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30/05/2006 | FRANCE | N°05-14930

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 mai 2006, 05-14930


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 9 du Code civil, ensemble les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que M. Dominique X..., député-maire de Toulouse, ayant appris que son nom était cité au sein d'une procédure judiciaire ouverte dans cette même ville le 15 avril 2003 contre "Patrice Y... et tous autres pour proxénétisme, viols aggravés et complicité, viols sur mineurs par personnes dép

ositaires de l'autorité", a, le 18 mai suivant, par communiqué auprès de l'agence Fra...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 9 du Code civil, ensemble les articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Attendu que M. Dominique X..., député-maire de Toulouse, ayant appris que son nom était cité au sein d'une procédure judiciaire ouverte dans cette même ville le 15 avril 2003 contre "Patrice Y... et tous autres pour proxénétisme, viols aggravés et complicité, viols sur mineurs par personnes dépositaires de l'autorité", a, le 18 mai suivant, par communiqué auprès de l'agence France presse, puis intervention sur la chaîne de télévision TF1 lors de son journal de 20 heures, déclaré dénoncer une machination à son endroit, puis affirmé qu'il serait "facile d'établir que ces actes abominables ne le concernaient en rien" ; que dans ses numéros des 22 et 28 mai 2005, l'hebdomadaire VSD a publié, annoncé dès la première page de couverture sous le titre "Uniquement dans VSD Dominique X..., le nouveau document qui dérange", et commenté par le journaliste Philippe Z..., un extrait de procès-verbal d'écoutes téléphoniques judiciaires, provenant d'un dossier de proxénétisme instruit à Paris en 1996, et au cours desquels une prostituée disait avoir rencontré M. X... à trois reprises, dont une fois à Bruxelles ;

Attendu que, pour débouter M. X... de ses demandes formulées contre la société VSD sur le fondement de l'atteinte à sa vie privée constituée par cette publication, l'arrêt attaqué retient que c'est lui-même qui, lors de son intervention télévisée du 18 mai 2003, avait expliqué n'avoir jamais eu de lien avec le milieu du proxénétisme et de la prostitution et que son emploi du temps de député-maire, minutieusement vérifiable, se partageait entre ses activités publiques et sa vie familiale, que néanmoins le procès-verbal d'écoutes téléphoniques produit pouvait prouver qu'il n'avait pas dit la vérité quant à son absence de lien avec le milieu de la prostitution, que du reste le journal Le Monde du 12 juillet 2003 avait annoncé que les pièces de la procédure parisienne de 1996 avait depuis fait l'objet d'une demande de versement à leur dossier par les magistrats instructeurs de Toulouse, et qu'ainsi la divulgation reprochée était en relation directe avec les déclarations du 18 mai 2003, et, partant, avec un événement d'actualité ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, d'une part, que M. X... n'avait jamais été mis en cause dans la procédure pénale parisienne dont était extrait le procès-verbal d'écoutes, et d'autre part, que le commentaire journalistique lui-même précisait que les rencontres ainsi imputées à M. X... "n'avaient rien à voir avec les soirées délirantes évoquées dans le dossier de Toulouse", tous éléments dont il résultait que la divulgation litigieuse ne présentait aucun lien avec l'information judiciaire toulousaine dont il prétendait rendre compte, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres branches :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 février 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société VSD et M. Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société VSD et de M. Z... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 05-14930
Date de la décision : 30/05/2006
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Atteinte - Caractérisation - Cas - Divulgation de faits se rapportant à la vie privée d'une personne qui ne présentent aucun lien avec l'événement d'actualité commenté.

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Respect de la vie privée - Atteinte - Caractérisation - Cas - Divulgation de faits se rapportant à la vie privée d'une personne qui ne s'inscrivent pas dans un débat d'intérêt général

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 10 - Liberté d'expression - Restriction - Causes - Protection de la réputation ou des droits d'autrui - Applications diverses - Atteinte au respect de la vie privée

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée - Exercice de ce droit - Atteinte - Caractérisation - Cas - Divulgation de faits se rapportant à la vie privée d'une personne qui ne présentent aucun lien avec l'événement d'actualité commenté

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée - Exercice de ce droit - Atteinte - Caractérisation - Cas - Divulgation de faits se rapportant à la vie privée d'une personne qui ne s'inscrivent pas dans un débat d'intérêt général

Viole l'article 9 du code civil, ensemble les articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'arrêt qui pour débouter une personne de ses demandes formulées contre la société éditrice d'un journal sur le fondement de l'atteinte à sa vie privée constituée par une publication, retient que la divulgation reprochée était en relation directe avec un événement d'actualité alors qu'elle ne présentait aucun lien avec l'information judiciaire dont elle prétendait rendre compte et ne s'inscrivait pas dans un débat d'intérêt général.


Références :

Code civil 9
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales art. 8, art. 10

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 23 février 2005

Sur la nécessité d'une relation directe avec l'événement d'actualité commenté, dans le même sens que : Chambre civile 1, 2005-07-12, Bulletin 2005, I, n° 330, p. 273 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 mai. 2006, pourvoi n°05-14930, Bull. civ. 2006 I N° 278 p. 243
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 278 p. 243

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : M. Sarcelet.
Rapporteur ?: M. Gridel.
Avocat(s) : Me Luc-Thaler, SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.14930
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