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18/06/2003 | FRANCE | N°03-81622

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 juin 2003, 03-81622


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit juin deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 4 février 2003, qui, dans l'inf

ormation suivie contre lui des chefs de vol aggravé et recels, en récidive, et faux et...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit juin deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller FARGE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 4 février 2003, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de vol aggravé et recels, en récidive, et faux et usage, a infirmé l'ordonnance de mise en liberté sous contrôle judiciaire rendue par le juge des libertés et de la détention, avec reprise des effets du mandat de dépôt initial, et a prolongé la détention provisoire pour une durée de quatre mois ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, 145-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a infirmé l'ordonnance de mise en liberté sous contrôle judiciaire de Jean X... rendue le 13 janvier 2003 par le juge des libertés et de la détention ;

"aux motifs que, le casier judiciaire de Jean X... comporte deux peines d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an, à savoir une peine d'emprisonnement de deux ans prononcée par jugement de défaut du tribunal correctionnel de Lille du 28 février 1986, signifié à parquet le 13 février 1987 avec avis de cessation de recherche du 18 février 1998 et une peine de trois ans d'emprisonnement prononcée par jugement contradictoire de l'autorité judiciaire de Genève du 17 janvier 1994 ; que la peine prononcée par défaut le 28 février 1986 est prescrite depuis le 13 février 1992 ; que l'avis de cessation de recherche est consécutif à cette prescription de la peine ; que la prescription est un obstacle à l'exécution de la peine mais laisse subsister la condamnation avec toutes ses conséquences de droit ;

qu'elle reste donc inscrite au bulletin n° 1 du casier judiciaire et doit être prise en compte pour l'application de l'article 145-1, alinéa 1er, du Code de procédure pénale ; qu'aucune disposition n'interdit, par ailleurs, de prendre en considération une condamnation supérieure à un an d'emprisonnement prononcée par une juridiction étrangère, inscrite sur le bulletin n° 1 du casier judiciaire ; que la mention au bulletin n° 1 du casier judiciaire d'une condamnation pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an fait obstacle à l'application de l'article 145-1, alinéa 1er, du Code de procédure pénale ayant trait à la durée maximale de la détention des délinquants primaires ou considérés comme tels ;

"alors, d'une part, que les peines déjà prononcées, susceptibles de permettre la prolongation de la détention provisoire au-delà de quatre mois, ne peuvent être que les peines concernant effectivement le mis en examen ; que Jean X..., dans son mémoire régulièrement déposé, faisait valoir que "l'avis de cessation de recherches" apposé au dessous de la condamnation du 28 février 1986, résultait de ce que des vérifications effectuées lors de sa dernière interpellation avaient permis de constater que cette condamnation ne s'appliquait pas à lui ; qu'en se bornant à indiquer qu'une peine prescrite peut être prise en compte pour l'application de l'article 145-1 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction n'a pas répondu à ce moyen péremptoire du mémoire de Jean X... et n'a donc pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, d'autre part, que la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'au regard de l'article 145-1 du Code de procédure pénale, une peine prescrite n'est pas de nature à permettre la prolongation de la détention provisoire d'un mis en examen ; qu'en considérant le contraire, la chambre de l'instruction a ajouté à ce texte et violé les articles 111-4 du Code pénal et 145-1 du Code de procédure pénale ;

"alors, en outre, que l'article 145-1 du Code de procédure pénale ne prévoit pas que la condamnation à une peine criminelle ou d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, rendue par une juridiction étrangère, peut être prise en considération pour prolonger la détention provisoire d'une personne mise en examen ; que la chambre de l'instruction a, encore une fois, ajouté à ce texte et violé les articles 111-4 du Code pénal et 145-1 du Code de procédure pénale ;

"alors, enfin, qu'une décision de condamnation à une peine privative de liberté par une juridiction étrangère ne saurait être prise en compte pour légitimer le prolongement de la détention provisoire d'un mis en examen par les juridictions françaises ; que la cassation devra intervenir sans renvoi avec mise en liberté de Jean X..." ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que, par ordonnance du 27 décembre 2002, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention en vue de la prolongation de la détention provisoire de Jean X..., mis en examen pour vol en réunion et recels, en récidive, faux et usage, qui avait été placé sous mandat de dépôt le 20 septembre 2002 ; que, par décision du 13 janvier 2003, le juge des libertés et de la détention a ordonné la mise en liberté de l'intéressé avec placement sous contrôle judiciaire ; que le magistrat a estimé que la détention provisoire ne pouvait se prolonger au-delà de quatre mois, la personne mise en examen se trouvant dans le cas prévu par l'article 145- 1, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, dès lors qu'elle encourait une peine inférieure ou égale à cinq ans, la récidive ne pouvant être prise en compte, et que la condamnation à la peine de deux ans d'emprisonnement sans sursis prononcée pour vol, le 28 février 1986, par le tribunal correctionnel de Lille, ne devait pas être retenue puisque, rendue par défaut et signifiée à parquet, elle avait fait l'objet d'un avis de cessation de recherches émis le 18 février 1998 ;

Attendu que, statuant sur l'appel du ministère public, l'arrêt attaqué, pour infirmer l'ordonnance de mise en liberté et dire que le mandat de dépôt reprendrait effet, prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, si c'est à tort qu'elle a pris en compte une décision rendue par une juridiction étrangère, méconnaissant ainsi le principe de la territorialité de la loi pénale, la chambre de l'instruction, en se fondant sur la condamnation à deux ans d'emprisonnement sans sursis prononcée par défaut le 28 février 1986 par le tribunal correctionnel de Lille, a néanmoins justifié sa décision ;

Que, d'une part, les juges, après avoir exposé l'argument de Jean X..., selon lequel l'émission de l'avis de cessation de recherches du 18 février 1998 aurait tenu au fait que cette dernière condamnation ne s'appliquait pas à sa personne, ont souverainement constaté que cet avis était consécutif à la prescription de la peine ;

Que, d'autre part, l'existence d'une condamnation prescrite, qui subsiste avec toutes ses conséquences de droit, et qui, lorsqu'elle a été prononcée par défaut, comme en l'espèce, ou par contumace, devient irrévocable, en application de l'article 133-5 du Code pénal, permet de prolonger au-delà de quatre mois la détention provisoire d'une personne mise en examen, dans les conditions prévues par l'article 145-1, alinéas 2 et 3, du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 137, 144 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a infirmé l'ordonnance de mise en liberté sous contrôle judiciaire de Jean X... rendue le 13 janvier 2003 par le juge des libertés et de la détention ;

"aux motifs que les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes au regard de la nature des faits et de la personnalité du mis en examen pour empêcher une concertation frauduleuse avec des coauteurs ou complices actuellement recherchés, l'examen du dossier révélant que Jean X... n'agissait pas seul et que d'autres personnes pouvaient être impliquées ; pour conserver des preuves ou des indices matériels, les objets saisis qui pourraient permettre de localiser d'autres domiciles et des comptes bancaires étant en cours d'exploitation ; pour garantir le maintien à la disposition de la justice du mis en examen dont l'identité réelle est actuellement inconnue, qui utilise plusieurs alias, se déplace avec de faux papiers et est très mobile ; pour prévenir le renouvellement des infractions, l'examen du dossier révélant que l'unique activité de Jean X... est le vol de bijoux de valeur, tant en France qu'à l'étranger et qu'il dispose manifestement d'acquéreurs voire de commanditaires ; pour mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public, les victimes étant nombreuses et le préjudice considérable ;

"alors, d'une part, qu'en affirmant que la détention est l'unique moyen d'empêcher une concertation frauduleuse et de conserver les preuves ou indices matériels, sans expliquer en quoi une mesure de contrôle judiciaire serait insuffisante en l'espèce pour pallier ces éventuels risques, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, d'autre part, qu'en relevant qu'une mesure de placement sous contrôle judiciaire ne saurait suffire à garantir le maintien du mis en examen à la disposition de la justice, sans tenir compte du fait, comme elle y était pourtant invitée par le mémoire régulièrement déposé devant elle, que dans les jours qui ont suivi sa mise en liberté sous contrôle judiciaire, Jean X... s'est présenté à toutes les convocations judiciaires, a remis son passeport au juge des libertés et de la détention et s'est domicilié chez sa soeur, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;

"alors, de troisième part, qu'en se bornant à justifier le placement en détention provisoire de Jean X... comme étant le seul moyen de prévenir le renouvellement des infractions au motif que celui-ci avait déjà commis des infractions similaires, la chambre de l'instruction a statué par un motif d'ordre général susceptible d'être appliqué à tout mis en examen ayant un casier judiciaire, et n'a donc pas suffisamment motivé sa décision ;

"alors, enfin, qu'en se fondant sur l'existence d'un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public compte tenu du nombre de victimes et de l'importance du préjudice, sans caractériser la persistance de ce trouble plus de six mois après que le dernier fait reproché à Jean X... a été commis, et un an et demi après les plus anciens faits de vol en cause, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour prolonger de quatre mois la détention provisoire à compter du 20 janvier 2003, la chambre de l'instruction s'est déterminée par des considérations de droit et de fait répondant aux exigences des articles 137-3, 143-1 et suivants du Code de procédure pénale ;

Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Farge conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mme Koering-Joulin, M. Corneloup conseillers de la chambre, Mme Caron, M. Lemoine conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Finielz ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-81622
Date de la décision : 18/06/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

DETENTION PROVISOIRE - Décision de prolongation - Conditions - Prise en compte d'une condamnation prescrite - Possibilité.

DETENTION PROVISOIRE - Décision de prolongation - Conditions - Prise en compte d'une condamnation prononcée par une juridiction étrangère (non)

L'existence d'une condamnation prescrite, qui subsiste avec toutes ses conséquences de droit, et qui, lorsqu'elle est prononcée par défaut ou par contumace, devient irrévocable, en application de l'article 133-5 du Code pénal, permet de prolonger au-delà de quatre mois la détention provisoire d'une personne mise en examen, dans les conditions prévues par l'article 145-1, alinéas 2 et 3, du Code de procédure pénale. En revanche, la prise en compte d'une condamnation prononcée par une juridiction étrangère méconnaît le principe de la territorialité de la loi pénale (1).


Références :

Code pénal 133-5
Code de procédure pénale 145-1, al.2, al3

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre de l'instruction), 04 février 2003

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1968-11-07, Bulletin criminel 1968, n° 290, p. 702 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 jui. 2003, pourvoi n°03-81622, Bull. crim. criminel 2003 N° 126 p. 478
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 126 p. 478

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Finielz
Rapporteur ?: M. Farge
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:03.81622
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