La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/05/2006 | FRANCE | N°05-85971

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 mai 2006, 05-85971


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre mai deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PARIS,

- X... Mahfoud,

contre l'

arrêt de ladite cour d'appel, 10e chambre, en date du 23 septembre 2005, qui, pour agression...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre mai deux mille six, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle BOULLEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PARIS,

- X... Mahfoud,

contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 10e chambre, en date du 23 septembre 2005, qui, pour agression sexuelle, a condamné le second à 1 an d'emprisonnement avec sursis en excluant cette condamnation du bulletin n 2 du casier judiciaire, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

I- Sur le pourvoi formé par Mahfoud X... :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27 du Code pénal, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Mahfoud X... coupable d'agression sexuelle commise avec violence, menace, contrainte ou surprise, et l'a condamné à la peine de 1 an d'emprisonnement avec sursis, a dit que la condamnation sera exclue du bulletin n° 2 du casier judiciaire et a statué sur les intérêts civils ;

"aux motifs que la cour doit préalablement rappeler que lors des débats ayant eu lieu à son audience du 27 mai 2004, elle avait fait observer aux conseils des parties au moyen de la figure 3 figurant à la page 346 de l'ouvrage du Dr Y... communiqué par la défense, que si la longueur des bras du Dr X... pouvait poser problème pour la palpation de la zone des ganglions rétro-cruraux, compte tenu de sa position derrière le sujet à examiner, par contre ses mains se trouvaient alors à la hauteur de la partie supérieure du sexe de la jeune femme lors de la palpation de l'aire du groupe des ganglions inguinaux ; que lors de ces mêmes débats, le Dr X... a précisé que les investigations concernant les ganglions inguinaux, avaient été complètes ; qu'il résulte du rapport d'expertise déposé par le Dr Z..., expert commis par la cour le 2 décembre 2004, que la prise de poids par la partie civile est consécutive à la thyroïdesectomie qu'elle a subie au cours de l'année 2002, étant observé que les faits allégués sont en date du 10 mai 2001 et que la partie civile était donc plus mince à cette date que lorsque le Dr A... a procédé à son expertise ; que nonobstant cette prise de poids, le Dr A... a précisé dans son rapport qu'"il n'existait pas d'impossibilité absolue à la réalisation des actes constitutifs d'agression sexuelle allégués par la partie civile", l'expert ajoutant toutefois que "la réalisation en étant cependant difficile sauf si" avant d'énumérer un certain nombre de conditions nécessaires à la date de l'examen, mais qui ne l'étaient pas obligatoirement du fait qu'elle était plus mince à la date des faits allégués par la partie civile ; que surtout si le Dr A... ne paraît pas remettre en cause les techniques préconisées par le Dr Y... dans son précis de sémiologie pour l'examen des aires ganglionnaires, il est d'avis que "indiscutablement la technique adoptée par le Dr X... pour la palpation des aires ganglionnaires et inguinales n'était pas une technique orthodoxe", même si ajoute-t-il "elle n'était pas en elle-même incompatible avec un examen soigneux des aires maxillaires et inguinales" ; que l'expert insistait sur les problèmes de "proxémique", le praticien devant rester à une certaine distance "d'axes gynécologiques" et que l'entorse devant être faite à cette règle dans l'intérêt du patient objet de l'examen, devait toujours lui être annoncé ; qu'en l'espèce, il est constant que cette annonce n'a pas été faite à Mlle B... et que la palpation réalisée "à l'aveugle" dans les conditions décrites par la partie civile, comportait le risque de ce que l'une des mains du praticien entre en contact avec ce sexe ;

que le Dr X... ayant répondu par la négative à la cour qui l'interrogeait sur l'éventualité d'un contact fortuit de l'une de ses mains avec le sexe de la partie civile, la cour doit en déduire qu'en négligeant d'utiliser la table d'examen dont il disposait, et en poursuivant son exploration des aires ganglionnaires, notamment des aires inguinales, selon une technique qu'il savait non orthodoxe et en tout cas non conforme à son manuel de référence, technique qui le contraignait de surcroît à glisser les deux mains dans le pantalon de la partie civile et à adopter une posture des plus étranges, il a mis volontairement à profit cette investigation à finalité médicale pour pratiquer l'agression sexuelle décrite par sa patiente ;

"1 )alors qu'un acte ne peut être qualifiée d'agression sexuelle en l'absence d'un comportement de nature sexuelle de la part du prévenu ; que la cour d'appel ayant constaté que la technique utilisée par le médecin était compatible avec un examen soigneux des aires maxillaires et inguinales, ce dont il résultait que les gestes pratiqués étaient des gestes médicaux, exclusifs de toute atteinte sexuelle, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

"2 ) alors que le délit d'agression sexuelle suppose l'usage par son auteur, de violence, contrainte, menace ou surprise ;

que la circonstance selon laquelle une personne ne consent pas à un acte ne suffit pas à caractériser en quoi une atteinte sexuelle a été commise avec violence, contrainte, menace ou surprise, ces éléments constitutifs de l'infraction devant se déduire du comportement de l'auteur de commettre une atteinte sexuelle ; qu'en s'abstenant de rechercher dans le comportement du prévenu les éléments constitutifs du délit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'agression sexuelle dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

II- Sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Paris :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 775-1, dernier alinéa, et 591 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel, après avoir confirmé, en toutes ses dispositions, le jugement ayant déclaré Mahfoud X... coupable d'agression sexuelle, fait incriminé par l'article 222-27 du code pénal, a, y ajoutant, dit que la condamnation sera exclue des fiches constituant le bulletin numéro 2 de son casier judiciaire ;

"alors qu'aux termes de l'article 775-1 du code de procédure pénale, en son troisième et dernier alinéa issu de l'article 202 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, la dispense d'inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire des condamnations prononcées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 du même code et notamment celles prévues par les articles 222-23 à 222-31 du code pénal, n'est pas possible" ;

Attendu qu'après avoir déclaré Mafhoud X... coupable du délit d'agression sexuelle pour des faits commis le 10 mai 2001 et l'avoir condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, la cour d'appel énonce que cette condamnation sera exclue du bulletin numéro 2 de son casier judiciaire ;

Attendu qu'en cet état, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs du moyen ;

Qu'en effet, si l'article 775-1, alinéa 3, du code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004, prévoit que l'exclusion d'une condamnation du bulletin numéro 2 du casier judiciaire n'est pas applicable aux personnes condamnées, notamment, du chef d'agression sexuelle, ces dispositions, en ce qu'elles interdisent aux juges de faire bénéficier le condamné du bénéfice d'une mesure qui emporte relèvement de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de la condamnation, ont pour effet de rendre plus sévère la peine prononcée et ne peuvent, à ce titre, selon l'article 112-2 du code pénal, être appliquées qu'aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 05-85971
Date de la décision : 24/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi relative au régime d'exécution et d'application des peines - Non-rétroactivité - Exclusion de mention de condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire - Interdiction d'exclure du bulletin n° 2 du casier judiciaire les mentions relatives aux condamnations pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale.

CASIER JUDICIAIRE - Bulletin n° 2 - Exclusion de mention de condamnation au bulletin n° 2 - Bénéfice - Exclusion - Cas - Personnes condamnées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale - Application dans le temps

RELEVEMENT DES INTERDICTIONS, DECHEANCES OU INCAPACITES - Exclusion de mention de condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire - Bénéfice - Exclusion - Cas - Personnes condamnées pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale - Application dans le temps

Les dispositions du dernier alinéa de l'article 775-1 du code de procédure pénale, issues de la loi du 9 mars 2004, qui interdisent désormais à une personne condamnée pour l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 de demander au tribunal de prononcer l'exclusion de la condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire, ressortissent à la catégorie des lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines et ont pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par les décisions de condamnation dès lors qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 775-1, précité, l'exclusion de la mention d'une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire emporte relèvement de toutes les interdictions, déchéances ou incapacités de quelque nature qu'elles soient résultant de la condamnation. Fait l'exacte application de l'article 112-2 3° du code pénal, la cour d'appel qui accueille la demande en exclusion d'une condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire présentée par une personne condamnée pour des faits d'agressions ou d'atteintes sexuelles prévues par les articles 222-23 à 222-31 du code pénal, commis avant l'entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2004.


Références :

Code de procédure pénale 775-1
Code pénal 112-2 3°

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 septembre 2005

Dans le même sens que : Chambre criminelle, 2006-04-25, Bulletin criminel 2006, n° 112, p. 420 (rejet) ; Chambre criminelle, 2006-05-24, Bulletin criminel 2006, n° 150, p. 529 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 mai. 2006, pourvoi n°05-85971, Bull. crim. criminel 2006 N° 151 p. 532
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2006 N° 151 p. 532

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Fréchède.
Rapporteur ?: M. Arnould.
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Boullez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:05.85971
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award