; qu'en vertu de cet effet suspensif, la cour d'appel ne pouvait légalement "constater" et aviser le prévenu de son inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles au jour du prononcé de la décision ;

"4°) alors qu'à supposer même que l'article 48 de la loi du 9 mars 2004 impose au juge de "constater" l'inscription d'un prévenu au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles pour des faits commis avant son entrée en vigueur, sans motivation, sans que la condamnation présente un caractère définitif, une telle disposition ne pouvait qu'être écartée comme contraire aux stipulations susvisées de la Convention européenne des droits de l'homme" ;

Attendu que, par application de l'article 216 de la loi du 9 mars 2004 prévoyant que les dispositions relatives à l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles sont applicables aux infractions commises avant la date de publication de la loi, l'arrêt attaqué a ordonné l'inscription de la condamnation prononcée contre le prévenu pour des faits commis courant 1995, 1996 et 1997 ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'a pas méconnu les dispositions conventionnelles invoquées ;

Qu'en effet, l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles constituant, non une peine au sens de l'article 7 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, mais une mesure ayant pour seul objet de prévenir le renouvellement des infractions sexuelles et de faciliter l'identification de leurs auteurs, celle-ci n'est pas soumise au principe de la non-rétroactivité des lois de fond plus sévères ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme qu'Elie X... devra payer à Lauren B... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Koering-Joulin conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, MM. Arnould, Corneloup, Pometan conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Finielz ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-87153
Date de la décision : 31/10/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FICHIER JUDICIAIRE NATIONAL AUTOMATISE DES AUTEURS D'INFRACTIONS SEXUELLES OU VIOLENTES - Application dans le temps - Inscription applicable aux infractions commises avant la date de publication de la loi du 9 mars 2004 - Convention européenne des droits de l'homme - Article 7 - Compatibilité.

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes - Mesure applicable aux infractions commises avant la date de publication de la loi du 9 mars 2004 - Convention européenne des droits de l'homme - Article 7 - Compatibilité

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 7 - Condamnation pour des faits ne constituant pas une infraction d'après le droit national ou international au moment où ils ont été commis - Inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes - Mesure applicable aux infractions commises avant la date de publication de la loi du 9 mars 2004 - Compatibilité

Justifie sa décision au regard des articles 706-53-1 du code de procédure pénale et 7 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme la cour d'appel qui constate l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes de la condamnation du prévenu pour des agressions sexuelles aggravées commises antérieurement à la publication de la loi du 9 mars 2004 dès lors que ladite inscription constitue, non une peine au sens du texte conventionnel précité mais une mesure ayant pour seul objet de prévenir le renouvellement des infractions sexuelles et de faciliter l'identification de leurs auteurs.


Références :

Code de procédure pénale 706-53-1
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 7 § 1
Loi 2004-204 du 09 mars 2004 art. 216

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 novembre 2005


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 oct. 2006, pourvoi n°05-87153, Bull. crim. criminel 2006 N° 267 p. 981
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 267 p. 981

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Finielz.
Rapporteur ?: Mme Koering-Joulin.
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Boré et Salve de Bruneton.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.87153
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