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18/11/1998 | FRANCE | N°97-43072;97-43084

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 novembre 1998, 97-43072 et suivant


Vu leur connexité, joint les pourvois nos 97-43.073 à 97-43.084 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 28 avril 1997) rendus sur renvoi après cassation, que, par jugement en date du 24 novembre 1989, le tribunal de commerce d'Amiens a prononcé la liquidation judiciaire de la société Bonneterie Sainte-Claire (BSC) ; que trois repreneurs s'étant présentés au liquidateur, le juge-commissaire a ordonné la cession de l'entreprise à la société Breilly ; que, par lettre à chacun des salariés de la société BSC, le responsable de la société

Breilly lui a fait savoir que son contrat serait poursuivi conformément à l'art...

Vu leur connexité, joint les pourvois nos 97-43.073 à 97-43.084 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Douai, 28 avril 1997) rendus sur renvoi après cassation, que, par jugement en date du 24 novembre 1989, le tribunal de commerce d'Amiens a prononcé la liquidation judiciaire de la société Bonneterie Sainte-Claire (BSC) ; que trois repreneurs s'étant présentés au liquidateur, le juge-commissaire a ordonné la cession de l'entreprise à la société Breilly ; que, par lettre à chacun des salariés de la société BSC, le responsable de la société Breilly lui a fait savoir que son contrat serait poursuivi conformément à l'article L. 122-12 du Code du travail et lui précisait dans cette lettre que ce contrat excluait un changement de site supérieur à 6 kms du centre d'Amiens, étant encore précisé qu'en cas de changement de site, il s'engageait à mettre en place une navette d'Amiens au nouveau site ; que, courant janvier 1990, la société Breilly a informé les salariés repris du transfert de la production à Moreuil, que ceux des salariés qui avaient refusé leur transfert ont été licenciés pour motif économique et que certains d'entre eux ont saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la société Breilly fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement pour motif économique des salariés qui ont refusé de venir travailler à Moreuil était dépourvu de cause économique, alors, selon le moyen, que, d'une part, il résulte de l'ordonnance du 14 décembre 1989 prise par le juge-commissaire de la liquidation de la société BSC que l'offre initiale présentée le 14 décembre 1989 par M. X..., président-directeur général de la société Breilly, prévoyait, avec une prise d'effet le 15 décembre 1989, outre l'achat du fonds et du stock matière, l'embauche de 35 à 45 personnes d'ici à mai 1990, en précisant que : " Les établissements Breilly donneront la préférence au personnel de production et d'encadrement qualifié de BSC désirant venir à Moreuil et que le transfert du matériel de BSC à Moreuil prendra environ deux à trois mois pendant lesquels la société Breilly s'engage à supporter les frais de location des bâtiments de BSC " ; que la nouvelle offre de reprise du même jour et acceptée par le juge-commissaire différait peu de la précédente, sauf en ce qu'elle prévoyait la reprise de 48 contrats de travail, et sous la signature du président-directeur général, il était indiqué que :

" M. X... prévoit le transfert ultérieur de l'établissement dans des locaux situés à Moreuil " ; qu'ainsi, l'ordonnance se référant à l'offre de reprise du 14 décembre 1989 faisait nécessairement référence à la proposition concernant le transfert à Moreuil ; qu'en outre, l'éventualité d'un transfert de l'entreprise sur Moreuil pour raisons économiques avait été évoquée à la réunion du comité d'entreprise le 7 décembre 1989 ; qu'enfin, les lettres d'embauche adressées concomitamment à la cession, soit le 14 décembre 1989, aux salariés faisaient expressément état de la probable nécessité d'un transfert de l'établissement ; qu'ainsi, en énonçant qu'à la date du 15 décembre 1989, le transfert du personnel à Moreuil n'était pas envisagé, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, en cas de changement de lieu de travail imposé par l'employeur, il n'y a modification du contrat de travail, dont l'employeur est responsable, qu'en l'absence d'une clause prévoyant la mobilité du salarié et il y a simple changement de conditions de travail en présence d'une telle clause, le refus d'une mutation constituant alors une faute grave ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la lettre d'embauche des salariés repris mentionnait que " ce contrat exclut un changement de site supérieur à 6 kms du centre ville d'Amiens et en cas de changement de site, Monsieur X... s'engage à mettre en place une navette d'Amiens au nouveau site " ; qu'en présence de ce document contractuel accepté par les salariés repris, la cour d'appel devait nécessairement préciser, comme l'avaient fait les premiers juges, si le transfert de l'établissement à Moreuil situé à une quinzaine de kilomètres d'Amiens avec proposition d'une navette, ne constituait pas un changement des conditions de travail qui comprenaient une clause de mobilité et dont le refus pouvait caractériser une faute grave des salariés, ou si cette mutation constituait une modification du contrat de travail que les salariés étaient en droit de refuser et qui rendait la rupture imputable à l'employeur ;

que faute d'avoir procédé à une telle recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-1 et L. 321-1 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du Code civil ; alors que, par ailleurs, il résulte de l'article L. 321-1 du Code du travail que la rupture du contrat de travail résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, imposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique dès lors que cette modification est consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; qu'ainsi, en l'état du transfert de l'établissement dans de nouveaux locaux, prévu dès la reprise de la société BSC par la société Breilly, la cour d'appel, pour décider que le licenciement économique des salariés qui avaient refusé la mutation proposée n'avait pas de cause réelle et sérieuse, ne pouvait se borner à énoncer que les salariés n'avaient pas refusé de façon abusive le transfert de lieu de travail, l'employeur n'ayant lui-même pas respecté ses engagements, sans rechercher si ce transfert n'était pas consécutif à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à l'intérêt de l'entreprise et à la sauvegarde de sa compétitivité, comme l'avait d'ailleurs toujours indiqué l'employeur ; que, faute de s'être prononcée sur ce point déterminant, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas justifié sa décision au regard du texte susvisé ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a relevé que la seconde offre de reprise faite par la société Breilly ne mentionnait pas le transfert de l'établissement repris en un autre lieu et que la lettre de reprise des salariés excluait un changement de site à plus de 6 kms du centre d'Amiens, n'a pas modifié les termes du litige en énonçant que le transfert immédiat du personnel sur Moreuil n'était pas envisagé à la date du 15 décembre 1989 ;

Attendu, ensuite, qu'ayant relevé que par sa lettre de reprise du 14 décembre 1989 adressée aux salariés, la société s'engageait à ne pas changer de site à plus de 6 kms du centre d'Amiens et qu'en cas de changement de site une navette serait mise en place, la cour d'appel, qui a constaté que la société Breilly avait immédiatement voulu réaliser le transfert du personnel sur un site distant de plus de 20 kms du centre d'Amiens sans mettre en place de navette, et qui a fait ressortir que cette décision constituait une modification de leur contrat de travail, a décidé à bon droit que les salariés étaient fondés à la refuser ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel, qui a relevé que, contrairement à ses engagements envers les salariés repris, la société avait procédé à un transfert immédiat du personnel à plus de 20 kms d'Amiens, sans chercher un local situé à moins de 6 kms du centre-ville, ni prévoir de navette, a pu décider que l'employeur avait manqué à ses engagements et licencié les salariés avec une légèreté blâmable ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 97-43072;97-43084
Date de la décision : 18/11/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Modification - Modification imposée par l'employeur - Modification du contrat de travail - Légèreté blâmable - Constatations suffisantes .

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Modification - Modification imposée par l'employeur - Modification du contrat de travail - Refus du salarié - Conséquence

Ayant relevé que par sa lettre de reprise d'une société dont la liquidation judiciaire avait été prononcée adressée à chacun des salariés repris, une société s'engageait à ne pas changer de site à plus de 6 kms du centre d'Amiens et qu'en cas de changement de site une navette serait mise en place, la cour d'appel, qui a constaté que la société repreneuse avait immédiatement voulu réaliser le transfert du personnel sur un site distant de plus de 20 kms du centre d'Amiens sans mettre en place de navette, et qui a fait ressortir que cette décision constituait une modification de leur contrat de travail, a décidé à bon droit que les salariés étaient fondés à la refuser. Et ayant ainsi relevé que, contrairement à ses engagements envers les salariés repris la société avait procédé à un transfert immédiat du personnel à plus de 20 kms d'Amiens sans chercher un local situé à moins de 6 kms du centre-ville ni prévoir de navette, elle a pu décider que l'employeur avait manqué à ses engagements et licencié les salariés avec une légèreté blâmable.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 avril 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 nov. 1998, pourvoi n°97-43072;97-43084, Bull. civ. 1998 V N° 494 p. 368
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 V N° 494 p. 368

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. de Caigny.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Frouin.
Avocat(s) : Avocat : M. Bouthors.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.43072
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