AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° T 02-41.999, U 02-42.000, V 02-42.001, W 02-42.002, X 02-42.003, Y 02-42.004, Z 02-42.005, A 02-42.006, B 02-42.007 et C 02-42.008 ;
Sur le premier moyen des pourvois, en sa première branche :
Vu l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ;
Attendu que le contrat de concession exclusive qui la liait à la société Groupe Volkswagen France pour la vente des véhicules de marque Seat sur le territoire de Villeneuve-d'Ascq prenant fin au 20 octobre 1999, la société Autopole a fait savoir à son personnel que les contrats de travail seraient poursuivis après cette date par celui qui serait titulaire des droits attachés à l'exploitation de la concession ; que les salariés ont alors vainement demandé à la société Groupe Volkswagen France de continuer leurs contrats de travail, puis saisi la juridiction prud'homale de demandes indemnitaires dirigées contre les sociétés Autopole et Groupe Volkswagen France ;
Attendu que pour dire que les contrats de travail des salariés avaient été transférés à la société Groupe Volkswagen France, que le refus de cette dernière de poursuivre les contrats de travail s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et que la société concédante devait donc être condamnée au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts, la cour d'appel a retenu dans ses arrêts que, du fait de la résiliation du contrat de concession exclusive dont était titulaire la société Autopole et, à l'expiration du préavis, l'entité économique que constituait la concession avait fait retour au concédant, la société Groupe Volkswagen France, la société Autopole se voyant dans le même temps privée, par l'effet des obligations mises à sa charge par le contrat, de toute possibilité de poursuivre son activité de concessionnaire exclusif de la marque Seat, élément essentiel de son fonds de commerce ; que les conditions d'application de l'article L. 122-12, alinéa 2, étant réunies, les contrats de travail des salariés attachés à l'exploitation de la concession se sont trouvés transférés de plein droit, dès le 21 octobre 1999, à la société Groupe Volkswagen France, à charge pour celle-ci d'en poursuivre personnellement l'exécution jusqu'à leur éventuelle transmission à un nouvel employeur par le biais d'une opération, telle que la
conclusion d'un contrat de concession avec un nouvel opérateur, emportant application de l'article L. 122-12 du Code du travail ; que cet article trouvant à s'appliquer du seul fait que l'opération en cause emporte transfert d'une entité économique dont l'activité est susceptible d'être reprise ou poursuivie, ce qui est le cas en l'espèce, la société Groupe Volkswagen France invoque de façon inopérante le fait qu'elle ne se trouverait prétendument pas en situation, du fait de son organisation et d'une activité commerciale différente de celle de son concessionnaire, d'assurer la reprise ou la poursuite effective de l'activité précédemment exercée par la société Autopole ; qu'en sa qualité de seul propriétaire de l'ensemble des droits d'importation et de commercialisation sur le territoire français des produits et service de la marque Seat, la société Groupe Volkswagen France dispose d'une totale liberté pour organiser son activité, en sorte que les choix qu'elle est susceptible d'opérer à cet égard (exploitation directe ou par le biais de contrats de concession incessibles directement d'un concessionnaire à l'autre, décision de reprise ou de nouvelle attribution d'une concession résiliée...), qui relèvent de sa seule appréciation, sont sans incidence sur l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 122-2, alinéa 2, du Code du travail ;
Attendu, cependant, qu'il résulte de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, interprété au regard de la directive 98/50/CE du 29 juin 1998, que les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité, dont l'activité est poursuivie ou reprise ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ne résulte pas de ses constatations que la société Groupe Volkswagen France a effectivement poursuivi ou repris l'activité antérieurement concédée à la société Autopole, sur le territoire de Villeneuve-d'Ascq, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu que la Cour de Cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen et sur les autres moyens :
CASSE et ANNULE en toutes leurs dispositions les arrêts rendus le 31 janvier 2002 par la cour d'appel de Douai ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi, au titre des demandes dirigées contre la société Groupe Volkswagen France ;
Dit et juge que la société Groupe Volkswagen France n'est pas devenue l'employeur des salariés de la société Autopole, à la suite de la résiliation du contrat de concession ;
Met en conséquence la société Groupe Volkswagen France hors de cause ;
Renvoie pour le surplus la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, pour qu'il soit statué sur les autres demandes des salariés ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Autopole à payer à la société Groupe Volkswagen France la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille trois.