Attendu que M. X... a été chargé d'une mission complète d'expert-comptable par la société l'Interlude pour les exercices allant du 1er juillet 1983 au 30 juin 1987 ; qu'il a été mis fin à sa mission le 14 septembre 1987 ; que M. X... a réclamé le paiement d'un solde d'honoraires de 100 585 francs qui lui a été refusé ; qu'il a engagé des poursuites ; que la société a de son côté réclamé le paiement de dommages-intérêts à M. X..., en raison du préjudice que lui avaient causé ses carences dans l'exercice de ses fonctions ; que l'arrêt attaqué l'a notamment condamné à payer à la société l'Interlude la somme de 1 419 480,66 francs à titre de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. X... et le premier moyen du pourvoi incident des Mutuelles du Mans :
Attendu que M. X... et les Mutuelles du Mans, son assureur, font grief à l'arrêt, après avoir rappelé les faits de la cause, de s'être contenté d'exposer les prétentions respectives des parties, sans faire le moindre état des moyens développés à l'appui, violant les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aucun texte ne détermine la forme dans laquelle la décision doit mentionner les moyens des parties ; qu'il suffit, en ce qui concerne M. X..., que cette mention résulte, comme en l'espèce, des motifs mêmes de la décision qui les analyse pour les réfuter point par point ;
Et attendu, en ce qui concerne les Mutuelles du Mans, que la cour d'appel a également satisfait aux exigences des textes susvisés, en exposant que les Mutuelles du Mans concluent au principal dans le même sens que leur assuré, renvoyant ainsi à l'exposé des moyens de ce dernier, et subsidiairement à ce qu'il soit dit que leur garantie soit limitée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le deuxième moyen du pourvoi incident :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir déclaré M. X... seul responsable du préjudice subi par sa cliente pour les pénalités encourues en raison de déclarations tardives, alors, selon le moyen, qu'il appartient à celui qui invoque la faute de l'expert-comptable d'en rapporter la preuve, et qu'en retenant la responsabilité de M. X... au motif qu'il ne rapportait pas la preuve des carences de sa cliente, alors que c'était à cette dernière, qui prétendait que le dépôt tardif des déclarations sociales et fiscales était imputable à M. X..., de justifier l'avoir mis en demeure de lui remettre les déclarations avant la date limite de dépôt, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, et violé l'article 1315 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir énoncé que le contribuable ne peut faire ses déclarations qu'autant que son expert-comptable lui a remis en temps utile les éléments nécessaires pour l'établissement desquels il est rémunéré, relève que M. X... soutenait que les retards dans l'exécution de sa mission avaient pour cause la carence de sa cliente qui ne lui avait pas remis à temps les éléments comptables qui lui étaient nécessaires ; qu'elle n'a pas inversé la charge de la preuve de cette allégation en constatant que M. X... ne la rapportait pas et qu'il lui appartenait, durant les quatre années pendant lesquelles il a exercé son office, d'exiger la remise en temps utile des pièces qui lui étaient nécessaires et de se démettre en cas de refus, ce qu'il n'a pas fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, dans la condamnation de M. X... au profit de la société Interlude, la cour d'appel intègre une somme de 597 045,24 francs, au titre de " l'existence d'un préjudice financier subi par la société l'Interlude du fait que la somme de 1 298 878,28 francs qu'elle aurait reçue à la vente de son fonds de commerce le 16 juillet 1987 a été séquestrée en raison du litige l'opposant à M. X..., ce qui est indéniable et découle directement de la faute commise par l'expert-comptable " ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la seule faute retenue par l'arrêt est la faute contractuelle de M. X... dans l'exercice de sa mission, et sans caractériser l'existence d'une faute délictuelle de M. X... dans l'exercice de son droit d'agir en justice pour le recouvrement de ses honoraires, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi principal ni sur la seconde branche du troisième moyen du pourvoi incident :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qui concerne la somme de 597 045,24 francs incluse dans la condamnation au paiement de la somme de 1 419 480,66 francs, l'arrêt rendu le 17 février 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.