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03/12/2002 | FRANCE | N°02-81453

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 décembre 2002, 02-81453


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Francis,

contre l'arrêt de cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 3 décembre 2001, qui, pour obtention abusive de la part d'une personne vulnérable ou en situation de dépendance, de services non-rétribués ou insuffisamment rétribués, obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du travail et contraventions au Code du travail, l'a

condamné, pour les délits, à quatre mois d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Francis,

contre l'arrêt de cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 3 décembre 2001, qui, pour obtention abusive de la part d'une personne vulnérable ou en situation de dépendance, de services non-rétribués ou insuffisamment rétribués, obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un inspecteur du travail et contraventions au Code du travail, l'a condamné, pour les délits, à quatre mois d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende, pour les contraventions, à deux amendes de 5 000 francs chacune et une amende de 3 000 francs, et a ordonné une mesure de publication ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 novembre 2002 où étaient présents : M. Cotte président, M. Ponsot conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, Mazars, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Desportes, Valat, Mme Menotti conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Frechede ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire PONSOT, les observations de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN et COURJON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Vu le mémoire produit ;

I - Sur l'action publique relative aux contraventions :

Attendu qu'aux termes des articles 1 et 2, 1 , de la loi du 6 août 2002, sont amnistiées les contraventions de police lorsque, comme en l'espèce, elles ont été commises avant le 17 mai 2002 ; qu'ainsi, l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard du prévenu dès la publication de ce texte ;

II - Sur l'action publique relative aux autres infractions :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'occasion de contrôles effectués au cours du mois d'août 1998, par l'inspection du travail, dans un hôtel-restaurant de Saint-Tropez, a été constatée la présence de trois élèves d'écoles hôtelières, préparant des brevets de technicien supérieur en hôtellerie, restauration et tourisme, qui, alors qu'ils devaient accomplir un stage, en exécution d'une convention passée avec leur école, occupaient en fait un poste de travail ;

Attendu que Francis X..., directeur de cet établissement et titulaire d'une délégation de pouvoir, a été poursuivi, notamment, pour obtention abusive, de la part d'une personne vulnérable ou en situation de dépendance, de services non-rétribués ou insuffisamment rétribués et pour obstacle à l'accomplissement des fonctions d'un inspecteur du travail ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 225-13 du Code pénal, 591, 593 du Code de procédure pénale, R. 154-1 du Code du travail, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Francis X... coupable du délit de "rétribution sans rapport avec le travail accompli par abus de vulnérabilité et de dépendance" et de la contravention de paiement d'un salaire inférieur au SMIC ;

"aux motifs qu'il convient de rappeler que les élèves hôteliers sont tenus d'effectuer un stage, pour lequel ils sont notés, et qui font partie intégrante de leurs études ; qu'il en résulte que leur rapport de stage doit nécessairement mettre en valeur les aspects positifs de leur séjour dans l'entreprise, qu'à supposer même que le stage ait pu leur permettre d'acquérir des connaissances professionnelles, il ne s'en déduit pas nécessairement que le prévenu a respecté les dispositions du Code du Travail, qu'il suffit de relever qu'Antoine Grappin s'est constitué partie civile en première instance ; qu'il est de jurisprudence constante qu'il appartient au juge répressif de rechercher par l'analyse des éléments de la cause, la véritable nature des conventions passées entre les parties et de leur restituer, le cas échéant, leur véritable qualification ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations effectuées que les stagiaires ont été placés à l'égard du prévenu dans un état de subordination juridique et de totale dépendance ; qu'en effet, ils devaient impérativement rester à la réception de l'hôtel, puisqu'étant les seuls présents, et ce dans les plages horaires fixées par l'employeur dans des plannings communs au personnel salarié, et pour des durées de travail, supérieures à celles autorisées par les conventions de stage ; que les "stagiaires" ne bénéficiaient d'aucune indépendance dans l'organisation de leur travail, dans la mesure où ils ne pouvaient quitter leur poste de travail tenu de fait par eux en l'absence de titulaire ou faute de personnel en nombre suffisant ; qu'il n'est pas sans intérêt de relever que le 19 août 1998, suite à la visite des inspecteurs du travail le prévenu a dû procéder à l'embauche

d'un veilleur de nuit, démontrant ainsi que les stagiaires occupaient bien un poste de travail ; qu'il en résulte que les stagiaires ont été affectés à des tâches normales dans l'entreprise, en étant intégrés dans les services organisés, que les tâches exécutées par eux n'étaient pas spécifiques mais similaires à celles confiées aux salariés ; qu'ils ont de fait exercé une activité professionnelle productive pour l'entreprise, sans recevoir de formation distincte ; que, s'agissant dès lors d'un véritable contrat de travail, leur salaire ne pouvait être inférieur au minimum légal ;

que le prévenu a bien ainsi abusé de la vulnérabilité et de la situation de dépendance des étudiants pour leur imposer une rétribution manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli, et source pour l'entreprise de substantiels profits ; qu'il suffit de relever que la personne embauchée pour le poste de surveillance de nuit le 19 août 1998, a perçu un salaire équivalant au SMIC majoré de 30 % la nuit pour 50 heures de travail ; qu'il convient, réformant le jugement déféré de déclarer le prévenu coupable des infractions de rétribution sans rapport avec le travail accompli par abus de vulnérabilité et de dépendance, de versement de salaire inférieur au minimum légal, visées à la prévention ;

"alors, d'une part, que le délit prévu par l'article 225-13 du Code pénal qui sanctionne une hypothèse où les conditions de travail sont "contraires à la dignité de la personne" n'est constitué qu'en cas d'abus d'une situation de dépendance ou de vulnérabilité d'une personne pour obtenir des services non rétribués ou en échange d'une rémunération sans rapport avec le travail accompli ;

qu'en l'espèce, ne pouvait caractériser une situation de dépendance au sens de ce texte, le lien de subordination que la cour d'appel a, contrairement aux premiers juges, estimé exister entre les stagiaires, étudiants en BTS d'hôtellerie, et le directeur de l'Hôtel où ils effectuaient leur stage, ou le fait que la rémunération des stagiaires aurait été inférieure au minimum légal ou que pendant une semaine la durée du travail d'un des stagiaire aurait été supérieure au maximum légal ; qu'en considérant néanmoins au vu de ces seules constatations que le prévenu aurait abusé de la vulnérabilité et de la situation de dépendance des deux étudiants en cause au sens du texte susvisé, la cour d'appel l'a violé ;

"alors, d'autre part, que dans ses conclusions régulièrement déposées Francis X... faisait valoir que lorsqu'il avait été interrogé sur commission rogatoire l'un des deux stagiaires en cause, M. Y..., avait déclaré que pendant son stage il n'était jamais seul car était toujours à proximité l'assistant de direction ou le chef de réception ; qu'en retenant cependant pour requalifier les conventions conclues entre les parties que les stagiaires étaient "dans un état de subordination juridique et de totale dépendance" car "ils devaient impérativement rester à la réception de l'hôtel, puisqu'étant les seuls présents", et encore que les tâches qui leur étaient confiées "correspondaient à un poste de travail tenu de fait par eux en l'absence du titulaire ou faute de personnel en nombre suffisant", la cour d'appel a omis de répondre à un chef péremptoire des conclusions, violant ainsi les textes susvisés ;

"alors, enfin, qu'une convention de stage ne peut être requalifiée en contrat de travail que dans la mesure où elle a été détournée de son objet et l'étudiant privé du bénéfice de sa formation ; qu'en se bornant à constater que les stagiaires avaient exercé l'équivalent d'un travail à temps complet dans une relation de subordination vis à vis de l'entreprise où ils effectuaient leur stage pour requalifier la convention de stage en contrat de travail, sans constater que les étudiants placés dans l'entreprise par les établissements d'enseignement dont ils dépendaient avaient été privés du bénéfice de leur formation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour déclarer Francis X... coupable du délit d'obtention abusive, de la part d'une personne vulnérable ou en situation de dépendance, de services non-rétribués ou insuffisamment rétribués, l'arrêt retient que les stagiaires se trouvaient dans une situation de dépendance en raison, notamment, du caractère obligatoire de leur stage pour l'obtention du brevet de technicien supérieur ;

Que les juges ajoutent que le prévenu a abusé de cette situation en les affectant à la réception de l'hôtel, de 23 heures à 7 heures, 7 jours sur 7, pour une durée de travail hebdomadaire comprise entre 56 et 63 heures et pour une rémunération fixée à 1760 francs pour 190 heures ;

Qu'ils en déduisent que cette rétribution est manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont ils étaient saisis, les juges ont caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont ils ont déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, L. 631-1, L. 611-9 et R. 631-1 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Francis X... coupable du délit d'obstacle aux fonctions d'inspecteur du travail ;

"aux motifs que le prévenu n'a pas communiqué aux inspecteurs du travail les plannings précédant les contrôles, les mettant ainsi dans l'impossibilité de connaître le temps de travail sur une plus longue période, qu'il a déclaré au cours de l'enquête que ces documents avaient été jetés ; qu'il convient toutefois de relever que l'entreprise pratiquant une compensation de la durée de travail sur plusieurs semaines en suspendant les jours de repos hebdomadaire, l'employeur doit nécessairement avoir à sa disposition des documents permettant de connaître le temps de travail effectué par chaque salarié sur plusieurs semaines ; que de même ces documents sont indispensables pour établir les fiches de paye du mois et calculer les heures supplémentaires effectuées ;

qu'il est assez surprenant que le prévenu ait gardé des tableaux sans utilité, puisque permettant seulement de connaître les personnes présentes dans l'entreprise et celles en repos, mais ait détruit les seuls documents permettant de connaître le temps de travail et par la même de calculer les salaires, que le prévenu avait nécessairement en sa possession les plannings précédant le contrôle et correspondant à une période pour lesquels les salaires n'avaient pas encore été calculés ; qu'il en résulte que le prévenu a volontairement refusé de présenter aux inspecteurs du travail des documents leur permettant de contrôler le temps de travail, et ce d'autant que les seuls documents remis parce qu'affichés le jour du contrôle, ont démontré des dépassements systématiques de la durée autorisée de travail, qu'il s'agit bien d'un acte positif et non de la simple non présentation de document comme relevé par le premier juge, qu'il convient, réformant le jugement déféré, de déclarer le prévenu coupable du délit d'obstacles à contrôle ;

"alors que le délit d'obstacle aux fonctions d'inspecteur du travail suppose un acte positif de la part de l'employeur et ne peut résulter d'une simple abstention ou du seul défaut de présentation d'un document ; qu'en se fondant sur le fait que les documents litigieux avaient été nécessairement en la possession de l'employeur pour en déduire que le prévenu "a volontairement refusé de présenter aux inspecteurs du travail les documents leur permettant de contrôler le temps de travail" des salariés, sans caractériser aucune circonstance de nature à caractériser un refus volontaire de fournir ces documents imputable au prévenu, qui soutenait avoir été absent lors du contrôle sur les lieux de l'inspection du travail, ni expliciter les démarches entreprises par l'inspection du travail pour en obtenir communication, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que, pour déclarer Francis X... coupable du délit d'obstacle aux fonctions d'inspecteur du travail, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent la volonté du prévenu de refuser à l'inspecteur du travail les renseignements qui lui auraient permis d'exercer son contrôle sur la durée effective du travail des salariés, et l'obstacle ainsi apporté à l'accomplissement des devoirs de ce fonctionnaire, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 132-24 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Francis X... à une peine d'emprisonnement de quatre mois sans sursis ;

"aux motifs que les infractions commises sont d'une gravité certaine, s'agissant de l'exploitation de jeunes stagiaires dans une optique de profits, qu'il apparaît dès lors équitable de condamner le prévenu pour les délits à 4 mois d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende et d'ordonner l'affichage de la décision aux frais du condamné aux portes de l'établissement pendant deux mois ;

"alors qu'en condamnant le prévenu à une peine d'emprisonnement sans sursis de quatre mois au seul motif que "les infractions commises sont d'une gravité certaine, s'agissant de l'exploitation de jeunes stagiaires dans une optique de profits" et qu'une telle peine "apparaît (...) équitable", la cour d'appel n'a pas motivé spécialement le choix de cette peine en violation des dispositions de l'article 132-19 du Code pénal" ;

Attendu que, pour condamner Francis X..., déclaré coupable des faits reprochés, à une peine d'emprisonnement sans sursis, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, répondant aux exigences de l'article 132-19 du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs,

I - DECLARE l'action publique ETEINTE, en ce qui concerne les contraventions de paiement par employeur de salaire inférieur au SMIC et de dépassement du nombre d'heures supplémentaires ;

II - REJETTE le pourvoi pour le surplus ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trois décembre deux mille deux ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-81453
Date de la décision : 03/12/2002
Sens de l'arrêt : Action publique éteinte et rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ATTEINTE A LA DIGNITE DE LA PERSONNE - Conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité de la personne - Obtention abusive de services non rétribués ou insuffisamment rétribués - Personne vulnérable ou dépendante - Eléments constitutifs.

Justifie sa décision au regard de l'article 225-13 du Code pénal l'arrêt qui, pour déclarer le prévenu, directeur d'un établissement hôtelier, titulaire d'une délégation de pouvoir, coupable d'obtention abusive de la part d'une personne vulnérable ou en situation de dépendance, de services non rétribués ou insuffisamment rétribués, retient que l'intéressé a abusé de la situation de dépendance de stagiaires, née du caractère obligatoire du stage que ces élèves devaient effectuer pour obtenir le brevet de technicien supérieur en hôtellerie, restauration et tourisme, en les affectant à la réception de l'hôtel, de vingt-trois heures à sept heures, sept jours sur sept, pour une durée hebdomadaire comprise entre cinquante-six et soixante-trois heures, en leur versant une rémunération de 1 760 francs pour cent quatre-vingt-dix heures, manifestement sans rapport avec l'importance du travail accompli. (1).


Références :

Code pénal 225-13

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 03 décembre 2001

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 2001-12-11, Bulletin crim 2001, n° 256 (2), p. 846 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 déc. 2002, pourvoi n°02-81453, Bull. crim. criminel 2002 N° 215 p. 795
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2002 N° 215 p. 795

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Frechede.
Rapporteur ?: M. Ponsot.
Avocat(s) : la SCP de Chaisemartin et Courjon.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2002:02.81453
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