AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés le 22 octobre 1983 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts et ont divorcé le 19 juin 1998 ; qu'un jugement a statué sur diverses difficultés nées de la liquidation de leur régime matrimonial ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il avait fixé à 800 000 francs, soit 121 959,21 euros, la valeur du bien immobilier commun, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 832 du code civil, les biens attribués préférentiellement doivent être estimés à leur valeur au jour du partage ; que les juges du fond doivent donc estimer la valeur d'un bien attribué préférentiellement à tout le moins au jour où ils statuent ; qu'en énonçant qu'au vu des éléments d'appréciation qui lui étaient soumis, le tribunal a correctement apprécié la valeur de l'immeuble attribué préférentiellement à Mme Y... à 121 959,21 euros alors qu'elle devait à tout le moins évaluer ledit immeuble au jour où elle-même statuait, la cour d'appel a violé l'article 832 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la maison objet de l'attribution préférentielle a été évaluée en janvier 2000 par quatre agents immobiliers, que M. X..., qui fait état d'une évolution positive du marché immobilier depuis lors, ne produit aucune évaluation récente, que les estimations versées aux débats permettent à la cour d'appel de déterminer la valeur du bien immobilier indivis, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise, et qu'au vu des éléments d'appréciation qui lui étaient soumis, le tribunal a correctement apprécié la valeur de la maison en la fixant à 121 959,21 euros ;
Que de ces constatations et énonciations, dont il résulte qu'elle a souverainement estimé que la valeur de l'immeuble ne s'était pas modifiée au jour où elle statuait sur la fixation, au jour du partage, de la valeur des biens immobiliers attribués à Mme Y..., la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Vu les articles 1315 et 1341 du code civil, 455 et 458 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de réintégration dans l'actif commun de la somme de 26 525,37 euros, l'arrêt retient qu'il résulte des pièces produites aux débats que le 8 juillet 1988, Mme Micheline Y... a fait virer cette somme sur le compte dont sa fille était personnellement titulaire et que cette dernière l'a utilisée pour souscrire un emprunt obligataire ; que le 11 août 1995, Mme Dominique Y... a sollicité le remboursement par anticipation de cet emprunt obligataire et encaissé la somme de 26 525,37 euros qu'elle a remise à sa mère, et qu'en agissant de la sorte, elle n'a fait que rembourser un prêt qui avait été consenti à la communauté par sa mère, circonstance exclusive de tout don manuel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la preuve de la remise de fonds à une personne ne suffit pas à justifier l'obligation pour celle-ci de restituer la somme qu'elle a reçue, la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence, parmi les pièces produites aux débats et non visées par elle, d'un écrit valant reconnaissance de dette par Mme Y... pour le prêt qu'aurait consenti sa mère, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1433, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu que la communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit des biens propres ;
Attendu que pour dire que Mme Y... détient une créance personnelle sur M. X..., l'arrêt relève qu'elle déclare avoir réglé en juillet 1983 une somme de 7 012,65 euros représentant l'indemnité versée lors de la promesse de vente, cette somme s'étant par la suite imputée sur le prix d'acquisition de l'immeuble ;
Qu'en statuant ainsi, tout en retenant qu'il est établi par le relevé de compte dont Mme Y... était titulaire que cette somme, remise avant le mariage, provenait de ses fonds propres, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la demande de réintégration dans l'actif de communauté de la somme de 26 525,37 euros et l'apport par Mme Y... de la somme de 7 012,65 euros pour l'achat du bien immobilier, l'arrêt rendu le 22 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juin deux mille six.