AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du pourvoi et du mémoire en demande, contestée par la défense :
Attendu que M. X... expose que le pourvoi a été formé par la société Vidéopole le 14 novembre 2002, que le mémoire en demande a été notifié le 14 avril 2003 au nom de la société UPC France (UPC) et que la fusion de la société Vidéopole avec la société UPC, mentionnée sur l'extrait K-bis de la société UPC comme intervenue le 30 décembre 2002, avec effet au 1er janvier 2002, n'a été publiée au registre du commerce et des sociétés que le 27 juin 2003 ; qu'il en conclut qu'en application de l'article L. 123-9 du Code de commerce, la société UPC n'était pas venue aux droits de la société Vidéopole à la date à laquelle elle a déposé son mémoire, que celui-ci est donc irrecevable et qu'il en est de même du pourvoi "qui n'a été ni déposé ni signifié par la société Vidéopole dans le délai légal de cinq mois" ;
Mais attendu que le délai légal de pourvoi en cassation étant de deux mois à compter de la signification de la décision contradictoire attaquée et la société Vidéopole ayant formé son pourvoi dans ce délai, celui-ci est recevable ;
Et attendu qu'en cas de fusion, sans création d'une société nouvelle, la transmission universelle du patrimoine de la société absorbée à la société bénéficiaire confère de plein droit à cette dernière, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l'opération, qualité pour poursuivre les instances engagées par la société absorbée ;
que la transmission du patrimoine de la société Vidéopole à la société UPC étant intervenue avant la notification et le dépôt du mémoire en demande au nom de la société UPC, ce mémoire est recevable ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 4 et 50 de la loi du 9 juillet 1991, ensemble l'article 8 du décret du 31 juillet 1992 ;
Attendu que le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur ; que la créance est liquide lorsqu'elle est évaluée en argent ou lorsque le titre contient tous les éléments permettant son évaluation ; que le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a cédé à la société Vidéopole les participations qu'il détenait dans les sociétés du groupe Alain X... associés (ACA) ; que cette cession a été assortie d'une garantie d'actif et de passif comportant une clause compromissoire ; qu'à la suite de réclamations formées par les crédit-bailleurs d'un immeuble situé à Miribel à l'encontre du groupe ACA, la société Vidéopole a mis en oeuvre la procédure d'arbitrage, en invoquant la garantie de M. X... ; que par une sentence du 28 juillet 1999, le tribunal arbitral a dit que M. X... devait garantir la société Vidéopole et prendre intégralement à sa charge, au titre des contrats de crédit-bail concernant l'immeuble de Miribel, les sommes, dans la limite de 5 890 441,75 francs, que les crédit-bailleurs viendraient à obtenir, et a condamné M. X... à payer à la société Vidéopole, au titre des frais de l'arbitrage la somme de 450 000 francs, TVA en sus ;
que la société Vidéopole a ensuite réglé aux crédit-bailleurs la somme de 8 302 000 francs pour solde de tout compte au titre de l'immeuble de Miribel et a reçu deux factures d'indemnité forfaitaire correspondant à cette somme ; qu'agissant sur le fondement de la sentence arbitrale, elle a fait délivrer à M. X... un commandement aux fins de saisie-vente pour la somme de 5 890 441,75 francs ; que M. X... a contesté ce commandement devant un juge de l'exécution ;
Attendu que pour valider le commandement à hauteur de 646 181,77 francs, l'arrêt retient que la sentence arbitrale fixe la somme maximale que M. X... doit garantir, mais non la somme effective ;
que la sentence ne peut suffire à elle seule à déterminer la créance liquide et exigible de la société Vidéopole à l'encontre de M. X... au titre de sa garantie et fonder une exécution forcée ; que la société Vidéopole ne produit aucune décision de justice fondant le montant effectif des sommes à garantir ; qu'en réalité, celles-ci résultent des factures indemnitaires ; qu'en application de l'article 6 de l'acte de garantie, M. X... aurait dû être informé de ces factures et être mis à même de les discuter ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la sentence arbitrale condamnait M. X..., sans autre condition, à prendre à sa charge, dans une limite fixée, les sommes que les crédit-bailleurs viendraient à obtenir au titre des contrats de crédit-bail concernant l'immeuble de Miribel et que les crédit-bailleurs avaient obtenu les sommes qu'ils réclamaient à ce titre, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de la société Vidéopole et de M. X... ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatre.