Joint les pourvois n° 95-14.089 et 95-17.456 ;
Sur le premier moyen de chacun des pourvois, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 1995), que la société Résidence Champs-Elysées I et la société Résidence Champs-Elysée II ont été créées pour l'exploitation d'un groupe d'immeubles abritant un fonds de commerce d'hôtel ; que les actions de la société Résidence Champs-Elysées I ont été constituées en groupes indivisibles donnant droit à l'occupation d'une chambre déterminée pendant une période définie à l'avance ; que, le 23 juin 1989, une assemblée générale extraordinaire a décidé de modifier l'objet social en l'étendant à toutes opérations commerciales se rattachant à la gestion du patrimoine immobilier à usage hôtelier et de supprimer le droit de jouissance des actionnaires ; que plusieurs associés minoritaires ont assigné la société en nullité des décisions de l'assemblée générale ;
Attendu que les associés font grief à l'arrêt de dire que la loi du 6 janvier 1986 n'est pas applicable en l'espèce, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions de la loi du 6 janvier 1986 que l'associé d'une société d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé, titulaire d'un droit de jouissance sur les immeubles de la société, dispose du droit de le louer ; qu'il s'agit là d'une prérogative d'ordre public ; qu'en excluant l'application de la loi du 6 janvier 1986 en raison de ce que les actionnaires n'auraient joui effectivement de leur droit d'occupation que de " façon marginale " et avaient " généralement " donné à la société de gestion mandat de le louer, l'arrêt a violé les articles 1 et 23 de la loi du 6 janvier 1986 ;
Mais attendu qu'ayant retenu que, dès 1975, l'immeuble avait été classé en hôtel de tourisme pour la totalité de ses chambres sans qu'aucune distinction ne soit faite entre les chambres d'hôtel de la Résidence Champs-Elysées II et celles attribuées aux actionnaires de la Résidence Champs-Elysées I, que le contrat de fourniture de services hôteliers par Elysées Gestion était commun aux deux résidences et que le personnel déclaré annuellement par la Résidence Champs-Elysées I s'apparentait davantage à un personnel de grand hôtel qu'au personnel chargé de l'entretien et du service d'une résidence à temps partagé, la cour d'appel en a justement déduit que la loi du 6 janvier 1986 n'était pas applicable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de chacun des pourvois, réunis :
Attendu que les associés font grief à l'arrêt de rejeter la demande de nullité de l'assemblée générale du 23 juin 1989, alors, selon le moyen, qu'il résulte du texte de la résolution de l'assemblée du 23 juin 1989, rappelé par l'arrêt attaqué, que l'associé se trouvait contraint de renoncer au droit de jouissance dont il était personnellement titulaire sur les immeubles de la société au profit de la société ; que cette situation consacrait un accroissement de ses engagements envers la société qui ne pouvait qu'être décidé à l'unanimité ; qu'en jugeant autrement, l'arrêt attaqué n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient nécessairement de ses constatations et a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1836 du Code civil et 153 de la loi du 24 juillet 1966 ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que la décision litigieuse, en supprimant le droit de jouissance des actionnaires n'avait fait que réduire leurs droits et que la modification de l'objet social, en faisant courir à la société des risques d'exploitation commerciale était susceptible d'augmenter les charges de cette dernière mais non celles des actionnaires qui restaient limitées à leur apport, la cour d'appel a pu en déduire que la décision n'aggravait pas les charges de ceux-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de chacun des pourvois, réunis :
Attendu que les associés minoritaires font grief à l'arrêt de rejeter la demande en annulation de la délibération du 23 juin 1989 pour abus de majorité, alors, selon le moyen, qu'il avait été constaté par les premiers juges que la situation financière de la société n'imposait pas une modification de l'objet social ; que l'arrêt attaqué ne pouvait en procédant par une simple affirmation s'abstenir de vérifier si la délibération ayant décidé de supprimer la mise à disposition de chaque associé des locaux de la société pour un temps déterminé et de substituer à l'objet social, défini par cette mise à disposition, la mise en valeur par la société de son patrimoine immobilier notamment par location n'avait pas eu pour but et pour résultat de favoriser l'associée majoritaire à laquelle un bail commercial, donnant droit à la propriété commerciale, était consenti, au détriment des minoritaires privés de leur droit de mise à disposition et ceci contrairement à la réalisation de l'objet social et donc à la poursuite de l'intérêt social ; que l'arrêt attaqué a ainsi entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que les décisions adoptées s'appliquaient à tous les actionnaires indistinctement et retenu qu'il s'agissait d'une décision de gestion et que la circonstance qu'un bail commercial ait été consenti au profit d'un associé majoritaire ne suffisait pas à caractériser un prétendu intérêt personnel constitutif d'abus, la cour d'appel a procédé à la recherche prétendument omise et a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.