AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 octobre 2001) que, par un protocole comportant une clause compromissoire, M. X... dit Y..., agissant pour son compte et celui de ses associés, a cédé les actions composant le capital social de la société d'expertise comptable Fegec à M. Z..., qui agissait en son nom personnel et en qualité de président de la société Consultaudit ; que, par une convention annexe, les parties ont prévu la faculté pour M. Y... de reprendre tout ou partie de la clientèle de la société Fegec ; que des difficultés étant survenues entre les parties au sujet de l'exécution de cette option de rétrocession de clientèle, M. Z... et la société Consultaudit ont mis en oeuvre la procédure d'arbitrage ; que les arbitres, statuant comme amiables compositeurs, ont prononcé la résolution des conventions et de leurs actes d'exécution, dans les rapports entre les parties, aux torts de M. Y..., et ont condamné celui-ci à rembourser certaines sommes à M. Z... et à la société Consultaudit en échange des actions détenues par eux ; que M. Y... a relevé appel de cette sentence arbitrale ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la sentence, alors, selon le moyen, que l'arbitre tranche le litige conformément aux règles de droit à moins que dans la convention d'arbitrage, les parties ne lui aient conféré mission de statuer comme amiable compositeur ; qu'il en va de même du juge d'appel qui ne saurait s'affranchir de cette recherche d'équité en utilisant une formule de style ;
qu'en appliquant exclusivement l'article 1184 du Code civil sans rechercher si la résolution n'aboutissait pas à une solution inéquitable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1474 et 1483 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'avant d'énoncer que la règle de droit conduisait à une solution équitable, l'arrêt relève que M. Y... avait violé les clauses de non-concurrence et de présentation de clientèle, qui étaient essentielles à l'équilibre de l'opération de cession des actions, tandis que les griefs formulés par lui à l'encontre de ses cocontractants étaient sans fondement ; qu'en l'état de cette analyse comparée du comportement des parties et des conséquences en résultant sur le juste rapport à établir entre leurs intérêts respectifs, l'arrêt, qui témoigne ainsi de la recherche d'une solution conforme à l'équité, se trouve légalement justifié ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la sentence, alors, selon le moyen :
1 / que la restitution doit être faite de manière que chacun soit rétabli dans l'intégralité de son droit ; qu'il était acquis au débat que M. Henri Y... ne possédant pas la totalité des actions composant le capital social de la société Fegec n'avait reçu des acquéreurs qu'une somme de 9 416 850 francs ; qu'en condamnant par stricte application de l'article 1184 du Code civil, par ailleurs, selon elle, conforme à l'équité, M. Henri Y... à "restituer" à M. Salomon Z... et la société Consultaudit les sommes de 4 391 850 et 15 681 350 francs, la cour d'appel a :
a ) violé l'article 1184 du Code civil ;
b ) par voie de conséquence, privé sa décision de toute équité, violant ainsi les articles 1474 et 1483 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que l'amiable composition n'autorise pas le juge à modifier l'économie du contrat telle qu'envisagée par les parties ; en considérant que les clauses de non-concurrence et de présentation de clientèle étaient essentielles à l'équilibre de l'opération de cession des actions de la société Fegec, les juges d'appel n'ont pas respecté l'économie des contrats, sortant ainsi des termes de leur mission en violation de l'article 1474 du nouveau Code de procédure civile ;
3 / que la résolution ne peut être demandée qu'en cas d'inexécution par l'une des parties de ses obligations contractuelles ; qu'il n'en va pas ainsi lorsque l'inexécution des obligations du débiteur résulte de la seule faute du créancier ; qu'en considérant, après avoir modifié l'économie du contrat et ainsi mis à la charge de M. Y... des obligations qu'il n'avait pas, que M. Henri Y... avait manqué à ses obligations contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, statuant en amiable composition, a donné à sa décision des motifs inspirés de l'équité qui échappent au contrôle de la Cour de Cassation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille trois.