Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., au service de la société de droit hollandais Agio Sigarenfabrieken NV depuis 1978, promu " manager régional France " le 1er janvier 1983, candidat aux élections de délégués du personnel le 4 septembre 1995, a fait l'objet, le 5 septembre 1995, d'une convocation à un entretien préalable au licenciement et le 13 septembre suivant d'une mise à pied conservatoire, une procédure d'autorisation de licenciement étant engagée devant l'inspecteur du Travail qui s'est déclaré territorialement incompétent par décision du 9 octobre 1995 ; que, par jugement du 23 février 1996, le tribunal d'instance du 8e arrondissement de Paris a dit qu'en l'absence d'établissement distinct de la société Agio, il n'y a pas lieu à l'organisation d'élections de représentants du personnel et que la candidature de M. X... était sans objet ; que ce jugement a été cassé par arrêt du 28 mai 1997 ; que le salarié a saisi le 27 septembre 1996, la formation de référé du conseil de prud'hommes d'une demande de réintégration fondée sur sa qualité de salarié, protégé au moment de sa mise à pied et sur sa désignation en qualité de délégué syndical le 23 février 1996, désignation dont la contestation est pendante devant le tribunal d'instance ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué rendu en référé (cour d'appel de Paris, 3 juillet 1997) d'avoir ordonné la réintégration du salarié sous astreinte, alors, selon le moyen , de première part, que le statut protecteur des représentants du personnel n'est pas applicable au salarié, dont la candidature aux élections de délégués du personnel est contestée en temps utile et fait l'objet d'une décision définitive d'annulation, l'entreprise ne remplissant pas les conditions pour se voir imposer des délégués du personnel ; qu il s'ensuit que l'employeur peut prononcer la mise à pied du salarié à titre conservatoire, en raison de la faute grave qu'il a commise, dans l'attente de la décision du juge électoral, sans être tenu de saisir l'inspecteur du Travail, d'une demande d'autorisation de licenciement ; qu'en reprochant à la société Agio Sigarenfabrieken d'avoir prolongé la mise à pied de M. X... sans avoir engagé la procédure d'autorisation de licenciement des salariés protégés, après avoir constaté que le tribunal d'instance du 8e arrondissement de Paris, qui était saisi par la société Agio Sigarenfabrieken d'un recours contre la candidature de M. X... aux élections des délégués du personnel, a dispensé l'employeur d'organiser ces élections, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, d'où il résultait que le statut protecteur des représentants du personnel n'était pas applicable à M. X... et que la société Agio Sigarenfabrieken n'avait pas et ne pouvait pas saisir l'inspecteur du Travail d'une question qui ne ressortait pas de sa compétence ; qu'ainsi, elle a violé l'article L. 425-1 du Code du travail, alors que le statut protecteur des représentants du personnel n'est pas applicable au salarié dont la désignation comme délégué syndical est contestée en temps utile ; qu'il s'ensuit que l'employeur peut prononcer sa mise à pied à titre conservatoire, en raison de la faute grave qu'il a commise, dans l'attente de la décision du juge des élections, sans être tenu de saisir l'inspecteur du Travail, d'une demande d'autorisation de licenciement ; qu'en reprochant à la société Agio Sigarenfabrieken d'avoir prolongé la mise à pied de M. X... sans avoir engagé la procédure d'autorisation de licenciement des salariés protégés, après avoir constaté que la société Agio Sigarenfabrieken avait contesté devant le juge électoral la désignation de M. X... en qualité de délégué syndical, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ; qu'ainsi, elle a violé l'article L. 412-5, alinéas 1 et 2, et L. 412-18 du Code du travail ; alors, de troisième part, que la réintégration ordonnée en référé d'un salarié est subordonnée à la condition que l'application du statut protecteur ne fasse pas l'objet d'une contestation sérieuse ; qu'en ordonnant la réintégration de M. X... dont la candidature était contestée, sous réserve de la décision qui serait prise par le juge électoral, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse, en violation des articles R. 516-30 et R. 516-31 du Code du travail ;
alors, de quatrième part, que le salarié dont le licenciement a été décidé avant sa désignation comme délégué syndical, bénéficie du statut des salariés protégés dans la seule hypothèse où il rapporte la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa désignation avant de le convoquer à un entretien préalable à son licenciement ; qu'en décidant que la désignation de M. X... comme délégué syndical, le 26 février 1996, faisait obstacle à son licenciement décidé six mois plus tôt, le 13 septembre 1995, bien qu'il n'ait pas soutenu que la société Agio Sigarenfabrieken avait eu connaissance de l'imminence de sa désignation comme délégué syndical avant de le convoquer à un entretien préalable. le 4 septembre 1995, la cour d'appel a violé l'article L. 412-18, alinéa 4, du Code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'à la date de la demande de réintégration, le tribunal d'instance n'avait pas statué sur la contestation de la désignation du salarié en qualité de délégué syndical, ce dont il résultait que le salarié était protégé, la cour d'appel a décidé à bon droit que la mise à pied, maintenue pendant vingt deux mois, constituait un trouble manifestement illicite auquel il convenait de mettre fin en ordonnant la réintégration ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.