Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé en avril 1977 par la société Burroughs devenue depuis la société Unisys France, délégué syndical FO jusqu'au 10 novembre 1992, dont le licenciement a été refusé par l'inspecteur du travail le 6 août 1993, estimant que son employeur ne lui fournissait pas un travail effectif aux conditions antérieures, a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes d'une demande de réintégration ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 24 mars 1995) d'avoir considéré qu'il existait un trouble manifestement illicite et ordonné la réintégration du salarié sous astreinte dans la plénitude des fonctions qu'il exerçait avant le 6 août 1993, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il était acquis aux débats que lors de l'introduction de l'instance, M. X... était un ancien délégué syndical bénéficiant à ce titre des dispositions protectrices en matière de licenciement de salariés protégés mais n'exerçait plus aucun mandat ; qu'en retenant qu'il devait être réintégré dans " la plénitude de ses fonctions ", alors même qu'il n'exerçait plus de fonctions syndicales, la cour d'appel n'a pas caractérisé le trouble manifestement illicite et a en conséquence violé les articles L. 412-18 et R. 516-31 du Code du travail ; alors, d'autre part, qu'en retenant que M. X... subissait un trouble manifestement illicite en étant placé en " self study ", sans rechercher si la société Unisys avait un volume d'activité suffisant pour lui proposer une nouvelle mission, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 516-31 du Code du travail ; alors, de troisième part, que pour estimer que M. X... subissait un trouble manifestement illicite résultant du fait qu'il serait placé en " self study " alors que les autres salariés auraient en charge des projets, ce qui aurait constitué une discrimination de la part de l'employeur, la cour d'appel s'est abstenue de rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si une telle situation ne résultait pas de l'attitude personnelle de M. X..., lequel avait refusé de nouvelles missions ou des stages de formation et avait dû être mis à l'écart d'un projet à la demande expresse d'un client ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 516-31 du Code du travail ; alors, de dernière part et de toutes façons qu'en disposant au profit de M. X... qu'il serait désormais interdît à la société Unisys toute discrimination dans la répartition des projets IS, ce dont il résulte que la société devrait à l'avenir opérer une répartition égalitaire de la clientèle entre les différents chefs de projet qu'elle emploie sans tenir compte des compétences, des aptitudes, voire des réticences des intéressés, la cour d'appel s'immisce dans le pouvoir de direction et d'organisation du chef d'entreprise en violation des articles 544 et 1779 du Code civil et des articles L. 121-1 et suivants du Code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que les anciens délégués syndicaux bénéficient, pendant la période définie par la loi, de la même protection que le délégué syndical titulaire du mandat ; qu'il en résulte que cette protection est indépendante de l'exercice de ce dernier ; que le juge des référés était fondé à mettre fin au trouble manifestement illicite résultant du licenciement irrégulier et à ordonner la réintégration du salarié dans ses fonctions dans l'entreprise ;
Attendu, ensuite, que, procédant aux recherches demandées, la cour d'appel, qui s'est fondée sur le procès-verbal d'entrave dressé par l'inspecteur du Travail le 26 mai 1994 pour les mêmes faits, a estimé que le salarié avait été privé de travail en raison de sa qualité d'ancien délégué syndical ;
Attendu, enfin, que les pratiques discriminatoires étant illicites, la cour d'appel, en les interdisant ne s'est pas immiscée dans les pouvoirs de l'employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.