Attendu, selon l'arrêt déféré, que par acte sous seing privé du 28 avril 1993, M. X... a donné à bail à la société Sogeam divers locaux commerciaux ; que le Crédit industriel d'Alsace et de Lorraine (le CIAL) s'est porté caution solidaire du preneur envers le bailleur à concurrence de 100 000 francs ; que par jugement du 25 octobre 1994, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Sogeam ; que le 16 novembre 1994, le mandataire liquidateur a indiqué ne pas poursuivre le bail et que les clés ont été restituées le 6 février 1995 ; que M. X..., qui a déclaré sa créance, a assigné le CIAL, qui a lui-même déclaré une créance de 100 000 francs, pour obtenir sa condamnation au paiement, en sa qualité de caution de la somme de 100 000 francs ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que le CIAL reproche à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :
1° que le contrat de bail prend fin avec sa résiliation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, tout en constatant que le bail avait été résilié le 16 novembre 1994 du fait de la non continuation de ce dernier par le mandataire liquidateur du preneur, a énoncé que la caution demeurait néanmoins tenue des loyers, charges et indemnités d'occupation dus jusqu'au 6 février 1995, date de la remise des clés par le liquidateur, a violé l'article 1134 du Code civil ;
2° que le cautionnement ne peut excéder ce qui est contractuellement dû par le débiteur principal ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 2013 du Code civil ;
3° qu'à compter de la résiliation du bail, seule une indemnité d'occupation peut être mise à la charge du locataire à condition qu'elle ait été, soit judiciairement fixée, soit conventionnellement prévue ; qu'en condamnant le CIAL au paiement des sommes dues par la société Sogeam jusqu'au 6 février 1995, et ce dans les conditions du bail consenti le 28 avril 1993 et de l'acte de caution du 23 avril 1993 bien qu'aucun de ces documents ne fasse état d'une indemnité d'occupation, la cour d'appel a dénaturé tant le contrat de bail que le cautionnement du CIAL et a violé l'article 1134 du Code civil ;
4° que l'indemnité d'occupation n'est due qu'en raison de la faute délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit ni titre dans les lieux et ne se rattache pas au contrat de bail qui a pris fin avec la résiliation ; qu'en condamnant le CIAL en qualité de caution à payer au bailleur une somme s'analysant en une indemnité d'occupation pour la période postérieure au 16 novembre 1994, la cour d'appel a violé l'article 2015 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que le CIAL ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions qu'il fait valoir au soutien de la quatrième branche, qui sont nouvelles et mélangées de fait et de droit ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt, qui relève que l'engagement de caution porte sur toute la période au cours de laquelle le preneur demeurera dans les lieux en ce qui concerne les charges et la jouissance concédée à ce dernier, sans exception ni réserve, et constate que le bail a pris fin le 16 novembre 1994 tandis que le liquidateur n'a remis les clés au bailleur que le 6 février 1995, retient, sans dénaturation du contrat de cautionnement, que le CIAL est débiteur des loyers, charges et indemnités d'occupation jusqu'à cette date ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit qu'irrecevable en sa quatrième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 1294, alinéa 1, et 2036 du Code civil ;
Attendu que pour condamner le CIAL à payer à M. X..., en sa qualité de caution de la société Sogeam, la somme de 100 000 francs, l'arrêt retient que le CIAL ne peut opposer l'exception de compensation entre les sommes dues et le dépôt de garantie, dès lors qu'aux termes de l'engagement de caution, il a renoncé au bénéfice de division et de discussion et qu'en conséquence, seul le liquidateur judiciaire peut se prévaloir de la restitution du dépôt de garantie, la caution étant irrecevable à le faire, s'agissant d'une exception appartenant au locataire débiteur à l'égard du bailleur ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la caution, même solidaire, peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette, au nombre desquelles figure la compensation de ce que le créancier doit au débiteur principal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.