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12/01/1999 | FRANCE | N°97-45209

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 janvier 1999, 97-45209


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 septembre 1997), que M. X..., employé par la société Bull, a été désigné en qualité de délégué syndical le 31 mars 1994 ; qu'à la suite d'un transfert partiel d'entreprise, son contrat de travail a été transféré à la société Donnelly, devenue société Stream international, après autorisation de l'inspecteur du Travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale (au fond) d'une demande de réintégration et de dommages-intérêts qui est pendante devant la cour d'appel de Paris ; que l'autorisation administrative de transfert a

été annulée par le tribunal administratif de Versailles ; que M. X... a al...

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 septembre 1997), que M. X..., employé par la société Bull, a été désigné en qualité de délégué syndical le 31 mars 1994 ; qu'à la suite d'un transfert partiel d'entreprise, son contrat de travail a été transféré à la société Donnelly, devenue société Stream international, après autorisation de l'inspecteur du Travail ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale (au fond) d'une demande de réintégration et de dommages-intérêts qui est pendante devant la cour d'appel de Paris ; que l'autorisation administrative de transfert a été annulée par le tribunal administratif de Versailles ; que M. X... a alors saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale d'une demande de réintégration sous astreinte ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Bull fait grief à l'arrêt d'avoir dit M. X..., délégué syndical de cette société, dont le contrat de travail avait été transféré à la société Donnelley en application de l'article L. 122-12, recevable en sa demande tendant à voir ordonner sa réintégration au sein de la société Bull alors, selon le moyen, que toutes les demandes dérivant du même contrat de travail entre les parties doivent faire l'objet d'une seule instance ; qu'en l'espèce, M. X..., salarié protégé dont le contrat de travail, avait été transféré de plein droit avec l'accord des autorités administratives, avait précédemment saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau d'une demande tendant à voir ordonner sa réintégration au sein de la société Bull en raison de la prétendue irrégularité du transfert de son contrat de travail intervenu dans le cadre de l'article L. 122-12 du Code du travail, que cette juridiction ayant rejeté au fond l'ensemble des demandes du salarié, ce dernier ne pouvait, à la faveur de l'annulation par le tribunal administratif des autorisations administratives de transfert accordées à l'employeur, solliciter de nouveau devant le juge des référés une réintégration dont il avait été débouté au fond par le jugement prud'homal frappé d'appel, qu'en considérant néanmoins comme recevable l'instance distincte introduite devant le juge des référés aux fins de réintégration quand cette demande dérivant du même contrat de travail ne pouvait qu'être formulée dans le cadre de l'instance pendante devant la cour d'appel, l'arrêt a méconnu la règle de l'unicité de l'instance et a violé les articles R. 516-1 et R. 516-2 du Code du travail ; alors que, si le principe de l'unicité de l'instance prud'homale ne s'applique pas à l'action introduite devant le juge des référés, c'est à la condition que le juge du fond n'ait pas encore statué sur la demande à la date de l'introduction de cette nouvelle instance, qu'en l'espèce, la question de la réintégration de M. X..., déjà soumise au conseil de prud'hommes de Longjumeau, avait été rejetée par un jugement au fond du 13 juin 1996 frappé d'appel devant la cour d'appel de Paris, que cette décision au fond rendue par une juridiction dessaisie du litige faisait obstacle à l'introduction d'une nouvelle instance tendant aux mêmes fins (la réintégration) et fondée sur la même cause (la prétendue méconnaissance de l'article L. 122-12) formée par le salarié devant la formation des référés, qu'en retenant néanmoins que " le principe de l'unicité de l'instance prud'homale ne peut faire échec à la saisine du juge des référés " sans tenir compte du précédent rejet au fond de la même demande, l'arrêt n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles R. 516-1, R. 516-2, R. 516-30 et R. 516-31 du Code du travail ;

alors que la demande dérivant du même contrat de travail ne peut faire l'objet d'une instance distincte que si le fondement même des prétentions n'est né ou ne s'est révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes, qu'en l'espèce, le fondement de la demande de réintégration formée devant le juge des référés était, tout comme pour la demande initiale, la prétendue méconnaissance par l'employeur des conditions d'application de l'article L. 122-12 du Code du travait et était donc déjà connu avant la saisine de la juridiction prud'homale au fond, qu'ainsi, l'annulation par le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 21 novembre 1996 des décisions administratives accordant à la société Bull l'autorisation de transfert du contrat de travail de M. X... dans le cadre de la cession d'activité du 1er juin 1994 ne pouvait servir de fondement à l'introduction d'une nouvelle instance devant le juge des référés, que le prononcé du jugement administratif pouvait tout au plus justifier la présentation par le salarié d'une nouvelle demande de réintégration devant la cour d'appel de Paris déjà saisie par M. X... de l'appel du jugement prud'homal rendu sur le fond, qu'en considérant qu'il s'agissait d'une circonstance permettant d'introduire devant le juge des référés une nouvelle action aux fins de réintégration l'arrêt attaqué a là encore méconnu le principe de l'unicité de l'instance et a violé les articles R. 516-1 et R. 516-2 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que la règle de l'unicité de l'instance ne faisait pas obstacle à ce que, alors qu'une instance au fond est pendante devant la juridiction d'appel, le juge des référés soit saisi aux fins de faire cesser immédiatement un trouble manifestement illicite ;

Et attendu qu'ayant relevé que la demande de réintégration du salarié devant le juge des référés avait pour fondement l'annulation par le juge administratif de l'autorisation administrative de transfert, la cour d'appel en a exactement déduit que cette demande était recevable, peu important que l'instance au fond soit encore pendante devant la cour d'appel ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Bull reproche encore à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de M. X... tendant à être réintégré au sein de la société Bull et d'avoir dit qu'elle devait lui proposer un poste similaire dans un autre établissement ou un autre secteur assorti d'une rémunération équivalente et sous contrôle de l'inspecteur du Travail avant le 1er octobre 1997 alors, selon le moyen, que le transfert du contrat de travail de M. X... avait été opéré par la société Bull sur autorisation donnée tant par l'inspecteur du Travail que par le ministre du Travail, qu'il n'avait été remis en cause qu'à la suite du jugement du tribunal administratif (fondé sur une méconnaissance de l'article L. 122-12 du Code du travail) jugement faisant l'objet d'un appel en cours devant la cour administrative d'appel, qu'ainsi le refus par la société Bull de réintégrer un salarié protégé dont le contrat de travail avait été régulièrement transféré dans le cadre de la cession d'un secteur d'activité soulevait une contestation sérieuse sur la portée des décisions autorisant ledit transfert, qu'en se fondant sur le jugement d'annulation lui-même frappé d'un appel en cours pour imposer à la société Bull de procéder à la réintégration de M. X..., la cour d'appel a méconnu ce faisant les pouvoirs d'intervention du juge des référés et a violé les articles L. 412-18 et L. 412-19 du Code du travail ; alors que le juge des référés n'est pas compétent pour imposer à l'employeur une obligation de réintégration dans une situation non prévue par les textes applicables, que l'article L. 412-18, alinéa 8, du Code du travail prévoit seulement que l'employeur doit proposer au salarié un emploi similaire lorsque l'autorisation de transfert est refusée par l'inspecteur du Travail, qu'aucun texte ne prescrit l'obligation de réintégrer le délégué syndical dont le transfert du contrat de travail a été initialement autorisé par des décisions administratives ayant fait l'objet par la suite d'une annulation contentieuse, qu'en faisant néanmoins dans une telle hypothèse peser une obligation de réintégration sur la société Bull l'arrêt a tranché une contestation sérieuse et a violé les articles L. 412-18, L. 412-19, et R. 516-30 et R. 516-31 du Code du travail ; alors, de plus, que l'arrêt a laissé ce faisant sans réponse les conclusions d'appel de la société faisant valoir que la réintégration d'un délégué syndical n'est prévue par le Code du travail qu'en cas d'annulation d'une autorisation de licenciement, qu'en revanche aucun texte ne prévoit la réintégration d'un délégué syndical en cas d'annulation d'une autorisation de transfert par le juge administratif, qu'en décidant que la société Bull devait tirer les conséquences de l'annulation en réintégrant M. X... l'arrêt qui a fait peser sur ladite société une obligation non prévue par les textes du Code du travail sans répondre à ce chef essentiel des conclusions d'appel de la société a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

alors qu'il est constant que le contrat de travail de M. X... transféré en juin 1994 dans le cadre d'une première cession de Bull à Stream International avait fait l'objet d'un nouveau transfert dans le cadre d'une deuxième cession intervenue en décembre 1996 entre cette société et la société Donnelley Language Solutions, qu'ainsi les difficultés invoquées par le salarié étaient consécutives aux décisions prises par Stream International dans ses relations avec son propre cessionnaire et ne pouvaient en aucun cas avoir pour effet d'imposer à la société Bull une obligation de réintégrer ledit salarié dans l'entreprise, qu'en estimant néanmoins que la situation précaire faite à ce salarié par Stream international telle que décrite dans la lettre de cette société en date du 27 février 1997 imposait à la société Bull l'obligation de réintégrer M. X... en lui proposant un emploi similaire l'arrêt qui a fait abstraction des conséquences juridiques de la nouvelle cession intervenue en décembre 1996 a là encore tranché une difficulté sérieuse et a violé l'article R. 516-31 du Code du travail ; alors qu'il résulte de la lettre de Stream International en date du 28 février 1997 que M. X... avait la certitude de bénéficier jusqu'à l'issue de la procédure en cours de sa qualité de salarié ainsi que du versement de sa rémunération, qu'ainsi une telle situation était exclusive de l'existence d'un trouble manifestement illicite permettant de justifier le prononcé en référé d'une mesure de remise en état, qu'en considérant néanmoins qu'il convenait de remédier à la situation de M. X... en ordonnant en référé sa réintégration au sein de la société Bull, l'arrêt a violé là encore les articles R. 516-30 et R. 516-31 du Code du travail ;

Mais attendu qu'ayant rappelé qu'aux termes de l'article L. 412-8, alinéa 7, du Code du travail, lorsqu'un délégué syndical est compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, par application de l'article L. 122-12 du Code du travail, le transfert de ce salarié doit être soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du Travail et que, si l'autorisation de transfert est refusée, l'employeur doit proposer au salarié un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente dans un autre établissement ou une autre partie de l'entreprise, la cour d'appel, qui a exactement énoncé que la décision d'annulation par la juridiction administrative de l'autorisation administrative de transfert produisait les mêmes effets que le refus d'autorisation de transfert, a pu décider que le manquement de l'employeur à son obligation de proposer au salarié un emploi similaire constituait un trouble manifestement illicite ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 97-45209
Date de la décision : 12/01/1999
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

1° PRUD'HOMMES - Procédure - Demande - Pluralité de demandes - Instance unique - Instance pendante devant la cour d'appel - Trouble manifestement illicite - Saisine du juge des référés - Possibilité.

1° Une cour d'appel a retenu à bon droit que la règle de l'unicité de l'instance ne faisait pas obstacle à ce que, alors qu'une instance au fond est pendante devant la juridiction d'appel, le juge des référés soit saisi aux fins de faire cesser immédiatement un trouble manifestement illicite.

2° REPRESENTATION DES SALARIES - Délégué syndical - Contrat de travail - Cession d'entreprise - Transfert de salarié - Autorisation de l'inspecteur du Travail - Annulation postérieure par le tribunal administratif - Effet.

2° REPRESENTATION DES SALARIES - Règles communes - Contrat de travail - Cession d'entreprise - Transfert de salarié - Autorisation de l'inspecteur du Travail - Annulation postérieure par le tribunal administratif - Portée 2° CONTRAT DE TRAVAIL - EXECUTION - Cession de l'entreprise - Effets - Salarié protégé - Transfert partiel - Autorisation de l'inspecteur du Travail - Annulation postérieure par le tribunal administratif - Conséquence.

2° Ayant rappelé qu'aux termes de l'article L. 412-18, alinéa 7, du Code du travail, lorsqu'un délégué syndical est compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, par application de l'article L. 122-12 du Code du travail, le transfert de ce salarié doit être soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du Travail et que, si l'autorisation de transfert est refusée, l'employeur doit proposer au salarié un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente dans un autre établissement ou une autre partie de l'entreprise, la cour d'appel, qui a exactement énoncé que la décision d'annulation par la juridiction administrative de l'autorisation administrative de transfert produisait les mêmes effets que le refus d'autorisation de transfert a pu décider que le manquement de l'employeur à son obligation de proposer au salarié un emploi similaire constituait un trouble manifestement illicite.


Références :

2° :
Code du travail L412-18 al. 7, L122-12

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 septembre 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 jan. 1999, pourvoi n°97-45209, Bull. civ. 1999 V N° 16 p. 11
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1999 V N° 16 p. 11

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Gélineau-Larrivet .
Avocat général : Avocat général : M. Terrail.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Frouin.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1999:97.45209
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