CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 21 mars 1997, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef d'atteintes sexuelles sur mineure de 15 ans par ascendant, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Vu l'article 575, alinéa 2, 2° du Code de procédure pénale ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 575-2° du Code de procédure pénale, violation de l'article 2 du même Code et de son article 593, violation des droits de la défense :
" il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable une constitution de partie civile ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime ou un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; qu'en l'espèce, la victime du dommage directement causé par l'infraction dénoncée à supposer les faits établis et qui en aurait personnellement souffert, serait la jeune Y... ; qu'en raison de son état de minorité, elle-même ne pouvant se constituer partie civile, cette possibilité était ouverte à son civilement responsable jouissant de l'autorité parentale, c'est-à-dire sa mère, Z..., au nom de la mineure ; que la grande-mère de ladite mineure, Mme X..., n'a pas cette faculté et qu'elle ne peut par ailleurs justifier d'un dommage personnel directement causé par l'infraction, si bien que sa constitution de partie civile est irrecevable ;
" alors que, d'une part, la faculté de déposer plainte et de se constituer partie civile a pour premier effet de déclencher l'action publique, que le droit à réparation du dommage résultant de l'infraction apparaît secondaire ; qu'en tout état de cause, la souffrance morale éprouvée par un grand-parent d'un enfant mineur qui ainsi que cela a été précisé dans le mémoire s'occupait de très près du jeune enfant ses parents étant divorcés découle directement de l'infraction reprochée d'abus sexuel sur ledit mineur par un ascendant ; qu'en décidant le contraire et en limitant la possibilité de se constituer partie civile en déposant plainte au seul parent bénéficiant de l'autorité parentale sur l'enfant mineur, la chambre d'accusation pose une condition contraire aux règles et principes qui s'évincent de l'article 2 du Code de procédure pénale, violé ;
" et alors que, d'autre part, en l'état du mémoire tel que déposé explicitant les raisons permettant de déduire l'existence d'un préjudice moral propre découlant directement des faits dénoncés dans la plainte avec constitution de partie civile, la Cour ne justifie pas légalement son arrêt en se contentant d'affirmer que la partie civile ne justifie pas d'un dommage personnel direct sans autres précisions ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article 85 du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon l'article 85 précité, pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possibles l'existence du préjudice allégué et la relation de celui-ci avec une infraction à la loi pénale ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 30 septembre 1996, X... a porté plainte avec constitution de partie civile, en exposant que sa petite fille, née le 27 septembre 1989, avait fait l'objet d'actes incestueux de la part de son père ; que le juge d'instruction a rendu une ordonnance d'irrecevabilité de cette constitution, en relevant que la plaignante ne pouvait agir au nom de l'enfant ;
Qu'ayant interjeté appel de cette décision, la partie civile a fait état du préjudice moral qu'elle subissait personnellement, résultant de la découverte des abus sexuels commis sur la fillette dont elle s'occupait presque quotidiennement et de la constatation de la dégradation psychique de l'enfant ;
Attendu, cependant, que, pour confirmer l'ordonnance d'irrecevabilité de cette plainte rendue par le juge d'instruction, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que la grand-mère ne disposant pas de l'autorité parentale, ne peut exercer les droits reconnus à la partie civile au nom de l'enfant, et qu'elle ne peut, par ailleurs, justifier d'un dommage personnel directement causé par l'infraction ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que les faits dénoncés, à les supposer établis, étaient de nature à causer un préjudice personnel à la plaignante, la chambre d'accusation n'a pas justifié sa décision ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date du 21 mars 1997, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
DÉCLARE RECEVABLE en l'état la constitution de partie civile ;
ORDONNE le retour du dossier à la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris pour qu'il soit procédé conformément aux dispositions des articles 206, 3e alinéa, et 207, 2e alinéa, du Code de procédure pénale.