REJET du pourvoi formé par :
- X... Gérard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 18 mai 1995, qui, pour recel d'abus de biens sociaux, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement et à 5 ans d'interdiction des droits de vote, d'éligibilité et d'exercice d'une fonction publique.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 460 de l'ancien Code pénal, 321-1 du nouveau Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gérard X... coupable de recel d'abus de biens sociaux ;
" aux motifs que X..., fonctionnaire de l'Administration, a entrepris la construction d'une maison particulière à Sainte-Marie-en-Ré en 1989 (...) ; que pour le financement de sa construction, il misait sur la vente de sa précédente maison, sur un emprunt de 800 000 francs ; qu'il comptait également sur la vente d'une propriété rurale, mais aucun acquéreur ne se présentait ; que, manquant de fonds, il trouva dans les entreprises avec lesquelles il était d'ordinaire en contact professionnel des aides sous forme de libéralité ou de prêt sans intérêts et pour des durées indéfinies, lui permettant de terminer sa construction dont le coût fut estimé par expert à 2 200 000 francs environ ; que ces avantages n'ont pu lui être consentis que par la commission d'infractions relatives à la facturation mais encore par des abus de biens sociaux ; qu'ayant manifestement connu l'origine frauduleuse de ces sommes qui lui ont été consenties, Gérard X... doit être retenu dans les liens de la prévention de recel d'abus de biens sociaux ;
" alors, d'une part, que l'infraction de recel suppose la détention en toute connaissance de cause, de choses provenant d'un crime ou d'un délit ; qu'il résulte, en l'espèce, des éléments du débat que le prévenu a bénéficié de travaux exécutés à son profit par des entrepreneurs qui ont, par la suite, été réglés par des sociétés tierces ; que lesdits travaux n'ont pas constitué, en eux-mêmes, l'objet d'un délit et que seules les sommes remises ensuite pour en assurer le paiement ont pu avoir pour origine un délit d'abus de biens sociaux ; qu'ainsi, le prévenu, ayant bénéficié des travaux réalisés, indépendamment et avant tout délit, et n'ayant, par ailleurs, jamais matériellement détenu les sommes directement versées par les sociétés dont il s'agit aux entrepreneurs concernés, ne pouvait se voir reprocher un recel d'abus de biens sociaux ;
" alors, d'autre part, que lesdits travaux, consistant pour l'essentiel en des prestations de services, ne pouvaient, en toute hypothèse, constituer une "chose" susceptible de recel au sens du texte de répression qui doit recevoir une stricte application ;
" alors, enfin, que le recel suppose un élément moral caractérisé par la connaissance chez son auteur de l'origine frauduleuse de l'objet qu'il détient ; que la Cour d'appel ne caractérise pas cet élément moral en se bornant à affirmer que Gérard X... avait nécessairement connu l'origine frauduleuse des fonds remis en règlement des travaux, sans s'expliquer sur les circonstances dont se déduisait cette prétendue mauvaise foi du prévenu, qui a toujours soutenu penser pouvoir bénéficier de prêts dont le remboursement était garanti par sa qualité de fonctionnaire public et ignorer totalement que ces prêts pouvaient lui avoir été consentis au moyen d'un délit ; qu'ainsi, la Cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision " ;
Attendu que, pour déclarer Gérard X... coupable de recel des abus de biens sociaux commis au préjudice des sociétés Geto, Les Enrobés du Littoral, Castello et Wangner Assainissement, l'arrêt attaqué énonce que l'intéressé, technicien du génie rural à la direction départementale de l'agriculture à La Rochelle, a profité de ses relations professionnelles, empreintes de complaisance, avec les sociétés susvisées pour obtenir de leurs dirigeants qu'ils règlent, avec des fonds sociaux et à hauteur de 850 000 francs, des factures de travaux et de fournitures afférentes à la construction de sa maison particulière ; qu'il relève encore que Gérard X... est intervenu directement dans la mise en place des procédés employés et qu'il savait que les règlements seraient assurés par des ponctions dans les trésoreries des sociétés, appauvries du fait des agissements de leurs dirigeants ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit de recel du produit d'abus de biens sociaux, et dès lors que cette infraction n'implique pas nécessairement la détention matérielle des fonds recelés, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.