AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 1999), que s'estimant victime d'une atteinte à la présomption d'innocence, à la suite de la publication, dans le journal Le Monde daté du 8 juin 1999, d'une "brève" sous le titre "804 kg de cocaïne saisis près de Paris", M. X... a, le 17 juin 1999, assigné la société Le Monde en référé devant le président du tribunal de grande instance, sur le fondement de l'article 9-1 du Code civil, aux fins d'insertion d'un communiqué ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 9-1 du Code civil, dans sa rédaction alors en vigueur "chacun a droit au respect de la présomption d'innocence" et toute personne notamment placée en garde à vue ou mise en examen présentée publiquement comme étant coupable de faits faisant l'objet de l'enquête ou de l'instruction judiciaire peut obtenir, même en référé, l'insertion dans la publication concernée d'un communiqué aux fins de faire cesser cette atteinte à ladite présomption ; qu'en l'espèce, il résultait clairement de l'article incriminé, par le biais de la publication du sentiment de l'enquêteur, l'expression d'une opinion anticipée quant à la participation de M. X... au trafic de stupéfiants dénoncé ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'atteinte à la présomption d'innocence consiste à présenter publiquement comme coupable, avant condamnation, une personne poursuivie pénalement ;
que le fait de mentionner que "sept personnes ont été interpellées, dont Didier X..., 43 ans, fiché au grand banditisme et tenu par les enquêteurs pour l'un des responsables du réseau" constitue une simple relation des faits et évoque la suspicion dans laquelle M. X... est "tenu par les enquêteurs", sans que soit exprimé aucun sentiment personnel, ni préjugé du journaliste quant à la culpabilité de la personne ainsi désignée ; que le journaliste a seulement rapporté le point de vue des enquêteurs et n'a manifesté aucun parti pris anticipant l'issue de l'enquête et de l'instance pénale susceptible d'y faire suite ; que l'indication selon laquelle M. X... est "fiché au grand banditisme" ne signifie pas davantage que l'intéressé soit coupable des faits pour lesquels il est mis en cause et ne comporte de la part du journaliste aucune déclaration prématurée de culpabilité qui porterait atteinte à la présomption d'innocence ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire qu'il n'avait pas été porté atteinte à la présomption d'innocence de M. X... ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille trois.