REJET du pourvoi formé par :
- X... Michel,
- Y... Sérena, épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, du 9 septembre 1994 qui, pour infraction au Code des douanes, les a condamnés à une amende de 380 000 francs et au paiement des droits éludés.
LA COUR,
Vu les mémoires en demande et en défense ;
Sur les faits :
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Michel et Sérena X..., importateurs de véhicules d'occasion, ont été cités devant la juridiction correctionnelle, par l'Administration, sur le fondement des articles 35, 414, 426-3 du Code des douanes, pour avoir, en minorant la valeur en douane de certains véhicules ou en simulant des transactions entre particuliers, éludé le paiement de la TVA afférente à des opérations d'importation, dont elle avait à l'époque le recouvrement ; que la société des transports Z..., par l'intermédiaire de laquelle ces opérations ont été réalisées, a été poursuivie comme solidairement responsable ;
Que, devant les juges du fond, les prévenus ont soulevé diverses exceptions de nullité de procédure et se sont inscrits en faux contre une pièce de l'enquête des Douanes ; que faisant droit à l'une des exceptions soulevées, prise d'une absence de citation du ministère public au soutien de celle des douanes, les premiers juges ont annulé la citation et renvoyé les douanes à se mieux pourvoir ; que sur appel de l'Administration les juges du second degré ont infirmé le jugement entrepris et évoqué ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation des prévenus et pris de la violation des articles 343, 399, 407, 426-3 et 414 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté le moyen tiré de la nullité des citations ;
" aux motifs que l'administration des Douanes tient de l'article 343, § 2, du Code des douanes le pouvoir d'exercer l'action pour l'application des sanctions fiscales ; qu'en l'espèce elle a agi dans les limites exactes de ce pouvoir légal, les citations délivrées aux prévenus ne tendant aucunement à l'application des peines ; que les mots " condamnation " ou " condamner " peuvent être utilisés aussi bien pour le prononcé de sanctions fiscales que de sanctions pénales et ne sont nullement réservés à ces dernières ; que l'action fiscale peut être exercée indépendamment de l'action publique, à laquelle elle n'est subordonnée d'aucune manière ;
" alors que l'administration des Douanes, partie poursuivante, exerçant l'action fiscale, ne peut, en l'absence d'une citation par le ministère public ou de comparution volontaire du prévenu, déclencher l'action publique en vue de l'application des peines en ce qui concerne une infraction douanière ; qu'en l'espèce il ressort de l'arrêt attaqué que sur la seule initiative de l'administration des Douanes, partie poursuivante, exerçant l'action fiscale, les prévenus ont été cités directement devant le tribunal correctionnel pour y répondre tant de l'action pénale afin d'obtenir la condamnation des prévenus, que de l'action fiscale ; qu'ainsi, le Tribunal n'a pas été valablement saisi ; que, par suite, la cour d'appel a méconnu l'article 343 du Code des douanes et a outrepassé sa saisine " ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité soulevée par les prévenus, tiré d'une mise en mouvement irrégulière de l'action publique, la cour d'appel énonce qu'en citant les époux X... devant la juridiction correctionnelle, en vue de leur condamnation aux sanctions fiscales prévues à l'article 414 du Code des douanes, l'Administration n'a fait qu'user d'un droit, qu'elle tient de la loi, dont la mise en oeuvre n'est nullement subordonnée à l'engagement préalable de poursuites par le ministère public ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a, contrairement à ce qui est allégué, fait l'exacte application des textes visés au moyen ;
Qu'en effet l'action pour l'application des sanctions fiscales, prévue à l'article 343-2 du Code des douanes et exercée à titre principal par l'Administration ou à titre accessoire par le ministère public, est indépendante de l'action pour l'application des peines, incombant au ministère public en vertu de l'article 343-1 de ce Code, et peut être engagée séparément par l'administration des Douanes lorsqu'elle n'a pas été mise en oeuvre par le ministère public, accessoirement à l'action publique ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 399, 407, 426-3 et 414 du Code des douanes, 550, 551 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté le moyen tiré de l'exception de nullité des citations ;
" aux motifs qu'il est vrai que les citations délivrées aux prévenus mentionnent inexactement que les faits qui sont l'objet de la poursuite résultant d'un procès-verbal de constat établi le 30 septembre 1992, alors que le procès-verbal servant de base à la poursuite exercée contre les époux X... a été établi en réalité le 28 septembre 1992, le procès-verbal de constat du 30 septembre 1992 concernant Pierre Z... ; que cette erreur matérielle de date cependant influence sur la validité de la citation, les époux X..., qui ont assisté à la rédaction du procès-verbal du 28 septembre 1992 et ont signé une déclaration incluse audit acte, selon laquelle ils refusaient de signer celui-ci, n'ayant pu en rien se méprendre sur la nature des faits qui leur étaient reprochés, alors qu'ils ne faisaient l'objet d'aucune autre procédure d'enquête diligentée par l'administration des Douanes et que celle-ci, commencée le 5 décembre 1991, avait duré 9 mois et comporté des auditions et des saisies de documents ; qu'au demeurant les époux X... n'indiquent pas en quoi l'erreur de date qu'ils invoquent a pu leur faire grief et porter atteinte aux droits de la défense ; que l'exception de nullité des citations soulevée par les époux X... sera donc écartée ;
" alors que tout prévenu doit être informé d'une manière détaillée de la nature de la cause de la prévention dont il est l'objet et doit, par suite, être mis en mesure de se défendre sur les divers chefs d'infraction qui lui sont imputés ; que doit être sanctionnée par la nullité la citation qui méconnaît les formes prévues par les articles 550 et suivants du Code de procédure pénale et porte atteinte aux intérêts de la personne qu'elle concerne ; que tel est le cas, en l'espèce, où les citations délivrées aux prévenus mentionnant inexactement que les faits qui sont l'objet de la poursuite résultent d'un procès-verbal de constat établi le 30 septembre 1992, alors que le procès-verbal servant de base à la poursuite exercée contre les demandeurs a été établi en réalité le 28 septembre 1992, le procès-verbal de constat du 30 septembre 1992 concernant M. Z... ; que ce procès-verbal ne saurait constituer le fondement des poursuites " ;
Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité des prévenus prise de l'existence, dans la citation délivrée, d'une référence inexacte à la date d'un des procès-verbaux, bases des poursuites, la cour d'appel relève que cette erreur, purement matérielle, a été sans conséquence sur l'exercice des droits de la défense, les prévenus ayant été parfaitement informés, lors de l'enquête, des faits qui leur étaient reprochés ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel, qui a souverainement apprécié, au vu des faits et circonstances de la procédure, si l'irrégularité dénoncée avait, en l'espèce, porté atteinte aux droits de la défense, a justifié sa décision ;
Que le moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 339, 340, alinéa 2, et 341 du Code des douanes, 593 et 646 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté le sursis à statuer fondé sur l'inscription de faux contre le procès-verbal des Douanes du 28 septembre 1992 ;
" aux motifs que les époux X... ont, le 27 septembre 1993, déposé au greffe du tribunal correctionnel de Bressuire une déclaration d'inscription de faux contre le procès-verbal des Douanes du 28 septembre 1992 ce qui démontre encore qu'ils avaient rectifié d'eux-mêmes la date erronée figurant sur la citation affirmant que Mme X..., contrairement à ce qui est mentionné au procès-verbal, n'était pas présente dans les locaux de l'entreprise lorsque les agents des Douanes s'y sont présentés et n'a donc pu se voir notifier ou restituer quoi que ce soit par les enquêteurs, alors qu'elle se trouvait chez son chirurgien-dentiste ; que l'article 339 du Code des douanes dispose que celui qui veut s'inscrire en faux contre un procès-verbal est tenu d'en faire déclaration au plus tard à l'audience indiquée par la sommation de comparaître devant le tribunal qui doit connaître de l'inscription de faux ; que, si l'article 340, alinéa 2, du même Code prévoit qu'il pourra être sursis au jugement de l'infraction, conformément à l'article 646 du Code de procédure pénale, jusqu'après le jugement de l'inscription de faux, il résulte de l'article 341 que, si l'inscription de faux n'a pas été faite dans le délai déterminé par l'article 339, " il est, sans y avoir aucun égard, procédé à l'instruction et au jugement de l'affaire " ; qu'en l'espèce, la déclaration d'inscription de faux aurait dû être faite au plus tard à l'audience du 29 juin 1993, indiquée sur la citation délivrée aux époux X...; qu'elle n'a été faite que le 27 septembre 1993 ; que certes, à l'audience du 29 juin 1993, le tribunal a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 28 septembre 1993, mais que cette remise de cause, qui ne concernait que le jugement de l'infraction poursuivie, n'emportait pas prorogation du délai impératif fixé par l'article 339 précité ; qu'ainsi, l'inscription de faux ayant été faite après l'expiration du délai légal, ne peut avoir effet sur le cours de l'instance principale et ne peut donc fonder la décision de sursis à statuer sollicitée par les époux X... ; qu'il y a lieu d'ajouter qu'alors que le procès-verbal en cause n'est que la récapitulation des actes auxquels ont procédé les enquêteurs et de leurs constatations et alors que d'autres procès-verbaux, non critiqués notamment ceux des 9 décembre 1991 et 19 décembre 1991, cotés D 5 et D 6 contiennent des éléments essentiels fondant la poursuite tels que les aveux de Mme X... et de son mari, alors, enfin, que les époux X... ne dénient pas avoir l'un et l'autre apposé leur signature au bas d'une déclaration, intégrée au procès-verbal litigieux, selon laquelle ils refusaient de signer l'acte signature d'où résulte la présence de Mme X... avant la clôture du procès-verbal la fausseté des mentions arguées de faux, à la supposer établie, ne serait pas de nature à détruire l'existence de la fraude à l'égard des inscrivants ; que, pour ce motif encore, il n'y a pas lieu de surseoir au jugement de l'infraction en ayant égard à l'inscription de faux ;
" alors que, d'une part, si l'inscription de faux contre les procès-verbaux en matière de douane doit être faite au plus tard à l'audience indiquée par la citation, ce principe souffre exception lorsque la partie a conclu à la nullité de la citation ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que les prévenus ont contesté la régularité des citations qui leur avaient été délivrées après avoir conclu à l'irrecevabilité de l'action de l'administration des Douanes ; que si la citation délivrée aux prévenus a été faite pour l'audience du 29 juin 1993, à cette audience, le tribunal a renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 28 septembre 1993 ; que cette remise de cause qui concernait l'examen des nullités soulevées emportait prorogation du délai fixé par l'article 339 du Code des douanes et pouvait fonder une décision de sursis à statuer ;
" alors que, d'autre part, et en tout état de cause, les prévenus soulignaient dans un chef péremptoire de leurs conclusions d'appel auxquelles la cour d'appel a omis de répondre que le procès-verbal du 28 septembre 1993 est entaché de faux matériel et intellectuel ; qu'en effet, Mme X... n'était présente ni lorsque les agents verbalisateurs se sont présentés au siège de l'entreprise, ni au cours de la rédaction du procès-verbal argué de faux ; que Mme X..., qui se rendait au cabinet du docteur A...pour y subir une importante intervention, n'a pu assister à la rédaction du procès-verbal susvisé et y apposer sa signature ; qu'ainsi, toutes les opérations se sont déroulées en l'absence de l'intéressée ; que l'inscription de faux était donc justifiée " ;
Attendu que, pour écarter les conclusions des prévenus tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur l'action publique, jusqu'à ce qu'il ait été prononcé sur l'inscription de faux qu'ils avaient formée contre une des pièces de la procédure, la cour d'appel énonce que, faute d'avoir été faite avant la date d'audience indiquée par la citation, soit le 29 juin 1993, cette inscription de faux devait être déclarée irrecevable comme tardive ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que les prévenus n'ont invoqué aucune impossibilité absolue de respecter les formalités prévues par l'article 339 du Code des douanes, la cour d'appel a justifié sa décision tant au regard des textes susvisés que celui de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Qu'en effet celui qui veut s'inscrire en faux contre le procès-verbal des Douanes est tenu d'en faire déclaration par écrit, en personne, ou par un fondé de pouvoir spécial passé devant notaire, au plus tard à l'audience indiquée par la sommation de comparaître devant le tribunal qui doit connaître de l'infraction ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 399, 407, 426-3 et 414 du Code des douanes et le règlement CEE 1224, 180, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables du délit douanier réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées ;
" aux motifs que les pièces saisies agendas, feuilles de papier récapitulant le montant des commissions dues à l'intermédiaire Léon B..., chemises des dossiers individuels de véhicules démontrent l'existence d'une différence entre le prix réel d'achat des véhicules et le prix déclaré en Douanes par la société Z... sur des indications des époux X... ; que ceux-ci, qui ont largement collaboré à l'enquête et remis spontanément nombre de documents prouvant la fraude, ont d'emblée reconnu avoir, dans un premier temps, minoré la valeur déclarée, dans un deuxième temps, utilisé de faux certificats de vente à des particuliers pour éluder le paiement de la TVA, en partie d'abord, en totalité dans la deuxième phase ; que cette fraude leur permettait en réalité de rémunérer leur intermédiaire Léon B... ; que les époux X... doivent donc être déclarés coupables de l'infraction de fausse déclaration de valeur à l'importation qui leur est reprochée, dès lors qu'ils ont l'un et l'autre participé à l'activité commerciale et à la fraude ;
" alors que l'infraction douanière réputée importation sans déclaration de marchandises prohibées suppose la mauvaise foi des prévenus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à affirmer leur culpabilité sans caractériser l'intention frauduleuse ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des faits visés à la prévention, la cour d'appel relève que l'examen des pièces comptables saisies démontre une différence entre le prix payé à l'étranger, pour l'acquisition des véhicules importés, et le prix mentionné dans les déclarations effectuées en douane par la société Z... sur les indications des époux X... ; que les juges ajoutent que ces derniers ont d'ailleurs reconnu, lors de l'enquête, avoir d'abord minoré la valeur, puis avoir choisi, par la suite, de simuler des opérations entre particuliers, pour éluder le paiement de la TVA ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que les prévenus ne démontraient ni même n'alléguaient avoir agi de bonne foi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'en effet, si en raison de l'abrogation de l'article 369-2° du Code des douanes qui interdisait d'excuser le contrevenant sur l'intention, le juge pénal peut désormais tenir compte de la bonne foi de celui-ci, il n'en demeure pas moins qu'il incombe à celui qui invoque cette cause d'exonération de responsabilité, d'en rapporter la preuve ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.