AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que la société Vidéo Adapt (la société) réalise des adaptations en langue française de programmes audiovisuels étrangers ;
que par note du 4 février 1997 elle a informé les traducteurs de ce que, presque toujours contrainte à des réécritures inhérentes aux exigences de style et de contenu de l'antenne nationale, elle leur proposerait dorénavant soit, dans quelques cas particuliers, un contrat d'auteur à 100 % soit, dans toutes les autres hypothèses, un contrat de co-auteur à 50 % de droits, et que, si le traducteur ou l'adaptateur décidait de ne pas signer l'oeuvre terminée, l'autre en serait réputé auteur exclusif ; que, sur l'action du Syndicat national des auteurs et compositeurs (SNAC), l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 15 novembre 2000) a déclaré l'illicéité de ces stipulations, jamais signées, et condamné la société à lui payer 10 000 francs de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors que, sauf à violer les articles L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle et 1134 du Code civil, la liberté contractuelle permettrait que des contrats de commande de traduction engendrent une oeuvre de collaboration et prédéterminent l'apport créatif original de deux futurs auteurs, la faculté laissée par ailleurs à la personne en charge de la traduction ou de la réécriture de ne pas signer l'adaptation et de renoncer ainsi à ses droits sur l'oeuvre dérivée ne pouvant, sauf à violer l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle, méconnaître un droit moral qui n'existe pas encore ;
Mais attendu que la cour d'appel, à juste titre, a retenu que la personne en charge de la réécriture d'une traduction n'est co-auteur du texte finalement réalisé qu'autant qu'est établi son apport créatif original ;
qu'il en résulte que la renonciation à tout droit déduite du refus de co-signer la version définitive arrêtée porte atteinte à l'inaliénabilité du droit moral d'auteur sur une oeuvre achevée, et que la volonté contractuelle est impuissante à modifier les dispositions impératives des articles L. 111-1, L. 113-2 et L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle ; que sa décision n'encourt donc aucunement les griefs allégués ;
Mais sur le second moyen, subsidiaire, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour retenir une faute de la société, l'arrêt relève que sa note diffusée exprimait une menace voilée de cessation des services à l'encontre de ceux qui ne s'y soumettraient pas, qu'elle n'avait jamais retiré son projet, dont elle avait maintenu en appel la thèse de la parfaite licéité au regard du Code de la propriété intellectuelle ;
Qu'en statuant par de tels motifs, qui méconnaissent le droit de défendre en justice à l'action par laquelle est contestée la licéité d'un projet communiqué de conventions, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a retenu une responsabilité civile de la société Vidéo Adapt envers le Syndicat national des auteurs et compositeurs, l'arrêt rendu le 15 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Et statuant à nouveau ;
Déboute le Syndicat national des auteurs et compositeurs de sa demande de dommages-intérêts ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du Syndicat national des auteurs et compositeurs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille trois.