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05/12/1996 | FRANCE | N°95-85319

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 décembre 1996, 95-85319


REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 15 septembre 1995, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, L. 228, R. 228-1 et R. 228-2 du Liv

re des procédures fiscales, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure ...

REJET du pourvoi formé par :
- X... Jean-Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 3e chambre, en date du 15 septembre 1995, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 10 000 francs d'amende, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, L. 228, R. 228-1 et R. 228-2 du Livre des procédures fiscales, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure, tirée de ce que la décision par laquelle le ministre chargé du Budget a saisi la Commission des infractions fiscales n'a pas été versée au dossier ;
" aux motifs que la Commission des infractions fiscales a été saisie le 23 décembre 1991 ; que Jean-Pierre X..., qui ne le conteste pas, en a été avisé par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 janvier 1992 ; que les prescriptions de l'article L. 228, alinéa 2, du Code des procédures fiscales ont été respectées, la production de l'acte de saisine de la commission n'étant nullement visée ; que, par ailleurs, l'avis rendu le 14 avril 1992 par la commission contient les indications permettant de connaître l'autorité qui l'a saisie, la date de cette saisine et l'identité de la personne mise en cause ; que la commission ne constitue pas un premier degré de juridiction ; que l'avis qu'elle donne n'a pour but que de limiter le pouvoir discrétionnaire du ministre d'engager des poursuites ; que cet avis n'a pas, aux termes de l'article R. 228-6, à être motivé ;
" alors que, l'avis conforme de la Commission des infractions fiscales constituant un préalable nécessaire à la mise en mouvement de l'action publique, la lettre du ministre qui, aux termes de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales, saisit ladite commission doit nécessairement être produite aux débats, afin d'attester de la régularité des poursuites ; qu'en estimant au contraire qu'aucun texte n'exigeait la production de l'acte de saisine de la commission la cour d'appel a violé le texte susvisé " ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la procédure soulevée par Jean-Pierre X..., prise de l'absence au dossier de la lettre du ministre du Budget saisissant la Commission des infractions fiscales, la cour d'appel énonce que les dispositions de l'article L. 228 du Livre des procédures fiscales, qui subordonnent la recevabilité des poursuites à la consultation de ladite commission et organise celle-ci, ne prescrivent pas, à peine de nullité, la production de cette lettre et que la régularité de la procédure est suffisamment établie, en l'espèce, par les mentions de l'avis rendu, précisant que la commission a été saisie par le ministre ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a, sans encourir les griefs allégués, justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, L. 228, R. 228-1 et R. 228-2 du Livre des procédures fiscales, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure, tirée de ce que l'avis de la Commission des infractions fiscales ne comporte aucune précision quant à la nature des délits, la date et le lieu de leur commission ;
" aux motifs que l'avis rendu le 14 avril 1992 par la commission contient les indications permettant de connaître l'autorité qui l'a saisie, la date de cette saisine et l'identité de la personne mise en cause (arrêt, page 4) ;
" alors que l'avis de la Commission des infractions fiscales déterminé, en vertu du principe de la saisine in rem, l'étendue des poursuites susceptibles d'être engagées à l'encontre d'un contribuable ; qu'ainsi, en se bornant à indiquer que l'avis rendu le 14 avril 1992 par la commission contient les indications permettant de connaître l'autorité qui l'a saisie, la date de cette saisine et l'identité de la personne mise en cause, pour en déduire que cet avis était régulier, sans répondre au chef péremptoire des conclusions du demandeur, qui faisait valoir que faute de contenir la moindre précision quant à la nature, la date et le lieu des délits imputés au contribuable, l'avis de la commission ne permettait pas de déterminer clairement le champ de compétence du juge répressif, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité tirée de ce que l'avis de la Commission des infractions fiscales ne mentionnait pas les délits reprochés et la date de leur commission, la cour d'appel énonce que ladite commission ayant pour seule mission de donner un avis sur l'opportunité des poursuites et n'étant pas un organe juridictionnel, il ne peut lui être fait grief de s'être limitée à prononcer en ce sens ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, et dès lors que les règles de compétence sont d'ordre public et que les juridictions correctionnelles sont seules habilitées pour prononcer, au terme d'un débat contradictoire, sur l'existence d'un délit, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, L. 64 du Livre des procédures fiscales, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Jean-Pierre X... coupable de s'être, en 1988 et 1989, frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement des droits d'enregistrement en souscrivant volontairement une déclaration de succession mensongère datée du 13 décembre 1988 et déposée le 13 janvier 1989 et un acte déguisé daté du 21 mars 1988 publié le 27 juin 1988, suite au décès de Paul X... le 18 juin 1988 ;
" aux motifs que Paul X... se trouvait depuis plus de 1 an en maison de santé lors de la conclusion des actes ; que son état de santé ne lui a pas permis de signer lesdits actes et qu'il a dû être fait appel à des témoins instrumentaires ; que les déclarations mêmes du prévenu à l'audience attestent de l'état de grande faiblesse de son oncle ; que les revenus immobiliers de M. X... étaient de 134 787 francs en 1987 et permettaient de subvenir au paiement de ses frais de séjour en maison de repos ; qu'il était très attaché à ses propriétés immobilières ; que la concomitance de la signature du compromis de vente de l'immeuble de Nohant Vic et de la constitution d'une rente viagère quelques jours plus tard pour un capital équivalent au prix de vente de l'immeuble montrent la volonté de transmettre à Jean-Pierre X... les biens de son oncle en évitant le paiement des impositions successorales ; qu'en effet, compte tenu de l'âge du crédirentier, de son état de santé, de la faiblesse du montant de la rente, l'aléa constitutif d'une constitution de rente viagère n'existait pas en l'espèce ; que les nécessités de conservation des immeubles qui étaient vétustes n'avaient d'intérêt que pour le débirentier et non pour le crédirentier dont les revenus étaient devenus inférieurs (108 000 francs, cumul des 2 rentes viagères) aux revenus immobiliers antérieurs (134 787 francs) ; que rien ne permet en l'état du dossier d'attester que ces revenus immobiliers étaient compromis ; qu'en tout état de cause la vente de la propriété de Y... Vic pouvait permettre des travaux d'amélioration de l'immeuble de Nantes et accroître les revenus de Paul X... ; que les conventions passées entre le prévenu et son oncle démontrent la volonté de se soustraire à l'établissement et au paiement de droits d'enregistrement sur l'actif successoral de Paul X... (arrêt, page 5) ;
" 1° Alors que dans ses conclusions d'appel (p. 13), le demandeur a expressément fait valoir que la survenance rapide du décès du crédirentier n'était pas de nature, à elle seule, à priver l'opération de tout aléa ni, par conséquent, à caractériser des présomptions graves, précises et concordantes, de nature à établir la fictivité de l'opération ; que dès lors, en affirmant péremptoirement que l'aléa afférent à la constitution de la rente viagère n'existant pas en l'espèce, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" 2° Alors que dans ses conclusions d'appel (p. 15), le demandeur a fait valoir qu'au jour de la régularisation des 2 rentes viagères, Paul X... n'était plus hospitalisé depuis 5 mois, ainsi qu'il résulte de l'avis adressé à l'intéressé le 10 décembre 1987, par la C.P.A.M. de Nantes ; qu'ainsi, en se déterminant par la circonstance que Paul X... était dans un état de grande faiblesse et se trouvait dans une maison de santé lors de la conclusion des actes litigieux, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions qui démontrait la parfaite lucidité du crédirentier, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Attendu que Jean-Pierre X... a été poursuivi du chef de fraude fiscale, sur le fondement de l'article 1741 du code général des impôts, pour s'être soustrait au paiement des droits afférents à la succession de son oncle ;
Attendu que, pour le déclarer coupable des faits visés à la prévention, la cour d'appel relève que le prévenu a organisé, peu de temps avant le décès de son oncle, le transfert de l'essentiel des actifs immobiliers de ce dernier, dont il était le légataire universel, sous le couvert de cessions réglées au moyen du versement de rentes viagères, dépourvues d'aléa ;
Que les juges ajoutent que les circonstances dans lesquelles ces cessions sont intervenues démontrent qu'il ne s'agissait que d'un artifice juridique pour s'assurer de ce patrimoine en franchise d'imposition ; qu'ils relèvent ainsi que tous les actes afférents à ces opérations ont été passés dans le même laps de temps et selon le même schéma, 3 semaines avant le décès de son parent, alors que ce dernier résidait dans une maison de santé et se trouvait dans un état tel que le notaire avait dû avoir recours à 2 infirmiers, en qualité de témoins instrumentaires, pour effectuer les opérations ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre le prévenu dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision ;
Que le moyen qui, sous le couvert d'un défaut de réponse à conclusions, se borne à remettre en cause l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-85319
Date de la décision : 05/12/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Action publique - Exercice - Commission des infractions fiscales - Avis favorable - Procédure administrative préalable - Production de la lettre du ministre du Budget saisissant la Commission des infractions fiscales - Absence - Nullité (non).

1° L'article L. 228 du Livre des procédures fiscales, qui subordonne la recevabilité des poursuites à la consultation de la Commission des infractions fiscales, ne prescrivant pas, à peine de nullité, la production de la lettre du ministre des Finances saisissant cette commission, la régularité de la procédure est suffisamment établie par les mentions de l'avis rendu, précisant que celle-ci a été saisie par ce ministre.

2° IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Action publique - Exercice - Commission des infractions fiscales - Avis favorable - Procédure administrative préalable - Qualification pénale des faits (non).

2° La Commission des infractions fiscales n'étant pas un organe juridictionnel mais une instance consultative destinée à donner un avis sur l'opportunité des poursuites, l'avis qu'elle rend n'a pas à préciser les délits reprochés et la date de leur commission.

3° IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Fraude fiscale - Eléments constitutifs - Elément matériel - Acquisition - avant décès - par l'héritier - sous couvert de rentes viagères - des biens immobiliers devant lui revenir.

3° Est constitutif du délit de fraude fiscale le fait, pour un héritier, dans le dessein d'échapper au paiement des droits de succession, d'acquérir peu de temps avant le décès de son testateur, sous le couvert de rentes viagères dépourvues d'aléa, l'essentiel des actifs immobiliers devant lui revenir.


Références :

1° :
2° :
3° :
CGI 1741
CGI Livre des procédures fiscales L228
CGI Livre des procédures fiscales L228, R228-1, R228-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 15 septembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 déc. 1996, pourvoi n°95-85319, Bull. crim. criminel 1996 N° 452 p. 1318
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 452 p. 1318

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Culié, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Dintilhac.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. de Mordant de Massiac.
Avocat(s) : Avocats : MM. Foussard, Guinard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.85319
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