AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que les époux X... sont décédés, laissant pour leur succéder leurs deux filles, Alice, épouse Y..., et Christiane, épouse Z... ; qu'en mai 1989, les époux A... avaient donné à leur fille, Mme Z..., la somme de 43 714,15 francs ; que, par testament olographe du 30 octobre 1990, M. A... instituait sa fille, Mme Z..., légataire de la quotité disponible ; qu'encore, alors qu'il vivait au domicile de sa fille, Christiane, M. A... procédait à des retraits bancaires pour la somme totale de 194 500 francs, à raison de 130 000 francs au profit direct de cette dernière ; que, des difficultés s'étant élevées entre les deux héritières pour la liquidation et le partage des successions de leurs parents, l'arrêt attaqué (Rennes, 5 décembre 2000) a dit que la somme de 43 714,15 francs devait être fictivement réunie à la masse successorale, mais non rappportée, n'y avoir lieu à rapport par Mme Z... de la somme de 120 000 francs et l'a condamnée à restituer la somme de 10 000 francs, donnée le 8 mars 1990, les peines du recel successoral lui étant applicables ;
Sur les deux branches réunies du premier moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de ne pas avoir répondu aux conclusions par elle signifiées, le 1er septembre 2000, aux termes desquelles elle sollicitait le rejet des débats des pièces communiquées par Mme Z..., le 31 août précédent, alors, selon le moyen :
1 / qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions dont il résultait que Mme Z... n'avait pas produit les pièces litigieuses en temps utile pour lui permettre de conclure avant l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en retenant, à titre de preuve, les pièces produites par Mme Z... le 31 août 2000, soit la veille de la clôture, sans qu'elle ait pu utilement les discuter, la cour d'appel a méconnu les dispositions des articles 15, 16 et 135 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que Mme Y... n'établit pas que la cour d'appel se soit fondée sur les pièces communiquées le 31 août 2000 pour statuer comme elle l'a fait, de sorte qu'il n'a pas été porté atteinte au principe de la contradiction et aux droits de la défense ; que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, est inopérant en sa première ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la somme de 43 714,15 francs, donnée par préciput et hors part à Mme Z..., était affranchie du rapport alors que, cette libéralité dépassant la quotité disponible léguée à cette dernière, devait être réduite, et d'avoir ainsi violé l'article 844 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'avait à connaître que du caractère rapportable ou non de cette libéralité, n'était pas saisie d'une action en réduction de la donation faite à Mme Z..., de sorte que le moyen, nouveau et mélangé de fait, est irrecevable ;
Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme Y... fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à rapport de la somme de 120 000 francs prélevée en vingt quatre mensualités sur le compte de M. A..., alors, selon le moyen :
1 / qu'en se bornant à relever, pour décider que les sommes litigieuses n'étaient pas sujettes à rapport, que Mme Z... avait assuré l'hébergement de son père à son domicile, et que les dépenses engagées à cette occasion avaient excédé celles qui peuvent être prises en compte au titre du devoir d'assistance des enfants envers leurs parents, sans expliquer en quoi cette circonstance justifiait la dispense de rapport, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 843 et 894 du Code civil ;
2 / qu'en décidant que les sommes litigieuses n'étaient pas sujettes à rapport, dès lors que Mme Z... avait assuré l'hébergement de son père, sans rechercher si leur montant équivalait au coût effectif de l'hébergement de M. A..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 843 et 894 du Code civil ;
Mais attendu, alors que le devoir moral d'un enfant envers ses parents n'exclut pas qu'il puisse obtenir indemnité pour l'aide et l'assistance apportée dans la mesure où, ayant excédé les exigences de la piété filiale, les prestations librement fournies avaient réalisé à la fois un appauvrissement pour l'enfant et un enrichissement corrélatif des parents, que c'est par une appréciation souveraine que la cour d'appel a estimé que le montant des sommes versées par M. A... à sa fille, Mme Z..., correspondait au coût de son hébergement, de sorte que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que Mme Y... fait enfin grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande tendant au rapport de la somme de 34 500 francs, objet de plusieurs prélèvements du compte de M. A... de mars 1990 à Juin 1992, alors, selon le moyen, qu'en s'abstenant de répondre à ce chef de conclusion, qui tendait à démontrer que ces prélèvements n'avaient pu être effectués qu'au bénéfice direct de Mme Z..., qui devait en conséquence être condamnée à les rapporter, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre le demandeur dans le détail de son argumentation, a suffisamment répondu aux écritures prétendûment délaissées ; que le moyen manque en fait ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme Y... à payer à Mme Z... la somme de 2 300 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois novembre deux mille quatre.