AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que les époux X..., désireux de réaliser une opération de défiscalisation sous le bénéfice de la loi dite "loi Malraux", ont acquis, selon un acte instrumenté par M. Y..., notaire, un appartement dans un immeuble à rénover ; que, s'étant vu notifier, les 8 décembre 1989 et 20 mars 1990, des redressements par l'administration fiscale qui, le 18 mars 1991, a mis en recouvrement un important arriéré d'impôts, et leur contestation ayant été rejetée par un jugement du tribunal administratif en date du 13 juillet 1995, ils ont, courant juin et juillet 1996, assigné la SAGEP, promoteur de l'opération, la Compagnie foncière de réhabilitation urbaine (CFRU), vendeur du lot de copropriété, l'Association foncière urbaine libre des pêcheurs (AFUL) ainsi que le notaire instrumentaire et la SCP Prud'homme-Grundler aux fins d'annulation du contrat de vente et du contrat d'adhésion à l'AFUL et de condamnation solidaire à leur payer le prix de vente, les suppléments d'impôts, les coûts des travaux de rénovation et différents frais ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes, alors que, selon le moyen, en affirmant, pour retenir que leur action en nullité de la vente, pour erreur, dirigée contre la CFRU, était prescrite, que le délai avait couru à compter de la notification des redressements fiscaux et non pas à compter du jugement de la juridiction administrative qui, seul, leur avait permis de découvrir l'erreur dont ils avaient été victimes, sans expliquer en quoi une notification de redressements contestée peut suffire à persuader de son erreur le contribuable qui la conteste et sans rechercher quel avait été exactement l'effet sur eux-mêmes de cette notification, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l'article 1304 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt, qui retient souverainement que la notification des redressements et la mise en recouvrement des impositions éludées étaient de nature à convaincre les époux X... de leur erreur sur l'exonération fiscale qu'ils avaient attendue de l'application de la "loi Malraux", en déduit, à bon droit, que le délai de prescription prévu à l'article 1304 du Code civil avait commencé à courir dès la première notification ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le second moyen, pris en ses quatre branches :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que le notaire est tenu d'informer et d'éclairer les parties sur la portée et les effets, notamment quant à ses incidences fiscales, ainsi que sur les risques de l'acte auquel il prête son concours, et, le cas échéant, de le leur déconseiller, sans que leurs compétences personnelles ni la présence d'un conseiller à leur côté ne le dispensent de son devoir de conseil ; que cette obligation doit prendre en considération les mobiles des parties, extérieurs à l'acte, lorsque le notaire en a eu précisément connaissance ;
Attendu que pour débouter les époux X... de leur action en responsabilité dirigée contre M. Y... et la SCP Prud'homme-Grundler, l'arrêt retient que le notaire n'avait pas à mettre en garde les époux X... sur la valeur des motifs qui les déterminaient à contracter et sur les risques de leur entreprise et que le conseil fiscal relatif aux motifs de l'opération incombait à la société SAGEP ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans écarter la connaissance, admise par le jugement, que le notaire, qui avait participé à l'ensemble de l'opération immobilière, avait de la motivation fiscale des époux X..., dont elle relève qu'il n'était pas exclu que, mieux informés des aléas de la défiscalisation attendue, ils auraient pu reconsidérer leur projet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté les époux X... de leur action en responsabilité contre M. Y... et la SCP Prud'homme-Grundler, l'arrêt rendu le 14 novembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne M. Y... et la SCP Prud'homme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de la SCP Prud'homme-Grundler ; les condamne à payer aux époux X... la somme de 2 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille cinq.