Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 29 février 2000) et des productions que l'impression des publications, qui englobe la fabrication matérielle des journaux quotidiens, des périodiques et des catalogues, est réalisée par deux types d'imprimerie, l'imprimerie de presse, pour les quotidiens et l'imprimerie de labeur, pour les autres journaux ; que les relations entre employeurs et employés des imprimeries de presse parisiennes sont définies dans " la Convention collective du travail des ouvriers des entreprises de presse de la région parisienne ", dont sont signataires, outre deux syndicats, le Comité intersyndical du livre parisien (CILP), organisme de coordination de quatre autres syndicats, le Syndicat général du livre parisien et de la communication écrite, la Chambre syndicale typographique parisienne, le Syndicat des correcteurs, et le Syndicat national des cadres et techniciens de la communication ; que l'article 14 de cette convention donne au CILP un droit de regard sur l'embauche des ouvriers de presse, qui ne peut avoir lieu qu'au sein de son bureau de placement et après l'accord du délégué syndical de l'entreprise ; que la société Les Meilleures Editions, qui avait confié à une société d'imprimerie de presse l'impression de ses deux titres hippiques, Le Meilleur et Spéciale Dernière, pour deux ans à compter du 1er juin 1990, a dénoncé ce contrat le 1er juin 1992 en raison de son coût élevé et, les négociations qui s'ensuivirent n'ayant pas abouti, a choisi des sociétés d'imprimerie de labeur, qui lui proposaient des tarifs inférieurs ; que le CILP et ses syndicats adhérents se sont alors livrés à différentes manoeuvres, pressions sur la société Les Meilleures Editions et la personne de son dirigeant, notamment séquestration de ce dernier, interventions auprès des imprimeries de labeur concernées, telles que destruction d'exemplaires de ces revues, occupation des locaux et neutralisation des rotatives, dont cette société a saisi le Conseil de la concurrence le 31 août 1992 ; que, par décision n° 99-D-41 du 22 juin 1999, le Conseil de la concurrence a décidé que le CILP et les quatre syndicats qui le composent avaient mis en oeuvre une entente ayant pour objet ou pour effet d'entraver le fonctionnement de la concurrence sur le marché de l'impression des périodiques en interdisant par la force à des imprimeries de labeur d'accéder à ce marché et ainsi enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et a prononcé une sanction de 10 000 francs à l'encontre des quatre syndicats mais pas du CILP, dépourvu de personnalité morale ; que les syndicats ont formé un recours ;
Attendu que la société Les Meilleures Editions fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la décision du Conseil de la concurrence, alors, selon le moyen :
1° qu'en considérant que l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'est pas applicable aux syndicats professionnels, lorsque l'atteinte à la concurrence qui leur est reprochée ne résulte que d'une " action ponctuelle de leur part (qui) ne saurait suffire à leur conférer la qualité d'acteurs économiques ", alors que ni les dispositions de l'article 53 de l'ordonnance qui précisent que les règles définies à la présente ordonnance s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de service, ni les dispositions de l'article 7 qui prohibent les actions concertées, conventions et ententes ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, lorsqu'elles tendent à limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ou faire obstacle à la fixation des prix par le jeu du marché, ne posent comme condition que les pratiques incriminées présentent un caractère habituel ou répétitif, la cour d'appel a violé les textes susvisés en limitant leur clause d'application, spécialement pour les syndicats professionnels, au cas où leurs actions anticoncurrentielles ne résulte pas d'une " action ponctuelle " ;
2° qu'en déclarant au départ :" qu'il est constant que les actions développées par les syndicats requérants, ayant consisté en des pressions exercées sur l'entreprise cliente et la personne de son dirigeant, notamment sa séquestration ainsi que des interventions auprès de l'imprimerie de labeur qui avait accepté de procéder à l'impression de ses publications, telles que destruction d'exemplaires de revues, occupation de locaux, et neutralisation des rotatives, ne sauraient être rattachées à un conflit social au sein de l'entreprise saisissante, mais ont eu pour unique objet de peser sur la liberté de choix de son cocontractant par ladite entreprise ", ce qui a conduit le Conseil de la concurrence à sanctionner pécuniairement les syndicats pour avoir contrevenu aux dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, par la mise en oeuvre, suite à l'échec de négociations : " d'une entente ayant pour objet et pour effet d'entraver le fonctionnement de la concurrence sur le marché de l'impression de périodiques en interdisant par la force à des imprimeries de labeur d'accéder à ce marché ", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en considérant que l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'est pas, en l'espèce, applicable aux syndicats en cause du fait de la constatation d'une atteinte à la concurrence résultant d'une seule " action ponctuelle de leur part " et, de ce fait, violé encore le texte susvisé ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qui définit le champ d'application de cette dernière, vise les entités qui exercent une activité de production, de distribution ou de service et admis que tel pourrait être le cas, notamment, d'une organisation syndicale qui se livrerait à une activité économique, distincte de sa mission première de défense des intérêts de ses adhérents, l'arrêt retient qu'en l'espèce, le Conseil de la concurrence a exclu que les syndicats parties à l'entente incriminée aient une activité économique sur le marché voisin du placement des travailleurs et relève qu'aucune activité de cette nature ne leur est imputée sur le marché de référence ; que les juges en déduisent que ces syndicats n'ont pas la qualité d'acteurs économiques, même si, par une action ponctuelle, ils ont pu porter une atteinte à la concurrence ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur le caractère isolé des agissements en cause, mais sur l'absence d'activité économique des syndicats poursuivis au sens de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 410-1 du Code de commerce, a décidé à bon droit que les dispositions de l'article L. 420-1 du même Code ne leur étaient pas applicables ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi.