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26/11/1996 | FRANCE | N°94-86016

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 novembre 1996, 94-86016


REJET des pourvois formés par :
- X... Jean-Claude,
- Y... Philippe,
- Z... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, du 25 octobre 1994, qui a condamné chacun des 2 premiers à 1 000 francs d'amende avec sursis, pour entrave à l'exercice du droit syndical, atteinte à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel et entrave au fonctionnement régulier du comité d'établissement, le troisième, pour ce dernier délit, à la même peine, et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de l

a connexité ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur ...

REJET des pourvois formés par :
- X... Jean-Claude,
- Y... Philippe,
- Z... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, du 25 octobre 1994, qui a condamné chacun des 2 premiers à 1 000 francs d'amende avec sursis, pour entrave à l'exercice du droit syndical, atteinte à l'exercice régulier des fonctions d'un délégué du personnel et entrave au fonctionnement régulier du comité d'établissement, le troisième, pour ce dernier délit, à la même peine, et qui a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 412-18, L. 425-1 et L. 436-1 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Jean-Claude X..., Philippe Y... et Pierre Z... coupables des infractions reprochées pour avoir procédé aux licenciements de 2 salariées protégées sans solliciter d'autorisation administrative préalable ;
" aux motifs que, si l'article 5 de l'annexe VI (livre VII) de la convention collective des entreprises de nettoyage permet aux représentants du personnel dont le mandat dépasse le cadre du marché repris (comme en l'espèce pour Mmes A... et B...) d'opter pour un maintien au sein de l'entreprise sortante à condition, notamment, que leur temps de travail accompli sur le marché repris n'excède pas 40 % de leur temps de travail total accompli pour le compte de cette société, cette convention ne règle pas le sort des représentants du personnel dont le temps de travail sur le marché repris excède 40 % (comme en l'espèce Mmes A... et B...) ; que Mmes A... et B... ont refusé le transfert de leur contrat de travail à GSF, entreprise entrante sur le chantier de nettoyage où elles étaient employées à 100 % par TFN jusqu'au 1er mai 1992 ; cette manifestation de volonté non équivoque ne permettait pas à l'employeur d'invoquer une rupture de leur contrat de travail de leur propre fait ; qu'en se prévalant cependant d'une telle rupture Jean-Claude X... et Philippe Y... ont procédé en réalité au licenciement de Mmes A... et B..., salariées protégées par leur statut de déléguées du personnel ou de déléguées syndicales ; qu'à défaut de manifestations de volonté non équivoques de Mmes A... et B... de donner leur démission, leur contrat de travail ne pouvait être rompu par Pierre Z... et Philippe Y... qu'à l'issue d'une procédure de licenciement nécessitant l'autorisation de l'inspecteur du Travail conformément aux dispositions d'ordre public des articles L. 412-18 et L. 425-1 du Code du travail ; que les licenciements de Mmes A... et B... par Pierre Z... et Philippe Y... sont intervenus après que l'inspecteur du Travail les eut avertis, à plusieurs reprises, de l'illégalité de ces licenciements ; que ces prévenus ont donc intentionnellement commis les délits qui leur sont reprochés et donc ils seront, par réformation de la décision déférée, déclarés coupables ; que compte tenu, toutefois, des fluctuations de l'interprétation de la législation, une application très modérée de la loi pénale leur sera faite ; que Pierre Z..., président du comité d'établissement, n'a pas, au mépris des dispositions de l'article L. 436-1 du Code du travail, sollicité l'avis de cet organisme sur le projet de licenciement de Mmes A... et B... ; qu'eu égard à ses fonctions il ne pouvait ignorer cette obligation ; que, par réformation de la décision déférée, il sera déclaré coupable du délit reproché, la Cour devant toutefois, sur le plan de la répression, lui accorder les plus larges circonstances atténuantes pour les mêmes raisons que celles exposées pour ses coprévenus ;
" 1° alors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que les 2 salariées, dont le temps de travail sur le marché repris était supérieur à 40 %, ne remplissaient pas les conditions posées par l'article 5 de l'annexe 7 à la convention collective des entreprises de nettoyage de locaux pour pouvoir bénéficier du droit d'opter pour un maintien au sein de l'entreprise sortante ; qu'ainsi le refus de poursuivre leur contrat de travail aux mêmes conditions avec l'entreprise entrante constituait, conformément aux articles 2, 4 et 5 de l'annexe 7, et nonobstant leur qualité de représentants du personnel, une rupture de leur propre fait du contrat de travail les liant à leur nouvel employeur ; qu'en considérant qu'aucune disposition conventionnelle n'aurait réglé le sort des représentants du personnel dont le temps de travail sur le marché repris excède 40 % d'où il conclut que la rupture de leur contrat doit s'analyser en un licenciement par l'employeur sortant, l'arrêt a dénaturé la convention collective applicable ;
" 2° alors que le transfert automatique du contrat de travail à l'employeur entrant entraîne la disparition du lien contractuel unissant le salarié à l'entreprise sortante ; qu'ainsi la rupture consécutive au refus par les salariés de poursuivre leur contrat avec le nouvel employeur ne pouvait en aucune façon être considérée comme imputable à l'ancien employeur ;
" 3° alors qu'en cas d'application volontaire de l'article L. 122-12 du Code du travail par voie conventionnelle à une situation non régie par ce texte, le transfert de plein droit des contrats de travail s'opère alors dans les mêmes conditions que si le texte était légalement applicable ; qu'ainsi se rend responsable de la rupture le salarié, fût-il représentant du personnel, qui refuse de poursuivre son contrat avec le nouvel employeur ; qu'en présence du transfert de plein droit des contrats résultant de l'application volontaire de l'article L. 122-12 à la perte d'un marché, la cour d'appel, qui a requalifié en licenciement la rupture consécutive au refus du transfert par 2 salariées protégées sans relever aucune circonstance (telle une modification des conditions de travail) susceptible de justifier une telle requalification, a privé sa décision de base légale ;
" 4° alors qu'il résulte des articles L. 412-18, L. 425-1 et L. 436-1 du Code du travail que la nécessité de respecter la procédure légale en cas de transfert d'un représentant du personnel s'impose seulement en cas de transfert partiel d'entreprise, entrant dans les prévisions de l'article L. 122-12 du Code du travail ; qu'ainsi, en présence de la seule perte d'un marché par l'entreprise, les dispositions légales précitées ne pouvaient constituer le fondement légal de l'infraction de non-respect de la procédure d'autorisation administrative de licenciement ;
" 5° alors que l'infraction résultant de la méconnaissance des dispositions du statut protecteur des représentants du personnel suppose que l'employeur ait volontairement porté atteinte à ladite législation ; qu'ainsi l'arrêt ne pouvait tout à la fois reconnaître les difficultés liées aux fluctuations d'interprétation de la législation et retenir que l'infraction était constituée " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, la société Technique française de nettoyage (TFN) ayant perdu un chantier au profit de la société GSF, 2 salariées de la première, investies de fonctions représentatives et occupées à temps complet sur le marché repris, ont refusé leur transfert dans l'entreprise chargée désormais de celui-ci ; qu'ayant considéré que ces salariées avaient ainsi rompu, de leur fait, leur contrat de travail, Jean-Claude X..., chef de l'agence locale de la société TFN, Philippe Y..., directeur du personnel, et Pierre Z..., directeur régional de cette société et président du comité d'établissement, ont été cités devant le tribunal correctionnel pour délits d'entrave, comme ayant procédé au licenciement des 2 intéressées sans respecter la procédure protectrice prévue par les articles L. 412-18, L. 425-1 et L. 436-1 du Code du travail ;
Attendu que, devant les juges du fond, les prévenus ont fait valoir qu'en vertu des dispositions de la convention collective nationale des entreprises de nettoyage de locaux, les contrats de travail des 2 salariées concernées avaient été transférés de plein droit à l'entreprise entrante et qu'ils avaient seulement, pour leur part, tiré les conséquences du refus opposé par les intéressées de poursuivre leur activité au sein de cette entreprise ;
Que, pour écarter cette argumentation et déclarer les prévenus coupables, la juridiction du second degré se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, mettant en évidence le caractère volontaire des agissements poursuivis, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet les dispositions législatives soumettant à l'avis préalable du comité d'entreprise ou à l'autorisation de l'inspecteur du Travail le licenciement des salariés investis de fonctions représentatives ont institué au profit de tels salariés, et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit, par suite, à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la résiliation du contrat de travail ; que les stipulations d'une convention collective ne sauraient faire obstacle à ces dispositions d'ordre public ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Représentation des salariés - Règles communes - Contrat de travail - Résiliation conventionnelle - Effet.

TRAVAIL - Représentation des salariés - Règles communes - Contrat de travail - Licenciement - Mesures spéciales - Caractère obligatoire - Effet

Les dispositions législatives soumettant à l'avis préalable du comité d'entreprise ou à l'autorisation de l'inspecteur du Travail le licenciement des salariés investis de fonctions représentatives ont institué au profit de tels salariés, et dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, une protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun qui interdit, par suite, à l'employeur de poursuivre par d'autres moyens la résiliation de leur contrat de travail. Les stipulations d'une convention collective ne sauraient faire obstacle à ces dispositions d'ordre public. (1).


Références :

Code du travail L412-8, L425-1, L436-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 25 octobre 1994

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1989-02-21, Bulletin criminel 1989, n° 86, p. 229 (cassation partielle), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 26 nov. 1996, pourvoi n°94-86016, Bull. crim. criminel 1996 N° 428 p. 1239
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 428 p. 1239
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Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Batut.
Avocat(s) : Avocats : M. Capron, la SCP Gatineau.

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 26/11/1996
Date de l'import : 14/10/2011

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 94-86016
Numéro NOR : JURITEXT000007067444 ?
Numéro d'affaire : 94-86016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1996-11-26;94.86016 ?
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