REJET au pourvoi formé par :
- X... Mariana, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 27 février 1996, qui, pour refus de se soumettre à une mesure de reconduite à la frontière et violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique dans l'exercice de leurs fonctions, l'a condamnée à 7 mois d'emprisonnement.
Vu le mémoire produit ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 397-1 et 520 du Code de procédure pénale, 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé le jugement de première instance et évoqué l'affaire au fond, et est entré en voie de condamnation contre Mariana X... ;
" aux motifs que le jugement était nul pour avoir, sur comparution immédiate, renvoyé l'affaire à une date supérieure à six semaines, en violation des dispositions impératives de l'article 397-1 du Code de procédure pénale ;
" alors que les dispositions de l'article 397-1 du Code de procédure pénale ne sont assorties d'aucune sanction et que l'éventuelle méconnaissance de l'obligation de renvoyer l'affaire à une date n'excédant pas six semaines, n'est pas de nature à entraîner la nullité du jugement ; qu'ainsi la cour d'appel ne pouvait s'estimer saisie par la voie de l'évocation ; qu'elle a méconnu le cadre de sa saisine et excédé ses pouvoirs " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Mariana X... a été déférée le 5 janvier 1996, selon la procédure de comparution immédiate, devant le tribunal correctionnel de Lyon, qui a renvoyé la cause et les parties à l'audience du 19 avril 1996 pour jugement sur le fond ;
Attendu que, pour annuler le jugement susvisé, évoquer et statuer sur le fond, les juges du second degré retiennent que cette décision a violé les dispositions impératives de l'article 397-1 du Code de procédure pénale, prescrivant que le délai de renvoi ne peut excéder 6 semaines ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont fait l'exacte application des textes visés au moyen, dès lors que les dispositions de l'article 520 du Code de procédure pénale ne sont pas limitatives et s'étendent au cas où, comme en l'espèce, la cour d'appel relève que les premiers juges n'ont pas respecté le délai de renvoi de l'affaire qui leur était soumise selon la procédure de comparution immédiate, lequel délai ne peut dépasser six semaines ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 111-5 du Code pénal, 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 55 de la Constitution, violation des principes de l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions administratives et de l'article 112-1 du Code pénal :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mariana X... coupable de s'être soustraite à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière prise par arrêté préfectoral du 4 janvier 1996 ;
" alors, d'une part, que le juge pénal est tenu d'apprécier, lorsqu'elle est contestée devant lui, la légalité des décisions administratives dont l'existence conditionne la poursuite ; qu'en refusant de s'interroger sur la légalité de l'arrêté de reconduite vers la Guinée du 4 janvier 1996, à l'exécution duquel Mariana X... s'était soustraite, la cour d'appel a violé les textes précité ;
" alors, d'autre part, qu'en considérant que le risque d'excision de ses filles mineures invoqué par Mariana X... n'était pas de nature à affecter la légalité de cet arrêté et donc sa responsabilité pénale, la cour d'appel a violé l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 55 de la Constitution et l'article 112-1 du Code pénal ;
" alors, de surcroît, que, dès lors qu'à la date où la cour d'appel statuait, la juridiction administrative avait ordonné le sursis à exécution de cet arrêté, la cour d'appel en déclarant le délit constitué, a méconnu l'autorité de chose jugée attaquée aux décisions administratives, et excédé ses pouvoirs ;
" alors, enfin, que, par application du principe de la rétroactivité in mitius, aucune condamnation ne pouvait être prononcée pour méconnaissance d'une disposition dont l'exécution avait été suspendue " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, Mariana X..., condamnée le 15 mars 1995 à l'interdiction définitive du territoire national, a été conduite le 5 janvier 1996, à l'aéroport, en vue de son embarquement à bord d'un vol à destination de la Guinée ;
Attendu que, pour retenir la culpabilité de l'intéressée du chef de soustraction à une mesure de reconduite à la frontière, la cour d'appel, après avoir précisé que la condamnation du 15 mars 1995 est définitive, retient que la prévenue s'est débattue et a ainsi fait obstacle à son embarquement ; qu'elle ajoute que la suspension de la mise à exécution de l'arrêté préfectoral du 4 janvier 1996, fixant le pays de renvoi de l'intéressée, prise le 12 janvier 1996 par le président du tribunal administratif, ne saurait avoir quelque effet sur la constitution du délit caractérisé à la date du 5 janvier 1996 ;
Qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que d'une part, les juges du second degré n'étaient pas tenus d'apprécier la légalité de la décision administrative précitée, qui ne commandait pas la solution du procès pénal, et que d'autre part, la suspension de cet arrêté était dépourvue de toute autorité de chose jugée ;
D'où il suit que le moyen qui, en sa troisième branche, tiré d'une violation de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mélangé de fait et, comme tel, irrecevable, doit être écarté ;
Sur le premier moyen d'annulation, au regard des dispositions de l'article 27 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, et de l'autorité erga omnes des décisions d'annulation pour excès de pouvoir par la juridiction administrative, et de l'article 112-1 du Code pénal :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mariana X... coupable de s'être soustraite à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière prise par arrêté préfectoral du 4 janvier 1996 :
" alors, d'une part, que, le tribunal administratif de Lyon a, par jugement du 12 juin 1996, annulé cet arrêté, comme contraire aux dispositions de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en conséquence, la condamnation pour soustraction à l'exécution de cet arrêt ayant perdu son fondement légal, elle doit être annulée ;
" alors, d'autre part, que, le prononcé d'une peine privative de liberté ayant été expréssement motivé en l'espèce par la détermination de la prévenue à se maintenir sur le territoire français, cette peine ne saurait, sans violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, être considérée comme justifiée par l'infraction de violences volontaires n'ayant entraîné aucune incapacité sur des dépositaires de l'autorité publique " ;
Attendu que la décision en date du 12 juin 1996 du tribunal administratif annulant l'arrêté préfectoral précité du 4 janvier 1996, ne saurait avoir aucune incidence sur la condamnation antérieure prononcée par les juges du second degré, sur le fondement de l'article 27 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, pour soustraction à la mesure de reconduite à la frontière, dès lors que celle-ci résulte de plein droit de l'interdiction définitive du territoire français prononcée à l'encontre de la demanderesse ;
Attendu, par ailleurs, que Mariana X... n'est pas recevable à soulever, pour la première fois devant la Cour de Cassation, les griefs pris d'une violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mélangés de fait et de droit ;
Que, dès lors, le moyen, dont la seconde branche est irrecevable, doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 222-13, 121-3, 122-2, 122-5 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :
" en ce que Mariana X... a été déclarée coupable de violences volontaires sur personnes dépositaires de l'autorité publique ;
" alors, d'une part, qu'il résulte de l'arrêt attaqué lui-même que Mariana X... ne s'est pas expliquée sur le fond de ce délit, dès lors qu'elle plaidait que la Cour ne pouvant être saisie par la voie de l'évocation, n'était pas compétente pour en connaître ; qu'en s'abstenant de prévenir Mariana X... de ce que la Cour entendait annuler le jugement et user de son pouvoir d'évocation, puis de lui demander ses observations sur le fond, la cour d'appel a violé les droits de la défense ;
" alors, d'autre part, que la Cour ne pouvait entrer en voie de condamnation à l'encontre de Mariana X..., pour s'être débattue au moment où les fonctionnaires de police exécutaient un arrêté de reconduite à la frontière au demeurant illégal, sans s'expliquer sur le point de savoir si le fait, expressément invoqué par elle comme le reconnaît l'arrêt attaqué, qu'elle entendait s'opposer pour elle et pour ses enfants à cette mesure de reconduite en raison du risque sérieux d'excision pesant sur ses fillettes, n'avait pas constitué pour Mariana X... sinon un cas de contrainte, du moins un cas de légitime défense pour ses filles, excluant que sa responsabilité pénale pût être engagée, qu'ainsi, la condamnation se trouve dépourvue de toute fondement légal " ;
Attendu que l'arrêt attaqué précise que Mariana X..., assistée de ses deux avocats Maître Frery et Maître Luciani a été mise en demeure de s'expliquer sur l'ensemble des délits visés à la prévention ; qu'elle s'est effectivement expliquée sur le fond ; que contrairement à ce qui est soutenu par la demanderesse, il a été répondu à son argumentation ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.