REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Paul, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, du 15 juin 1995, qui l'a débouté de ses demandes, après relaxe de Jacques Y... des chefs d'entrave à l'exercice du droit syndical et d'atteinte à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Paul X..., alors directeur intégration des services au sein de l'établissement de la Défense de la société anonyme Unisys, où il exerçait les fonctions de délégué syndical Force Ouvrière, a été licencié le 11 septembre 1992, avec effet au 13 décembre, après que son employeur eut obtenu l'autorisation de l'inspecteur du Travail ; que, pendant ce délai, le salarié a été élu en qualité de délégué du personnel suppléant ;
Attendu que, saisi sur recours hiérarchique, le ministre du Travail a, le 24 février 1993, annulé la décision administrative ; que l'intéressé ayant alors demandé sa réintégration, il lui a été proposé un emploi d'ingénieur technico-commercial dans l'établissement de Cergy-Pontoise de la société, qu'il a refusé le 14 mai 1993 ; que le 8 juin suivant, l'employeur a mis à sa disposition un bureau au centre de la défense, et, après un nouveau refus du salarié de rejoindre le poste susvisé, son licenciement individuel pour motif économique lui a été notifié le 29 novembre 1993, après autorisation administrative, confirmée sur recours hiérarchique ;
Attendu que Jean-Paul X... a fait citer directement Jacques Y..., président de la société Unisys, devant le tribunal correctionnel, des chefs d'entrave à l'exercice du droit syndical, pour lui avoir interdit l'accès à l'établissement de Nanterre après la décision ministérielle du 24 février 1993, et d'atteinte à l'exercice régulier des fonctions de délégué du personnel, pour avoir omis de le convoquer aux réunions des délégués du personnel des mois de mars, avril et mai 1993 ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 412-15, L. 481-2 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré non constitué le délit d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué syndical et ainsi débouté Jean-Paul X... de sa demande de constitution de partie civile ;
" aux motifs que les faits se seraient déroulés depuis le 12 mars 1993 (date de l'ordonnance de la formation de référé du conseil de prud'hommes), selon Jean-Paul X... ; alors que l'ordonnance a été signifiée à la société Unisys le 5 avril 1993 ; qu'aux termes de l'article L. 41-19, la réintégration peut se faire dans un emploi équivalent, seule possibilité en l'espèce, dès lors que le poste antérieurement occupé n'existait plus, ce que Jean-Paul X... n'a jamais contesté ; que la proposition pour réintégration intéressait l'établissement de Cergy, et fut à plusieurs reprises refusée par Jean-Paul X... ; que la confirmation de Jean-Paul X... dans la fonction de délégué syndical, sans précision de lieu, nonobstant la demande de précision émanant de la société, alors que, d'une part, " l'annulation d'une décision de l'inspecteur du Travail autorisant le licenciement d'un délégué syndical n'entraîne pas de plein droit la réintégration du délégué dans son mandat " et que, d'autre part, " seul un salarié travaillant dans un établissement peut être délégué syndical dudit établissement ", n'emportait pas obligation de laisser l'accès à l'établissement de Nanterre ; que la société Unisys ne saurait avoir violé l'article L. 412-18 du Code du travail en imposant à Jean-Paul X... une mutation contre son gré sur Cergy, dès lors que le texte appliqué est l'article L. 412-19 qui ne fait que procéder à un renvoi à l'article L. 412-18, pour définir ceux des personnels auxquels le régime de l'article L. 412-19 est applicable dans l'hypothèse énoncée qui est précisément celle de l'espèce ; que le délit reproché, censé avoir été commis à Nanterre, n'est par conséquent pas constitué et les faits ne peuvent avoir causé de préjudice à Jean-Paul X... ;
" alors, d'une part, que l'employeur ne peut se prévaloir d'un vice affectant la désignation d'un délégué syndical que dans le délai de 15 jours suivant cette désignation, au-delà duquel il ne saurait priver le délégué désigné du bénéfice de la protection légale qui lui est conférée ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la désignation de Jean-Paul X... ayant été effectuée par lettre du 26 mars 1993, la société Unisys n'a invoqué que par lettre du 21 avril 1993, soit plus de 15 jours plus tard, une absence de précision du lieu d'exercice du mandat ; que cette circonstance avait été expressément invoquée par Jean-Paul X... dans ses conclusions demeurées sur ce point sans réponse ; qu'en déduisant cependant d'un défaut de réponse à cette demande tardive la comptabilité de l'affectation de Jean-Paul X... à l'établissement de Cergy-Pontoise avec l'exercice de son mandat de délégué syndical, la Cour a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte des pièces de la procédure que le syndicat Force Ouvrière a expressément répondu par lettre recommandée du 27 avril 1993 avec accusé de réception à la demande de précision formulée par la société Unisys relativement au lieu d'exercice des fonctions de délégué syndical de Jean-Paul X... ; que l'existence de cette lettre produite aux débats avait été expressément invoquée par Jean-Paul X... dans ses conclusions ; qu'en affirmant, cependant, pour en déduire des conséquences de droit, que Force Ouvrière n'avait pas répondu à la lettre de demande de précisions du 21 avril 1993 émanant de la société Unisys, la Cour a violé les textes susvisés ;
" alors, enfin, que la contradiction entre les motifs de fait équivaut à leur absence ; qu'ayant relevé l'existence de " la confirmation de M. X... dans la fonction de délégué syndical " dont elle constate qu'il occupait antérieurement les fonctions de délégué syndical à l'établissement de la Défense de la société Unisys, les juges du fond n'ont pu sans contradiction affirmer que le syndicat Force Ouvrière n'avait pas précisé le lieu d'exercice du mandat conféré à Jean-Paul X... ; qu'en statuant, cependant, comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer non établi le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, la juridiction du second degré retient notamment qu'à la date où Jean-Paul X... a demandé sa réintégration, le poste qu'il occupait avant son licenciement n'existait plus et que, dès lors, la seule solution pour l'employeur consistait à lui proposer un emploi équivalent, en l'espèce dans un autre établissement de l'entreprise ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, procédant d'une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ;
Qu'en effet, si l'annulation, sur recours hiérarchique, d'une décision de l'inspecteur du Travail autorisant le licenciement d'un salarié mentionné à l'article L. 412-18 du Code du travail, emporte pour celui-ci le droit à réintégration dans son emploi, il résulte de l'article L. 412-19 du même Code que, lorsque cet emploi n'existe plus ou n'est pas vacant, l'employeur doit réintégrer l'intéressé dans un emploi équivalent ;
D'où il suit que le moyen, qui critique des motifs surabondants relatifs à la nouvelle désignation du salarié en qualité de délégué syndical, laquelle ne pouvait concerner un établissement dans lequel celui-ci n'avait pas été réintégré, ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 424-4, L. 425-3 et L. 482-1 du Code du travail, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale, défaut de réponse à conclusions :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques Y... non coupable du délit d'entrave à l'exercice des fonctions de délégué du personnel et a, en conséquence, débouté Jean-Paul X... de sa constitution de partie civile ;
" aux motifs qu'aux termes de l'article L. 424-4 du Code du travail, les délégués sont reçus collectivement par le chef d'établissement au moins 1 fois par mois ; que la convocation formelle à la réunion mensuelle n'est prévue par aucun texte au contraire des comités d'entreprise ou d'établissement qui sont réunis 1 fois par mois sur convocation ; qu'en l'espèce, l'élément légal de l'infraction en l'espèce un régime légal de convocation obligatoire n'existe pas ; qu'en outre, il n'est allégué aucun autre fait matériel qui aurait pu constituer une entrave et notamment une opposition, interdiction à l'entrée dans l'établissement ; que le délit reproché n'est pas établi et les faits ne peuvent avoir causé de préjudice à Jean-Paul X... ;
" alors, d'une part, que l'employeur est tenu d'organiser la réception mensuelle des délégués du personne, d'en fixer la date et de la leur faire connaître suffisamment à l'avance pour qu'ils soient mis en mesure de lui remettre éventuellement dans le délai de 2 jours ouvrables la précédant, une note exposant leurs demandes ; qu'en déduisant d'une absence de régime légal de convocation à la réunion mensuelle des délégués du personnel l'inexistence de l'élément légal de l'infraction invoquée par Jean-Paul X..., sans rechercher si l'employeur s'était conformé aux obligations qui découlent pour lui de l'organisation de la réunion mensuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que la cour d'appel s'est abstenue de répondre aux conclusions par lesquelles Jean-Paul X... faisait valoir que, par application de l'article L. 425-3 du Code du travail, il était rétabli de droit dans ses fonctions de délégué du personnel de l'établissement de la Défense au sein duquel il avait été élu, établissement dont la société Unisys ne lui a pas autorisé l'accès " ;
Attendu que la cour d'appel a déduit à tort l'absence d'atteinte à l'exercice des fonctions de délégué du personnel de l'inexistence d'un régime légal de convocation des délégués aux réunions mensuelles prévues par l'article L. 424-4 du Code du travail ;
Que, cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors que, contrairement à ce qui est allégué à la seconde branche du moyen, le salarié, qui n'avait pu, en vertu de l'article L. 425-3 du Code précité, être rétabli dans ses fonctions de délégué du personnel avant le 8 juin 1993, date à laquelle il a réintégré l'établissement de la Défense où il exerçait son mandat, ne saurait se faire un grief de ne pas avoir été convoqué aux réunions ayant eu lieu les 3 mois précédents ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.