CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-Marie,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 25 janvier 1996, qui, pour falsification de document administratif et importation réputée sans déclaration de marchandise prohibée et 10 contraventions douanières, l'a condamné à la peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende douanière de 114 792 francs, à 10 amendes douanières de 1 000 francs, au paiement des sommes de 114 792 francs et 286 534 francs pour tenir lieu de confiscation de la marchandise de fraude et à la somme de 7 255 francs au titre de la TVA éludée.
LA COUR,
Vu les mémoires personnels et le mémoire en défense produits ;
Sur les faits :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt que Jean-Marie X..., gérant de la société Auto Eco Service (AES) ayant pour activité l'acquisition et l'importation dans la communauté européenne, en qualité de mandataire, de véhicules neufs de marque française, a été cité devant la juridiction correctionnelle, par le ministère public et l'administration des Douanes, des chefs de faux, d'importation réputée sans déclaration de marchandise prohibée et contravention d'importation sans déclaration de marchandise non prohibée, sur le fondement des articles 153 du Code pénal, 412 et 427, 4°, du Code des douanes, pour avoir tenté, en 1991, de faire immatriculer en France au nom d'un de ses clients, à l'aide d'un document administratif falsifié, un véhicule Peugeot 405 importé d'Allemagne, sans qu'aient été préalablement accomplies les formalités de dédouanement ;
Qu'il a également été poursuivi, du chef de fausses déclarations de valeur portant sur des marchandises non prohibées, sur le fondement de l'article 412 du Code des douanes, pour n'avoir pas incorporé, dans l'assiette de la TVA, due sur neuf importations de véhicules, les frais de transport au lieu de première destination et les commissions à l'achat ;
Que, reconnu coupable de l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés, il a été condamné aux peines indiquées ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 60, 334, 338 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, en ce que la cour d'appel a considéré la procédure antérieure régulière :
Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt attaqué, ni du jugement qu'il confirme, ni d'aucunes conclusions que le prévenu ait invoqué, avant toute défense au fond, ainsi que l'exigent les prescriptions de l'article 385 du Code de procédure pénale, l'irrégularité de l'enquête douanière antérieure à la saisine de la juridiction correctionnelle ;
D'où il suit que, par application de ce texte, le moyen est irrecevable ;
Sur les deuxième et troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 388, 509, 515, 593 du Code de procédure pénale, en ce que la cour d'appel l'a jugé pour un délit d'importation de marchandise prohibée autre que celui visé par la citation et pour des contraventions différentes de celles ayant donné lieu à jugement en première instance :
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jean-Marie X... a été cité à comparaître pour l'immatriculation d'un véhicule Peugeot 205 sans qu'aient été préalablement accomplies les formalités de dédouanement de ce véhicule, mais que, l'importation concernant en réalité une Peugeot 405, il a accepté, ainsi que l'indiquent les mentions du jugement de première instance, de comparaître volontairement pour cette importation en dépit de l'erreur contenue dans la citation ; que la prévention visait, en outre, la contravention d'importation sans déclaration de ce même véhicule ;
Qu'il a également été poursuivi, du chef de fausses déclarations de valeur, pour n'avoir pas incorporé, dans l'assiette de la TVA due sur neuf importations de véhicules, les frais de transport au lieu de première destination et les commissions à l'achat ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la cour d'appel, sans excéder sa saisine, s'est prononcée sur les seuls faits visés à la prévention ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur les sixième et septième moyens de cassation, pris de la violation des articles 121-4 et 131-21 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, en ce que, n'étant pas le propriétaire de la marchandise importée, mais un simple mandataire, il ne saurait encourir la responsabilité des opérations litigieuses et a fortiori subir la confiscation d'objet ne lui appartenant pas :
Les moyens étant réunis ;
Attendu que le demandeur ne saurait invoquer sa qualité de mandataire pour s'exonérer de sa responsabilité dès lors qu'en cas d'introduction irrégulière d'une marchandise, le détenteur, qui a procédé à cette introduction, est, en application des articles 202 du Code des douanes communautaire et 392 du Code des douanes national, présumé responsable de la fraude, et encourt, à titre personnel, la condamnation aux amendes, confiscations et paiement des droits fraudés prévus par la loi ;
Qu'ainsi les moyens ne sauraient être accueillis ;
Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 292 du Code général des impôts, 35 et 412, 2°, du Code des douanes, du règlement 80/ 1224/ CEE du 31 mai 1980, 593 du Code de procédure pénale, en ce que l'arrêt a condamné le prévenu à neuf contraventions pour fausses déclarations de valeur en douane, alors que les frais de transport jusqu'au premier lieu de destination et les commissions à l'achat, engagés en France, n'entrent pas dans le calcul de cette valeur ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en matière pénale les textes sont d'interprétation stricte ;
Que, si, aux termes de l'article 412, 2°, du Code des douanes, est passible de la confiscation et d'une amende de 10 000 francs toute fausse déclaration dans la valeur des marchandises importées, lorsqu'un droit de douane ou une taxe quelconque se trouve éludé ou compromis, cette incrimination ne s'entend, par référence à l'article 35 du Code des douanes et au règlement 1224/ 80/ CEE du 28 mai 1980, que de la fausse déclaration de valeur en douane ;
Qu'en application de ce règlement, les commissions à l'achat et les frais de transport de l'entrée dans la communauté jusqu'au premier lieu de destination sont expressément exclus du calcul de la valeur en douane ;
Attendu qu'il résulte de la prévention que l'intéressé est poursuivi sur le fondement de ce texte pour n'avoir pas incorporé dans l'assiette de la TVA, à l'occasion des importations réalisées pour le compte des nommés Y..., Z..., A..., B..., C..., D... et E..., les commissions à l'achat et les frais de transport, jusqu'au premier lieu de destination ;
Attendu que, pour le déclarer coupable des faits visés à la prévention et le condamner à dix amendes de 1 000 francs, au paiement de la somme de 286 534 francs pour tenir lieu de confiscation des véhicules concernés et au paiement de 7 255 francs au titre des droits éludés, les juges du fond énoncent que l'omission des frais de transport et des commissions a entraîné une minoration de la valeur déclarée et permis d'éluder le paiement de 7 255 francs de TVA et qu'ainsi les faits sont établis ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'omission de ces frais accessoires, exclus du calcul de la valeur en douane, mais inclus, par l'article 292 du Code général des impôts, dans celui de l'assiette de la TVA à l'importation, ne pouvait être poursuivie, en l'absence d'incrimination spécifique, que sur le fondement de l'article 411 du Code des douanes, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés et privé sa décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le moyen de cassation, relevé d'office, pris de la violation des articles 412, 414, 435, 439 du Code des douanes :
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en application de l'article 439 du Code des douanes, tout fait tombant sous le coup de dispositions répressives distinctes édictées par ce Code doit être envisagé sous la plus haute acception pénale dont il est susceptible ;
Attendu, en outre, que la confiscation douanière, prévue aux articles 412 et 414 du Code des douanes, qu'elle soit ordonnée réellement ou qu'elle donne lieu, en application de l'article 435 de ce Code, à condamnation au paiement d'une somme pour en tenir lieu, ne peut être prononcée qu'une seule fois pour un même objet de fraude ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, du jugement et du procès-verbal, base des poursuites, qu'ayant tenté de faire immatriculer le véhicule Peugeot 405 qu'il avait importé, pour le compte d'un nommé Y..., sans l'avoir préalablement dédouané, Jean-Marie X... a été cumulativement poursuivi, sur le fondement de l'article 412, 1°, du Code des douanes, pour la contravention d'importation sans déclaration de marchandise non prohibée et, sur le fondement de l'article 427, 4°, de ce Code, pour le délit d'importation réputée sans déclaration de marchandise prohibée ; qu'en outre, faute d'avoir comptabilisé la commission à l'achat perçue de ce client, il a été poursuivi, sur le fondement de l'article 412, 2°, du Code précité, pour fausse déclaration de valeur de ce véhicule ;
Qu'en répression, Jean-Marie X... a été condamné, pour le délit, à une amende de 114 792 francs et au paiement d'une somme d'égal montant pour tenir lieu de confiscation du véhicule Peugeot 405, et, pour les deux contraventions, à deux amendes de 1 000 francs chacune, ainsi qu'au paiement d'une somme de 286 534 francs, somme tenant lieu de confiscation, après une réduction au tiers de leur valeur effectuée en application de l'article 369 du Code des douanes, de l'ensemble des véhicules visés à la prévention, et incluant une nouvelle fois la valeur du véhicule Peugeot précité ;
Mais attendu qu'en retenant ainsi le même fait sous plusieurs qualifications pénales et en prononçant plusieurs confiscations pour un même objet de fraude, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés ;
Que, dès lors, la cassation est, derechef, encourue ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 25 janvier 1996, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai.