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16/06/1998 | FRANCE | N°97-83146

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 juin 1998, 97-83146


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 20 mai 1997, qui, pour infractions à la réglementation relative à l'hygiène et à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 4 amendes de 25 000 francs chacune, a ordonné l'affichage et la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1, 3, 10 du décret du 17 août 1977, L. 230-2- III, L. 231-2, L. 233-1, alinéa 4, L. 233

-5-1- III, L. 263-2, L. 263-6, alinéa 1, R. 231-51, R. 231-54, alinéas 1 à 9, R. 2...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Michel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, en date du 20 mai 1997, qui, pour infractions à la réglementation relative à l'hygiène et à la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 4 amendes de 25 000 francs chacune, a ordonné l'affichage et la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1, 3, 10 du décret du 17 août 1977, L. 230-2- III, L. 231-2, L. 233-1, alinéa 4, L. 233-5-1- III, L. 263-2, L. 263-6, alinéa 1, R. 231-51, R. 231-54, alinéas 1 à 9, R. 231-56, alinéas 1 à 11, R. 233-42-1 du Code du travail, ensemble violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu, Jean-Michel X..., coupable d'avoir à Paris, le 23 août 1994, employé 4 salariés exposés à l'inhalation de poussière d'amiante sans avoir fait de déclaration préalable à l'inspection du Travail concernant la nature des travaux et les mesures de protection, en violation des dispositions concernant l'utilisation des mesures de protection appropriées, sans mettre à leur disposition les masques, combinaisons et gants appropriés ;
" aux motifs que " M. X... soutient que les travaux auxquels il procédait ne relevaient pas du décret précité ; en effet, son article 1er dispose que les articles 6 à 17, qui fondent la répression, ne sont pas applicables aux postes de travail lorsque la concentration dans l'air de la chrysotile ne dépasse pas 0, 20 fibre par centimètre cube ou 0, 10 fibre quand il s'agit d'une composition d'amiante ;
" il convient qu'à Jussieu on est dans un milieu " amiante " mais il soutient d'une part que son chantier, qui se trouvait au 3e étage, était toujours en deçà des seuils et d'autre part que celui-ci était terminé au jour du contrôle et en cours de démantèlement ; en outre, ce jour-là, le matin entre 7 heures et 8 h 45, il a effectué un prélèvement analysé par le BRGM, organisme technique habilité, qui montre un taux bien inférieur à ces seuils ; il a déposé, lors de sa comparution devant le tribunal, des analyses d'ambiance également pour les 11, 13, 23, 28 juillet et 11 août 1994 ainsi que des attestations de ses employés sur l'état du chantier ;
" le cadre juridique est celui de l'article 1er du décret de 1977 qui pose le principe de son application, dès lors que sur un chantier le personnel est exposé à l'inhalation de poussière d'amiante dans l'atmosphère à l'occasion de différents travaux concernant cette matière ; il n'est dérogé aux termes de l'alinéa 2 de cet article que lorsqu'il est établi que certains seuils ne sont pas atteints ;
" il s'induit de cette rédaction que le principe est la protection de ses salariés par l'employeur, ce dernier devant établir qu'il entre dans le cadre de l'exception ;
" pour apprécier l'argumentation de Jean-Michel X..., il y a lieu, tout d'abord, de rappeler les constatations de l'inspection du Travail sur le chantier. M. Z... a exposé, dans son rapport, qu'il avait visité un couloir au 5e étage (tour 45) de 4-5 mètres de large et de 46 mètres de long ; il y a rencontré le chef de chantier A... qui lui a dit travailler sous amiante, il a vu un ouvrier empaqueter des morceaux de sous-plafonds sous vinyle, un autre en train d'aspirer de la poussière d'amiante, lui-même et son accompagnateur, M. Y..., ont dû s'équiper de combinaisons, les ouvriers portaient des masques et tous les échanges ont eu lieu à travers ceux-ci ;
" il convient ensuite de trancher 3 questions :
" la première question est celle du lieu des constatations ; le tribunal a examiné les plans et les calendriers de chantiers dont il a déduit que les travaux vérifiés avaient correspondu à une phase dite 3 B conduite dans le couloir 46-0 du 3e étage, ce qui est la thèse du prévenu ; ayant procédé au même examen, la Cour constate qu'effectivement le jour du contrôle entre dans la phase 3 B qui se déroulait du 17 au 25 août ; l'erreur effectuée par l'inspecteur du Travail étant la conséquence probable des conditions particulièrement ardues, toutes les parties étant d'accord sur ce point, dans lesquelles il a fait sa visite ;
" la deuxième question est celle de l'état des travaux au jour du contrôle ; de ce point de vue, les constatations de l'inspecteur du Travail, la mention portée sur le compte-rendu de chantier produit par le prévenu qui indique " enrobage couloir 46. 00 : du 17 au 25 août 1994 " montrent que le chantier, même s'il était dans sa terminaison, était toujours en cours ; même le témoin B... qui indique que l'on était en train de démonter précise que personne n'avait dit qu'il n'y avait plus d'amiante ; quant à l'attestation de M. A..., dont il s'est avéré qu'il est le gendre du prévenu, elle paraît peu convaincante, venant contredire tardivement ses premières déclarations ;
" la troisième question est celle de savoir si ce chantier " amiante " se trouvait dans une situation d'exonération ; le tribunal après avoir pris connaissance des rapports d'analyse déposés par le prévenu a fait plusieurs constats ; le premier concerne le rapport sur la situation du 23 août, jour du contrôle ; il devait s'avérer qu'une autre copie de ce rapport, obtenue par une partie civile, portait la mention suivante : " les contrôles sont réalisés par vos soins et transmis au BRGM pour analyse ; échantillon reçu le 24 août 1994 ; résultat transmis par télécopie le 25 août 1994 " ; le tribunal en a déduit l'absence de fiabilité de ce document ; par ailleurs, il a relevé que les autres rapports déposés par le prévenu présentaient les mêmes " blancs " en ce qui concerne les conditions de contrôles que le précédent et ne concernaient pas soit l'étage, soit le couloir en cause ;
" devant la Cour, le prévenu soutient qu'il n'avait pas l'intention de tromper le tribunal, qu'il a effectué les prélèvements lui-même ce dont il avait le droit et qu'enfin, la réception par le BRGM le 24 août montre que le prélèvement a été fait au moment où il l'a indiqué ;
" la Cour, mise en possession des mêmes documents, constate que l'absence de mention " les contrôles sont réalisés par vos soins... " sur un document portant le sigle BRGM utilisé en justice ne peut que tromper celle-ci ;
" il résulte en outre de l'audition du témoin C..., ingénieur au BRGM, que l'échantillon a été apporté au BRGM à Orléans, le 24 août, et que l'analyse requérait entre 1/ 2 heure et 3/ 4 d'heure ;
" dans cet état, il n'est nullement établi que le 23 août 1994, au moment du contrôle de l'inspection du Travail, le chantier se trouvait en situation dérogatoire par rapport au décret de 1977, ni que le responsable dudit chantier, Jean-Michel X..., se soit préoccupé de s'en assurer ;
" en ce qui concerne les autres prélèvements de juillet et août, la Cour constate également leur non-pertinence et leur absence de fiabilité eu égard à l'absence de contrôle sur les conditions dans lesquelles ils ont été opérés ;
" il n'apparaît pas, au demeurant, qu'au regard des dispositions de l'article 6, paragraphe VII, du décret précité que Jean-Michel X... ait reçu l'autorisation de faire lui-même les contrôles ;
" entendu à la demande du prévenu, M. D..., ingénieur spécialiste de l'amiante, est venu indiquer que le décret en cause s'appliquait très mal au type d'activité effectuée par le prévenu mais il a toutefois convenu que l'on pouvait recourir à des techniques de protection ;
" les dispositions du décret du 17 août 1977 sont donc applicables ;
" alors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué, que le mode opératoire de la SES sur le chantier inspecté le 23 août 1994 à l'université Paris-VI comportait dans l'ordre 3 opérations : 1o La dépose des faux plafonds et le décoffrage des piliers du bâtiment ; 2o L'application superficielle d'un enduit pour stabiliser l'amiante friable dont plafonds et piliers avaient été recouverts par flocage ; 3o L'enrobage complet avec une bande plâtrée des surfaces enduites " pour neutraliser l'amiante " ; que c'est au cours de l'accomplissement de ces 3 opérations que les 4 salariés affectés au chantier pouvaient se trouver " exposés à l'inhalation de poussières d'amiante à l'état libre dans l'atmosphère " ; qu'à elle seule cette circonstance était de nature à rendre applicable les dispositions des articles 6 à 17 du décret du 17 août 1977, à moins que le prévenu ne rapporte la preuve que l'accomplissement desdites opérations ne générait qu'un taux de concentration de poussières d'amiante, à l'état libre dans l'atmosphère, inférieur par poste de travail à l'un des taux spécifiés à l'article 1er dudit décret ;
" que, pour rapporter cette preuve, Jean-Michel X... faisait valoir à bon droit dans ses conclusions, que tous les chantiers que lui avaient confiés l'université Paris-VI comportaient l'accomplissement des mêmes opérations " pour neutraliser l'amiante " ; qu'aucune des analyses de l'air effectuées au cours des 8 chantiers terminés et des chantiers en cours dont celui inspecté le 23 août 1994, n'avait fait ressortir un taux de concentration de poussières d'amiante rendant applicables les dispositions des articles 6 à 17 du décret ; que les résultats de ces analyses ne sauraient être écartés comme non fiables, motif pris de ce que les prélèvements analysés auraient été effectués par lui-même, dès lors qu'en l'état de la réglementation en vigueur à la date du 23 août 1994, aucune obligation n'était faite au responsable d'un chantier de faire procéder aux prélèvements d'air dont s'agit par un établissement accrédité pour ce faire, et que d'ailleurs, telle était la raison pour laquelle la circulaire ministérielle d'application " DRT n° 88/ 15 " recommandait aux inspecteurs du Travail révoquant en doute les résultats de ces analyses, de recourir à la procédure prévue à l'article 232-5-10 du Code du travail ;
" que, cependant, pour déclarer que Jean-Michel X... n'avait pas rapporté la preuve qui lui incombait, l'arrêt attaqué retient que cette preuve ne pouvait ressortir que d'un prélèvement d'air effectué sur le chantier le 23 août 1994 et dont les résultats auraient été connus le jour même ; que les résultats des analyses versés aux débats devaient être écartés comme non fondés, pour se rapporter à d'autres chantiers que celui inspecté ou avoir été obtenus à partir de prélèvements effectués par le prévenu ; qu'au demeurant, il n'apparaissait pas qu'au regard des dispositions de l'article 6, paragraphe VII, du décret précité, que Jean-Michel X... ait reçu l'autorisation de faire lui-même les contrôles ;
" ce dont il résulte que l'arrêt attaqué manque de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'occasion d'une visite effectuée le 23 août 1994 sur un chantier où quatre salariés de la Société Européenne de Services étaient occupés à des travaux de neutralisation de l'amiante présente dans les structures de bâtiments administratifs, l'inspecteur du Travail a relevé diverses infractions au décret du 17 août 1977 modifié, alors en vigueur, relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante ;
Attendu que, devant les juges du fond, saisis des poursuites exercées notamment de ces chefs contre Jean-Michel X..., gérant de la société précitée, celui-ci a fait valoir que les dispositions du décret visées à la prévention n'étaient pas applicables, la concentration moyenne de fibres d'amiante sur le chantier étant, à la date des faits, inférieure aux seuils légaux ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation, fondée sur les résultats d'analyses versés au débats, la cour d'appel se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant d'une appréciation souveraine de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, l'arrêt attaqué n'encourt pas les griefs allégués ;
Que, si le décret du 7 février 1996 modifié, ayant remplacé le décret du 17 août 1977, prévoit l'obligation, pour le chef d'établissement, de procéder lui-même à des contrôles périodiques destinés à vérifier le taux de concentration dans l'air des fibres d'amiante, l'employeur était tenu, sous l'empire du décret applicable en l'espèce, d'obtenir l'autorisation de l'Administration pour effectuer tout ou partie de tels contrôles ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-83146
Date de la décision : 16/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Bâtiments et travaux publics - Etablissement où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante - Décret du 17 août 1977 - Contrôle de l'atmosphère des lieux de travail par l'employeur - Autorisation nécessaire.

Si le décret du 7 février 1996 modifié, ayant remplacé celui du 17 août 1977, prévoit l'obligation, pour le chef d'un établissement où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, de procéder lui-même à des contrôles périodiques destinés à vérifier le taux de concentration dans l'air des fibres d'amiante, l'employeur était tenu, en vertu de l'article 6, VII, du décret de 1977 précité, d'obtenir l'autorisation de l'Administration pour effectuer tout ou partie de tels contrôles.


Références :

Décret du 17 août 1977 art. 6, VII
Décret 96-103 du 07 février 1996

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 mai 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jui. 1998, pourvoi n°97-83146, Bull. crim. criminel 1998 N° 194 p. 529
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 194 p. 529

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Lucas.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Batut.
Avocat(s) : Avocat : M. Garaud.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.83146
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