Attendu que, pour leur permettre d'exécuter les opérations d'acconage commandées par les armements, le Port autonome de Marseille met contractuellement à disposition des entreprises de manutention des grues manoeuvrées par son personnel ; que, le 20 janvier 1990, sans préavis, l'ensemble des grutiers a cessé le travail de 10 heures à 12 heures, puis de 17 heures à 20 heures ; que le Syndicat des entrepreneurs de manutention portuaire de Marseille et de Fos, la Société industrielle de trafic maritime et la Société moderne de transbordement, faisant valoir qu'ils ont dû rémunérer inutilement les dockers qui avaient été engagés pour ces périodes et qui avaient été réduits à l'inactivité, ont assigné le Port autonome en réparation de leurs préjudices ; que celui-ci, pour s'exonérer de sa responsabilité, a soutenu que ces grèves illicites constituaient un cas de force majeure ; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 février 1994) a retenu que l'interruption de travail des grutiers, survenue dans des conditions qui n'autorisaient aucune mesure utile pour en pallier les conséquences, présentait un caractère imprévisible et irrésistible de nature à mettre le Port dans l'impossibilité absolue d'exécuter ses obligations par l'effet d'une cause étrangère et a rejeté les demandes de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est reproché à la cour d'appel d'avoir violé par fausse application les articles 1134, 1137, 1147 et 1718 du Code civil et L. 521-3 du Code du travail en déchargeant le Port autonome des conséquences dommageables du non-respect du préavis dont, selon le moyen, l'obligation, instituée par la loi, s'incorporait à l'obligation de délivrance pesant sur le Port autonome au profit de ses cocontractants ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 521-3 du Code du travail, dont l'application au personnel du Port autonome n'est pas contestée, le préavis qui doit précéder la cessation concertée du travail des personnels émane d'une organisation syndicale ; qu'ainsi c'est à bon droit que la cour d'appel a relevé que l'obligation de donner préavis ne pesait pas sur le Port autonome ; qu'elle en a exactement déduit que les entreprises de manutention, avec lesquelles celui-ci contractait, ne pouvaient se prévaloir, à son égard, de l'absence d'un tel préavis ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est aussi fait grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle a fait alors, selon le moyen, qu'aux termes du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, " le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent " ; que la nécessité d'assurer la continuité du service public est garantie par l'exigence d'un préavis de grève ; que ce préavis n'est pas seulement une condition de licéité de la grève mais une condition de sa qualification ; que, dès lors, en analysant la cessation de travail non précédée d'un préavis comme une grève pouvant constituer un événement de force majeure de nature à exonérer le Port autonome de son obligation de délivrance, la cour d'appel a violé les articles 1137, 1147, 1134 du Code civil et L. 521-3 du Code du travail ;
Mais attendu que, s'abstenant de qualifier de grève la cause étrangère dont se prévalait le Port autonome pour s'exonérer de son obligation, la cour d'appel a, au contraire, retenu le caractère illégal du comportement des grutiers dont elle a relevé qu'ils avaient interrompu le travail subitement dans des conditions illicites au regard des dispositions de l'article L. 521-3 du Code du travail ; que le moyen manque donc en fait ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu qu'en retenant, par motifs propres, que les grutiers qui avaient travaillé en début de matinée et d'après-midi ont subitement, dans des conditions illicites, décidé de cesser leur activité pendant une courte durée n'autorisant aucune mesure utile pour pallier les conséquences de leur comportement et en constatant, par motifs adoptés, que le Port autonome était soucieux du respect des dispositions du Code du travail comme cela ressort des nombreuses mises en garde adressées tant au personnel qu'aux organisations syndicales leur demandant de respecter les préavis légaux, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées par la première branche du moyen ; que, contrairement à ce qu'allègue la deuxième branche, les juges du fond, à qui cela n'avait pas été demandé, n'étaient pas tenus de rechercher si le refus systématique du Port autonome d'agir contre les organisations syndicales n'était pas à l'origine du comportement illégal des grutiers ; qu'enfin, dès lors que la cour d'appel a justifié sa décision en retenant qu'il existait, en l'espèce, une cause étrangère au Port autonome l'exonérant des obligations contractées envers les entreprises de manutention concernées, le grief formé par la dernière branche est inopérant ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.