Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mars 1994), que Camille Y... est décédé en laissant un testament qui comporte la disposition suivante quant à la propriété rurale qui dépend de sa succession : " Je veux qu'après mon décès elle soit vendue et l'argent partagé. Et encore, pour éviter dans l'avenir le risque de partage, vous ne la vendrez pas à un exploitant, quand même serait-il de la famille, mais à un propriétaire citadin non exploitant. C'est ma volonté formelle. Ceux de mes enfants et petits-enfants qui la cultiveront en locataires seront tout aussi heureux... " ; que deux de ses petits-enfants, MM. Raymond et Daniel Y..., qui viennent à la succession en représentation de leur père prédécédé, ont demandé que la propriété, qui leur avait été donnée à bail rural, leur soit attribuée préférentiellement ; que l'arrêt attaqué a accueilli leur demande ;
Attendu que Mmes Yvonne X..., Madeleine Y... et Thérèse Y..., filles du défunt, reprochent à la cour d'appel d'avoir statué ainsi alors, selon le moyen, que, d'abord, les règles de l'attribution préférentielle doivent être écartées dès lors que la volonté du testateur s'y oppose sans équivoque en réglant le sort du bien de manière incompatible avec ladite attribution préférentielle ; qu'ainsi en se prononçant comme elle a fait après avoir constaté la volonté du défunt que son exploitation agricole soit vendue à un citadin non exploitant agricole, tiers par rapport à sa famille, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 832 du Code civil ; qu'ensuite la cour d'appel ne pouvait contrevenir à la volonté du défunt qu'après avoir constaté que l'exécution de celle-ci était impossible, de sorte qu'en se bornant à écarter les dispositions prises par Camille Y... au seul motif qu'elles seraient irréalistes la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du même texte ; qu'enfin, en l'espèce, la vente de l'immeuble conformément à la volonté du défunt était susceptible d'exécution par les soins de l'exécuteur testamentaire désigné par le testateur et, à défaut, par un mandataire ad hoc désigné par le juge ; qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé les articles 900 et suivants et 1134 du Code civil ;
Mais attendu que, par motifs propres et adoptés des premiers juges, la cour d'appel a constaté qu'à défaut d'un accord de tous les coïndivisaires pour consentir à la vente de la propriété, lequel apparaît irréaliste en l'état des oppositions existant entre eux, il ne pourrait être procédé qu'à une licitation dans le cadre de laquelle la volonté du défunt ne pourrait être imposée en raison de la liberté de se porter enchérisseur ; que dans l'exercice de son pouvoir souverain elle en a déduit que la volonté de Camille Y... de voir sa propriété vendue à un citadin non exploitant agricole se heurtait à une impossibilité matérielle ; qu'ainsi la cour d'appel, qui avait constaté la présence d'héritiers réservataires, de sorte que le testateur ne pouvait imposer la vente de son immeuble après sa mort afin que son prix soit partagé, a légalement justifié sa décision ; qu'en aucune de ses trois branches le moyen ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.