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06/02/1997 | FRANCE | N°95-83452

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 06 février 1997, 95-83452


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Sully,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 23 mai 1995, qui, pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, l'a condamné à une amende de 1 242 720 francs, à la confiscation en valeur de la marchandise, ainsi qu'au paiement d'une somme de 867 806 francs au titre des droits éludés.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 509 et 593 du Code de procédure pénale, 343-2, 396-4

et 377 bis du Code des douanes :
" en ce que l'arrêt attaqué infirmatif a re...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Sully,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 23 mai 1995, qui, pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, l'a condamné à une amende de 1 242 720 francs, à la confiscation en valeur de la marchandise, ainsi qu'au paiement d'une somme de 867 806 francs au titre des droits éludés.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 509 et 593 du Code de procédure pénale, 343-2, 396-4 et 377 bis du Code des douanes :
" en ce que l'arrêt attaqué infirmatif a reçu la Direction générale des Douanes et Droits indirects en son appel, déclaré Sully X... coupable d'importation non déclarée de marchandises prohibées et l'a condamné à payer à l'administration des Douanes une amende de 1 242 720 francs, et une somme de 1 242 720 francs au titre de la confiscation ;
" aux motifs que si, en application de l'article 509 du Code de procédure pénale, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant, cette qualité même, comme l'absence de toute disposition civile dans le jugement, permet d'interpréter la déclaration d'appel de la Direction des Douanes, déjà qualifiée à tort de partie civile dans le jugement, comme visant non les dispositions civiles comme indiqué dans l'acte, mais les dispositions douanières de celui-ci, sans que Sully X... ait pu se méprendre sur la portée de cet appel ;
" alors, d'une part, que l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant ; qu'il résulte de la déclaration d'appel de l'administration des Douanes, laquelle, parfaitement claire, ne souffrait aucune interprétation, que cette Administration, qui avait demandé la condamnation de Sully X... au paiement des droits fraudés et avait agi comme partie civile, avait limité son appel aux seules dispositions civiles du jugement ; qu'en remettant en cause les effets douaniers du jugement de relaxe, en déclarant Sully X... coupable d'importation sans déclaration et en le condamnant au paiement d'une amende proportionnelle et d'une somme au titre de la confiscation la cour d'appel a méconnu les limites de sa saisine, excédé ses pouvoirs et violé l'article 509 du Code de procédure pénale ;
" alors que, d'autre part, l'administration des Douanes agit en tant que partie civile lorsqu'elle demande, comme en l'espèce, la condamnation du prévenu au paiement des droits fraudés, demande de nature à réparer le préjudice subi directement et personnellement par le Trésor public du fait de la fraude douanière, que, par suite, l'Administration en cette qualité peut parfaitement limiter son appel aux seules dispositions civiles du jugement de condamnation ou de relaxe ; que l'arrêt attaqué qui a jugé le contraire a donc violé les textes précités ;
" alors, de surcroît, que l'administration des Douanes a demandé au tribunal correctionnel la condamnation de Sully X... au paiement des droits fraudés, demande de nature civile, qui a été rejetée par le tribunal, qu'ainsi le jugement attaqué contenait des dispositions civiles qui pouvaient faire l'objet d'un appel de la part de l'administration des Douanes ; qu'en jugeant le contraire la cour d'appel a violé les textes précités ;
" alors, enfin, que, en cas de contestation sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel, c'est au seul vu des actes d'appel qu'il appartient à la juridiction du second degré de se déterminer ; que la cour d'appel a expressément constaté que la déclaration d'appel de l'administration des Douanes était clairement limitée aux seules dispositions civiles du jugement attaqué ; qu'en jugeant néanmoins que cette Administration avait interjeté appel des dispositions douanières non visées par l'acte d'appel, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en application de l'article 509 du Code de procédure pénale l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant ; qu'en cas de contestation sur l'étendue de la saisine, c'est au seul vu des actes d'appel qu'il appartient à la juridiction du second degré, sous le contrôle de la Cour de Cassation, de se déterminer ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'à l'issue d'un contrôle a posteriori ayant fait apparaître dans les déclarations d'importation, par comparaison avec les factures d'achat, un manquant de 1 024 veaux sur un cheptel de 55 242 têtes, l'administration des Douanes a cité Sully X..., négociant en bestiaux, directement devant la juridiction correctionnelle, pour importation sans déclaration de marchandises prohibées, et a sollicité, sur le fondement des articles 38, 414, 423 et 377 bis du Code des douanes, la condamnation du prévenu au paiement d'une amende égale à la valeur de la marchandise, la confiscation en valeur de cette dernière ainsi que le paiement des droits compromis ;
Qu'estimant la prévention non suffisamment étayée, les premiers juges ont renvoyé Sully X... des fins de la poursuite et débouté l'administration des Douanes de ses demandes, y compris de celle tendant au paiement des droits éludés ;
Que l'administration des Douanes a interjeté appel de cette décision en précisant que son appel portait sur les " dispositions civiles " du jugement ;
Attendu que, pour écarter les conclusions du prévenu, qui soutenait que l'appel de l'Administration était limité à ces seules dispositions, et se déclarer saisie de l'action fiscale, la cour d'appel énonce que la qualité de l'appelant, comme l'absence de toute disposition civile dans la décision entreprise, permet d'interpréter la déclaration d'appel de l'Administration comme visant non les dispositions civiles, ainsi qu'il était indiqué dans l'acte enregistré au greffe, mais les dispositions douanières de ce jugement, sans que Sully X... ait pu se méprendre sur la portée de cet appel ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, à partir de considérations étrangères aux indications de l'acte d'appel, et alors que la demande en paiement des droits éludés, de nature civile, présentée en vertu de l'article 377 bis, alinéa 2, du Code des douanes, justifiait un éventuel cantonnement de l'appel de l'administration des Douanes, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe susvisé ;
Que, dès lors, la cassation est encourue de ce chef ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 377 bis du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, du règlement du Conseil CEE/805/68 du 27 juin 1968, article 39 du traité de la Communauté économique européenne du 15 mars 1957 :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Sully X... au paiement des sommes fraudées liquidées à la somme de 867 806 francs ;
" alors que, d'une part, il résulte des conclusions de Sully X... que ce dernier a contesté la façon dont l'administration des Douanes a calculé le montant des droits fraudés, et notamment l'applicabilité en l'espèce des prélèvements agricoles à l'importation prévus par le règlement du Conseil CEE/805/68 du 27 juin 1968 ; qu'en s'abstenant d'indiquer, ne fût-ce que succinctement, les modalités de calcul adoptées et au moins le texte applicable, la cour d'appel, qui n'a pas répondu aux conclusions du demandeur, n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;
" alors que, d'autre part, il ressort des conclusions de l'administration des Douanes que le montant auquel Sully X... a été condamné est la somme des droits de douane à 16 % de prélèvements agricoles à l'importation, et d'une TVA à 5,5 % ; que les prélèvements agricoles issus d'une réglementation spécifique à l'existence de l'Union européenne ne sont applicables que lorsque les produits importés sont extracommunautaires ; qu'il résulte tant des procès-verbaux de l'administration des Douanes que des mentions non contestées du jugement attaqué que les veaux que Sully X... aurait omis de déclarer proviennent de Grande-Bretagne, pays membre de l'Union européenne ; qu'en soumettant néanmoins lesdites importations au prélèvement agricole la cour d'appel a violé le principe précité et les textes susvisés " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier le dispositif ; que les juges doivent répondre aux chefs péremptoires de conclusions dont ils sont saisis ;
Attendu que, si le juge répressif peut, en application des alinéas 1 et 2 de l'article 377 bis du Code des douanes, ordonner le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues, il ne peut cependant prononcer ainsi que pour autant qu'il a recherché et déterminé ces droits avec exactitude ;
Attendu que l'administration des Douanes a sollicité, par conclusions, la condamnation de Sully X... au paiement d'une somme de 867 806 francs correspondant notamment aux prélèvements agricoles communautaires qu'elle estimait être dus ;
Que le prévenu a soutenu, pour sa part, qu'à les supposer établies les importations de veaux reprochées ne pouvaient, s'agissant d'expéditions faites à partir d'Etats de la Communauté européenne, être assujetties à de tels prélèvements applicables aux seules marchandises en provenance de pays tiers ;
Que, sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel se borne à énoncer qu'" en application de l'article 377 bis du Code des douanes, Sully X... doit être condamné au paiement des droits fraudés liquidés à la somme de 867 806 francs " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions du prévenu, la nature et le montant exact des droits exigibles sur des importations portant sur des bovins dont elle relevait elle-même qu'ils étaient originaires de la Communauté, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés et n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est derechef encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le deuxième moyen de cassation proposé :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Orléans, en date du 23 mai 1995, et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-83452
Date de la décision : 06/02/1997
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DOUANES - Procédure - Appel correctionnel - Appel de l'administration des Douanes - Acte d'appel limité aux dispositions civiles - Effet dévolutif - Limites.

1° APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Effet dévolutif - Limites - Acte d'appel - Appel de l'administration des Douanes - Acte d'appel limité aux dispositions civiles.

1° En application de l'article 509 du Code de procédure pénale, l'affaire est dévolue à la cour d'appel dans la limite fixée par l'acte d'appel et par la qualité de l'appelant. En cas de contestation sur l'étendue de la saisine, c'est au seul vu des actes d'appel qu'il appartient à la juridiction du second degré, sous le contrôle de la Cour de Cassation, de se déterminer(1). L'action pour l'application des sanctions fiscales exercée par l'administration des Douanes sur le fondement de l'article 343-2 du Code des douanes a le caractère d'une action publique qui est indépendante du droit d'obtenir le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues, que cette Administration tient de l'article 377 bis de ce Code et qui, seul, a le caractère d'une action civile(2). Méconnaît ces principes la cour d'appel qui, saisie de l'appel de l'administration des Douanes limité aux dispositions civiles d'un jugement, prononce sur l'action pour l'application des sanctions fiscales.

2° DOUANES - Peines - Paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues - Condamnation - Condition.

2° Si le juge répressif peut, en application des alinéas 1 et 2 de l'article 377 bis du Code des douanes, ordonner le paiement des sommes fraudées ou indûment obtenues(3). Il ne peut cependant prononcer ainsi que pour autant qu'il a recherché et déterminé ces droits avec exactitude(4).


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 509
Code des douanes 343-2, 377 bis
Code des douanes 377 bis al. 1, al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans (chambre correctionnelle), 23 mai 1995

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1992-05-14, Bulletin Chambre criminelle1992, n° 192, p. 531 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi), et les arrêts cités. CONFER : (1°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1995-05-11, Bulletin criminel 1995, n° 173, p. 481 (rejet), et les arrêts cités. CONFER : (2°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1993-06-14, Bulletin criminel 1993, n° 207, p. 519 (rejet et cassation partielle sans renvoi)

arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1996-06-20, Bulletin criminel 1996, n° 267 (2), p. 802 (rejet)

arrêt cité ;

Chambre criminelle, 1996-08-06, Bulletin criminel 1996, n° 304 (2), p. 917 (cassation partielle)

arrêt cité. CONFER : (2°). (4) A rapprocher : Chambre criminelle, 1994-10-27, Bulletin criminel 1994, n° 337, p. 823 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 06 fév. 1997, pourvoi n°95-83452, Bull. crim. criminel 1997 N° 52 p. 172
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1997 N° 52 p. 172

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Mordant de Massiac.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré et Xavier, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1997:95.83452
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