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06/03/1996 | FRANCE | N°94-14222

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 mars 1996, 94-14222


Attendu que le 7 janvier 1983, veille de son décès, Albert Y... a signé un ordre de retrait pour " sortie totale d'un compte titres " que sa banque a exécuté le 12 janvier 1983, en remettant à M. Z... Cercle les titres au porteur figurant sur le compte ; que les consorts X..., autres héritiers d'Albert Cercle, l'ont assigné afin qu'il rapporte la valeur de ces titres et qu'il lui soit fait application des peines du recel ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt attaqué, qui a accueilli les demandes de ses cohéritier

s, de n'avoir pas retenu que, comme il le prétendait, il avait reçu par...

Attendu que le 7 janvier 1983, veille de son décès, Albert Y... a signé un ordre de retrait pour " sortie totale d'un compte titres " que sa banque a exécuté le 12 janvier 1983, en remettant à M. Z... Cercle les titres au porteur figurant sur le compte ; que les consorts X..., autres héritiers d'Albert Cercle, l'ont assigné afin qu'il rapporte la valeur de ces titres et qu'il lui soit fait application des peines du recel ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt attaqué, qui a accueilli les demandes de ses cohéritiers, de n'avoir pas retenu que, comme il le prétendait, il avait reçu par don manuel les titres litigieux, alors, d'abord, selon le moyen, que la cour d'appel s'est contredite en énonçant à la fois que M. Jean Y... produisait un ordre de retrait pour sortie totale du compte titres donné par Albert Cercle à sa banque et qu'il n'établissait pas l'existence d'un mandat donné à celle-ci, ayant pu opérer la tradition des titres ; alors, ensuite, que la tradition par laquelle s'opère le don manuel peut être faite à un tiers chargé par le donateur de remettre l'objet au donataire et peut, notamment, être réalisée au moyen d'un virement de compte à compte, de sorte que la cour d'appel a violé l'article 894 du Code civil en retenant que l'ordre de retrait, donné au profit de M. Z... Cercle, ayant été adressé, par le donateur, la veille de son décès, il n'y avait pas eu remise matérielle de la chose ; alors, enfin, qu'en excluant l'existence d'un don manuel, sans rechercher si la banque, à laquelle Albert Y... avait donné l'ordre de virer au compte de M. Z... Cercle, n'était pas, en même temps, le mandataire de celui-ci, de sorte que la tradition opérant le don manuel se serait réalisée dès l'ordre adressé à la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du même texte ;

Mais attendu que le don manuel supposant une tradition antérieure au décès du donateur, la cour d'appel qui a constaté que le retrait des titres litigieux du compte d'Albert Y... n'a été opéré par la banque que postérieurement au décès de celui-ci, a retenu exactement que cette mise en possession tardive ne pouvait constituer un don manuel, sans être dès lors tenue de procéder à des recherches que sa décision rendait inopérantes ; qu'elle a, ainsi, sans se contredire, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut donc être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1153, alinéas 1 et 4, du Code civil ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal ; toutefois, le créancier auquel son débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance ;

Attendu que pour condamner M. Z... Cercle au paiement de dommages-intérêts complémentaires, outre le montant des intérêts moratoires sur la valeur des titres, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les consorts X... ont subi un préjudice résultant de l'impossibilité pour eux de profiter de la somme devant leur revenir et de donner à celle-ci l'affectation qu'ils souhaitaient ;

Attendu qu'en statuant par de tels motifs qui font état du seul préjudice né du simple retard, sans constater un préjudice indépendant de celui-ci, ni relever la mauvaise foi du débiteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. Z... Cercle à payer une somme de 30 000 francs en réparation du préjudice des consorts X..., l'arrêt rendu le 11 janvier 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 94-14222
Date de la décision : 06/03/1996
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

DONATION - Don manuel - Remise de la chose - Tradition - Titres au porteur - Retrait par la banque postérieurement au décès du donateur (non) .

DONATION - Don manuel - Remise de la chose - Tradition - Tradition antérieure au décès du donateur - Nécessité

Le don manuel supposant une tradition antérieure au décès du donateur, la cour d'appel qui a constaté que le retrait de titres au porteur du compte d'une personne, qui en avait donné l'ordre de son vivant, n'a été opéré par la banque que postérieurement au décès de celle-ci, a retenu exactement que cette mise en possession tardive ne pouvait constituer un don manuel au profit de celui à qui la banque les avait remis.


Références :

Code civil 1153 al. 1, al. 4

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 11 janvier 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 mar. 1996, pourvoi n°94-14222, Bull. civ. 1996 I N° 119 p. 85
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1996 I N° 119 p. 85

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Lemontey .
Avocat général : Avocat général : Mme Le Foyer de Costil.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Savatier.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Richard et Mandelkern, M. Copper-Royer.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:94.14222
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