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10/06/1997 | FRANCE | N°95-14767

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 juin 1997, 95-14767


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que par acte reçu par M. X..., notaire, M. Roquebrun a consenti aux consorts Page-Madrona un prêt de 500 000 francs, remboursable en 2 ans et assorti d'intérêts au taux de 20 % l'an ; que, entre autres garanties, était stipulée une promesse d'affectation hypothécaire d'un immeuble faisant l'objet d'une promesse d'achat signée par M. Madrona, non encore levée à la date du prêt mais dont le délai de réalisation était " verbalement accordé ", le promettant n'ayant pas encore fourni les pièces nécessaires à la rédaction de l'ac

te de vente ; que, 3 mois après la signature de l'acte de prêt les ...

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que par acte reçu par M. X..., notaire, M. Roquebrun a consenti aux consorts Page-Madrona un prêt de 500 000 francs, remboursable en 2 ans et assorti d'intérêts au taux de 20 % l'an ; que, entre autres garanties, était stipulée une promesse d'affectation hypothécaire d'un immeuble faisant l'objet d'une promesse d'achat signée par M. Madrona, non encore levée à la date du prêt mais dont le délai de réalisation était " verbalement accordé ", le promettant n'ayant pas encore fourni les pièces nécessaires à la rédaction de l'acte de vente ; que, 3 mois après la signature de l'acte de prêt les emprunteurs ne s'étant acquittés d'aucun paiement, M. Roquebrun leur a adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée à l'acte, lequel est demeuré sans effet ; que la caducité de la promesse d'achat n'a pas permis l'inscription d'hypothèque ; que se trouvant démuni de garantie efficace à l'encontre des emprunteurs, M. Roquebrun a reproché au notaire d'avoir manqué à son devoir de conseil en ne le mettant pas en garde contre le caractère hasardeux de la promesse d'affectation hypothécaire, et l'a assigné en réparation de son préjudice ; que M. X... a opposé qu'il avait appelé l'attention du prêteur sur la faiblesse des garanties offertes et que devant l'obstination de celui-ci il s'était ménagé la preuve du conseil donné par un écrit signé de M. Roquebrun ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. Roquebrun fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 février 1995) de l'avoir débouté de sa demande, alors de première part, qu'en estimant que le notaire n'était pas responsable de l'inefficacité de l'acte de prêt qu'il avait instrumenté, au motif qu'il s'était borné à rédiger cet acte entièrement négocié en dehors de lui, la cour d'appel aurait violé l'article 1382 du Code civil ; alors de deuxième part, qu'à supposer que l'acte sous seing privé du prêt ait été négocié pour le compte du prêteur par l'intermédiaire d'un professionnel avisé, le notaire instrumentaire n'était pas dispensé pour autant d'éclairer le prêteur sur les risques de l'acte authentique qu'il instrumentait ; qu'en estimant néanmoins que l'intervention de ce professionnel était de nature à décharger le notaire de la responsabilité qui lui incombait, la cour d'appel aurait violé le texte précité ; alors, de troisième part, que si le notaire a attiré l'attention de M. Roquebrun " sur la faiblesse " des garanties acceptées il ne l'a éclairé ni sur le caractère illusoire de ces garanties et le risque de passer l'acte sans la régularisation des garanties promises, ni sur l'inefficacité de l'acte de prêt eu égard au but poursuivi par les parties ; qu'en estimant néanmoins que le notaire avait satisfait à son devoir de conseil, la cour d'appel aurait à nouveau violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée au vu des conseils qu'aurait pu donner l'intermédiaire lors de la rédaction de l'acte sous seing privé, a retenu que si la mission du notaire avait été limitée à l'authentification des conventions que les parties avaient directement arrêtées entre elles, il était établi que celui-ci avait observé le devoir de conseil qui subsistait dans le cadre de cette authentification en appelant l'attention de M. Roquebrun sur la faiblesse des garanties acceptées ; qu'elle a relevé que la preuve de l'exécution de ce devoir de conseil résultait d'un acte, rédigé séparément de l'acte authentique, approuvé et signé par M. Roquebrun, se disant informé de la teneur des garanties, s'estimant suffisamment garanti par ces sûretés et déclarant en faire son affaire personnelle ; qu'elle a encore constaté que la rédaction de cet acte était intervenue avant la remise des fonds, dès lors que le prêteur y autorisait le notaire à les débloquer sans attendre la régularisation de l'acte d'affectation hypothécaire ; que de ces énonciations et constatations, elle a pu déduire que le notaire avait rempli son devoir de conseil ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses critiques ;

Sur le second moyen : (sans intérêt) ;

Et attendu que le pourvoi est abusif ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 95-14767
Date de la décision : 10/06/1997
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - Etendue - Mission limitée à l'authentification des conventions directement arrêtées entre les parties - Acceptation des risques par le client .

PRET - Prêt d'argent - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - Exonération - Acceptation des risques par le client - Acte séparé avant la remise des fonds - Prêteur se déclarant informé de la teneur des garanties

Justifie légalement sa décision au regard du devoir de conseil du notaire, lequel subsiste en dépit d'une mission limitée à l'authentification de conventions directement arrêtées entre parties, la cour d'appel qui retient qu'aux termes d'un acte séparé approuvé et signé avant la remise des fonds, le prêteur s'est déclaré informé de la teneur des garanties, s'est estimé suffisamment garanti par les sûretés dont il entendait faire son affaire personnelle, et a autorisé le notaire à débloquer le prêt sans attendre la régularisation de l'acte d'affectation hypothécaire.


Références :

Code civil 1382

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 février 1995

A RAPPROCHER : Chambre civile 1, 1982-01-12, Bulletin 1982, I, n° 15, p. 13 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 jui. 1997, pourvoi n°95-14767, Bull. civ. 1997 I N° 197 p. 131
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1997 I N° 197 p. 131

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : Mme Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Delaroche.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Ghestin, la SCP Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.14767
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