Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 mai 2000), que la société civile immobilière du Port (la SCI) a, par acte du 1er octobre 1987, donné à bail à la société Autogaz, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Agip française (société Agip), des locaux à usage de stockage et de distribution de produits pétroliers ; que la locataire a régulièrement donné congé à la bailleresse pour le 30 septembre 1990 ; qu'au cours de l'année 1995, elle a procédé, dans les lieux, à diverses opérations de nettoyage, dégazage et dépollution ; qu'elle a ensuite assigné la bailleresse pour lui demander le remboursement du montant de ces travaux ; que celle-ci a, reconventionnellement, sollicité la condamnation de la locataire à lui payer des dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;
Attendu que la société Agip fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de remboursement, alors, selon le moyen :
1° que, sauf convention contraire, la qualité de propriétaire qui confère au bailleur le pouvoir de créer l'installation classée, de l'exploiter directement ou indirectement et de mettre un terme à son activité, l'oblige corrélativement à supporter, à titre définitif, les charges de cette exploitation parmi lesquelles figure l'obligation de remise en état du site imposée par l'administration au dernier exploitant ; qu'en décidant le contraire bien qu'elle eût constaté que le contrat de bail n'avait pas mis à la charge du locataire les frais de remise en état du site, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;
2° que le locataire n'est pas tenu de supporter la charge définitive des travaux rendus nécessaires par la force majeure ; que les travaux prescrits par l'administration sont assimilés à la force majeure ; qu'en refusant de condamner le bailleur, la SCI du Port, à rembourser au locataire, la société Agip française, les frais de la remise en état du site imposée par l'administration, la cour d'appel a violé l'article 1755 du Code civil ;
3° que le locataire doit rendre la chose louée telle qu'il l'a reçue ; que lorsque la société Agip française avait , en 1987, pris possession des lieux loués en vertu du bail, ceux-ci n'avaient pas fait l'objet d'une dépollution ; qu'ainsi, les lieux avaient été libérés à la date prévue dans le congé dans l'état même où ils avaient été trouvés initialement par le locataire ; qu'au regard du droit commun du bail, la société Agip française n'était donc aucunement tenue de prendre en charge les frais de remise en état du site imposée par l'administration ; qu'en refusant néanmoins de condamner la SCI du Port à rembourser ces frais au locataire, la cour d'appel a violé l'article 1730 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, exactement retenu que l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977, pris en application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, impose à l'exploitant d'une installation de remettre le site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er la loi susvisée, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que cette obligation de remise en état d'une installation classée, résultant d'une obligation particulière, commençant avec la déclaration faite par l'exploitant à l'administration, en l'espèce par la locataire, et s'achevant avec le nettoyage des cuves à la fin de l'exploitation, était à la charge du preneur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1351 du code civil ;
Attendu que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ;
Attendu que pour condamner la société Agip à payer à la SCI bailleresse une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'il suffit de lire l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse en date du 12 décembre 1995 pour constater que les conséquences dommageables du non-dégazage et dépolluage des cuves litigieuses n'ont pas été examinées par cette juridiction et qu'ainsi la société appelante soulève à tort l'autorité de la chose jugée sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts de la SCI du Port fondée sur le caractère inutilisable par la faute du preneur des locaux imparfaitement libérés pendant une longue période ;
Qu'en statuant ainsi, alors que par un arrêt irrévocable du 12 décembre 1995, la SCI du Port avait été déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée contre la société Girard et fils, venant aux droits de la société Autogaz, locataire, en réparation du préjudice locatif qu'elle prétendait avoir subi du fait de l'inexécution, par la société Autogaz, de ses obligations légales, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Gérard et fils, aux droits de laquelle vient la société Agip française, à payer 200 000 francs de dommages-intérêts à la SCI du Port, l'arrêt rendu le 9 mai 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.