Attendu que Mme X... et M. Y... ont vécu en concubinage du 23 décembre 1982 au 23 décembre 1989 ; que M. Y... était propriétaire d'un fonds de commerce de café-bar à Château-du-Loir ; qu'à la suite de la séparation des concubins, Mme X..., prétendant avoir travaillé dans le fonds de M. Y..., a, après avoir formé une demande de paiement d'arriéré de salaires devant un conseil de prud'hommes, lequel s'est déclaré incompétent, l'existence d'un contrat de travail n'étant pas caractérisée, formé une demande tendant à faire constater l'existence d'une société de fait, et, subsidiairement, à obtenir la condamnation de M. Y... à lui payer une certaine somme sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté l'existence d'une société de fait alors, selon le moyen, que, d'une part, la cour d'appel n'a pas recherché si Mme X... avait participé sur pied d'égalité et avec volonté de partage des bénéfices aux investissements réalisés par M. Y..., privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles 1832 et 1871 du Code civil ; alors que, d'autre part, elle n'a pas recherché la part d'apport en industrie de Mme X... dans l'entretien et la restauration du patrimoine immobilier constitué par M. Y... avec les bénéfices communs, et qu'en se bornant à examiner, par des motifs dubitatifs, la seule participation de Mme X... dans l'exploitation du fonds de commerce, elle a à nouveau privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ; alors que, enfin, le devoir de cohérence interdit à une partie d'émettre des prétentions contradictoires, et que, M. Y... ayant soulevé l'incompétence du conseil de prud'hommes en raison de l'existence d'une société de fait entre lui et Mme X..., la juridiction de renvoi ne pouvait dès lors faire droit aux moyens de défense de M. Y... déniant l'existence d'une société de fait, sans violer l'article 1832 du Code civil ;
Mais attendu, sur les deux premières branches, que la cour d'appel, après avoir relevé qu'une société se caractérise avant tout par la volonté des intéressés de participer sur un pied d'égalité à l'exploitation commune avec l'intention de partager les bénéfices et, en cas de déficit, à supporter les pertes, constate que Mme X... n'apporte aucun élément de preuve en ce sens ; que, par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision sur ce point ;
Et attendu, sur la troisième branche, que, selon le jugement du conseil de prud'hommes, M. Y... " estime qu'au pire le différend qui l'oppose à Mme X... pourrait se résoudre dans le cadre d'une liquidation d'une société de fait entre concubins " ; que cette formule n'implique pas la reconnaissance par M. Y... de l'existence d'une telle société ; que le moyen manque dès lors en fait ;
D'où il suit qu'il ne saurait être accueilli en aucune de ses branches ;
Mais, sur le second moyen :
Vu l'article 1371 du Code civil et les principes qui régissent l'enrichissement sans cause ;
Attendu que, pour écarter la demande subsidiaire, rendue recevable par le rejet de la demande fondée sur l'existence d'un contrat de société, la cour d'appel retient que si Mme X... participait à l'exploitation du fonds en servant la clientèle, il n'est nullement certain que M. Y... aurait eu besoin sans elle d'un employé salarié, ni d'ailleurs qu'il n'en avait pas déjà, et qu'il est impossible d'affirmer l'étendue ni même le principe de l'appauvrissement de Mme X..., et que l'aide apportée à son concubin ne paraît pas avoir dépassé le cadre de la contribution aux charges du ménage ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la collaboration de Mme X... à l'exploitation du fonds de commerce sans rétribution, qui se distinguait d'une participation aux dépenses communes des concubins, impliquait par elle-même un appauvrissement de Mme X... et un enrichissement de M. Y..., la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur l'enrichissement sans cause, l'arrêt rendu le 8 novembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.