ARRÊT N° 1
Attendu que le CHSCT de l'Organisation régionale d'intervention (ORI) de la région parisienne d'EDF-GDF a, par délibération du 31 octobre 1997, décidé de recourir à une expertise en application de l'article L. 236-9 du Code du travail, estimant que le projet de la direction intitulé " projet évolution de l'agence ORI RP " était un projet important modifiant les conditions de travail ; que, contestant cette décision, EDF en a poursuivi l'annulation devant le tribunal de grande instance ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le CHSCT fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir annulé l'expertise décidée par le CHSCT le 31 octobre 1997, alors, selon le moyen :
1° que l'employeur n'est recevable à contester l'expertise décidée par le CHSCT que lorsqu'elle ne correspond pas, par son objet, aux conditions requises par le 1° et le 2° de l'article L. 236-9 du Code du travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte précité ;
2° que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé en cas de projet important modifiant les conditions d'hygiène ou de sécurité ou les conditions de travail prévues au 7e alinéa de l'article L. 236-2 du Code du travail, qui prévoit que le comité est consulté avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail ; qu'il résulte de ces dispositions que l'expertise peut avoir lieu avant toute décision d'aménagement important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, sans que la liste figurant au 7e alinéa de l'article L. 236-2 présente un caractère limitatif ; qu'en énonçant que les conditions prévues par la loi pour l'expertise n'étaient pas remplies dès lors " qu'on ne voyait émerger " aucune transformation importante des postes de travail découlant d'une modification de l'outillage, d'un changement de produit ou de l'organisation du travail, ni modification des cadences ou des normes de productivité, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions du CHSCT ORI RP, si le projet expressément qualifié d'important avait d'autres incidences sur les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail autres que celles citées à titre d'exemple par les dispositions ainsi visées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 236-2 et L. 236-9 du Code du travail ;
Mais attendu que si la contestation de l'employeur sur la nécessité de l'expertise ne peut concerner que le point de savoir si le projet litigieux est un projet important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, la cour d'appel, par motifs adoptés, a relevé que le projet de la direction de l'ORI RP concernait le réaménagement de l'organigramme en redéfinissant des divisions, en prévoyant la restructuration de l'encadrement, la simplification de la gestion, mais ne prévoyait nullement de transformation des postes de travail, aucun changement de métier, aucun nouvel outil, ni modification des cadences ou des normes de productivité ; qu'en l'état de ces constatations, dont il résultait que le projet n'était pas un projet important au sens de l'article L. 236-9 du Code du travail, elle a pu décider que le recours du CHSCT à une expertise n'était pas justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 236-9 du Code du travail ;
Attendu que selon ce texte le CHSCT peut faire appel à un expert agréé dans un certain nombre de situations et précise non seulement que les frais d'expertise sont à la charge de l'employeur, mais que si l'employeur entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise, cette contestation est portée devant le président du tribunal de grande instance statuant en urgence ; qu'il résulte de ce texte que l'employeur doit supporter le coût de l'expertise et les frais de la procédure de contestation éventuelle de cette expertise dès lors qu'aucun abus du CHSCT n'est établi ;
Attendu que pour limiter à 6 000 francs le montant de la somme allouée au CHSCT pour les frais exposés en première instance et à une somme identique pour les frais exposés en appel, la cour d'appel retient que rien n'autorisait le premier juge à accorder au CHSCT une somme correspondant arithmétiquement à ses frais d'avocat sur un fondement autre que celui de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, texte précisément relatif aux frais hors dépens ; que ce texte, parfaitement applicable à l'espèce, implique une appréciation en équité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun abus du CHSCT n'était invoqué, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur la demande du CHSCT en paiement d'une somme de 19 296 francs :
Attendu que le CHSCT conclut à ce que les honoraires de sa défense devant la Cour de Cassation soit mis à la charge d'EDF ;
Et attendu qu'aucun abus du CHSCT n'étant établi, il y a lieu de faire droit à sa demande sur le fondement de l'article L. 236-9 du Code du travail ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions ayant limité à 12 000 francs la somme allouée au CHSCT pour les frais exposés par lui en première instance et en appel, l'arrêt rendu le 5 février 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris .