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11/01/1996 | FRANCE | N°95-81776

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 janvier 1996, 95-81776


REJET des pourvois formés par :
- X... Georges,
- Y... Patrick,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 2 février 1995 qui a condamné, le premier, pour abus de biens sociaux, à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 300 000 francs d'amende et le second, pour complicité de ce délit, à 50 000 francs d'amende.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Georges X... et pris de la violation des articles 425- 4o de la loi du 24

juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base...

REJET des pourvois formés par :
- X... Georges,
- Y... Patrick,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 2 février 1995 qui a condamné, le premier, pour abus de biens sociaux, à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 300 000 francs d'amende et le second, pour complicité de ce délit, à 50 000 francs d'amende.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Georges X... et pris de la violation des articles 425- 4o de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Raymond X... coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la SARL Berdal Touristique ;
" aux motifs que l'existence de la caisse noire est établie ; qu'il résulte des opérations d'expertise que seuls 25 % des sommes dissimulées ont été utilisées pour faire face aux charges d'exploitation de l'établissement, le gérant, auquel les sommes ont été remises, ayant dès lors utilisé le solde à des fins personnelles ; que le gérant, en niant l'existence d'une caisse noire, s'interdit de justifier que les sommes détournées de la comptabilité ont été utilisées pour financer la trésorerie de la société ;
" alors, d'une part, que l'abus de biens sociaux n'est punissable que lorsque l'acte d'usage est contraire à l'intérêt social ; qu'il s'ensuit que la constitution d'une caisse noire ne peut être qualifiée d'abus de biens sociaux que si elle compromet l'intégrité de l'actif social, c'est-à-dire si les fonds sont détournés de la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate expressément que des fonds ont, notamment, été utilisés pour faire face aux charges d'exploitation de l'établissement, c'est-à-dire dans l'intérêt de la société ; que, dès lors, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que l'utilisation de mauvaise foi, à des fins personnelles, dans un intérêt contraire à la société, doit être démontrée par le ministère public, et ne peut être présumée ou déduit de l'absence de preuve contraire fournie par le prévenu ; qu'en se bornant à énoncer que 25 % des sommes dissimulées avait été, selon l'expert, utilisées pour faire face aux charges d'exploitation de l'établissement et que le solde avait " dès lors " été utilisé, à des fins personnelles, par le gérant qui était dans l'incapacité de justifier que les sommes détournées de la comptabilité avaient été utilisées pour financer la trésorerie de la société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu que, pour condamner pour abus de biens sociaux Georges X..., gérant de fait de la société Berdal Touristique, ayant pour objet l'exploitation d'un hôtel, les juges relèvent que, sur ses instructions, a été constituée une caisse noire alimentée par une partie des recettes du bar et du restaurant de l'établissement ; qu'ils énoncent que les sommes ainsi soustraites de la comptabilité, d'un montant de 1 200 000 francs environ, ont servi, dans la proportion de 25 %, à rémunérer des employés non déclarés et que, faute de justification de son emploi, le surplus, prélevé par le prévenu, a été utilisé par ce dernier à des fins personnelles ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, selon l'article 425, 4o, de la loi du 24 juillet 1966, s'il n'est pas justifié qu'ils ont été utilisés dans le seul intérêt de la société, les fonds sociaux, prélevés de manière occulte par un dirigeant social, l'ont nécessairement été dans son intérêt personnel ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Patrick Y... et pris de la violation des articles 60 du Code pénal abrogé, 121-7 du Code pénal, 425- 4o de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick Y... coupable de complicité du délit d'abus de biens sociaux au préjudice de la SARL Berdal Touristique, reproché à Raymond X... ;
" aux motifs que l'existence d'une caisse noire est reconnue par le prévenu ; que les ordres de l'employeur ne peuvent être considérés comme constitutifs d'une contrainte morale ; que Patrick Y... a déclaré, au cours de l'enquête et de l'information, que Raymond X... utilisait, à sa connaissance, une partie des sommes à des fins étrangères au fonctionnement de la société ;
" alors, d'une part, que la comptabilité suppose l'existence d'un fait principal punissable qualifié crime ou délit ; qu'en l'espèce le délit d'abus de biens sociaux reproché à Raymond X... supposait des actes d'usage contraire à l'intérêt social ; que la cour d'appel qui, ayant estimé démontrée l'existence d'une caisse noire, a constaté qu'une partie des fonds ayant transité par cette caisse servait à faire face aux charges d'exploitation de la société (c'est-à-dire étaient utilisés dans l'intérêt social) et qui s'est bornée à présumer que le solde avait " dès lors " été utilisé par M. X... à des fins personnelles, et à déduire cette prétendue utilisation personnelle d'une incapacité du gérant, lequel ne rapportait pas la charge de cette preuve, à démontrer l'utilisation de la totalité des sommes pour financer la trésorerie de la société, n'a pas établi, à l'encontre de l'auteur principal, des faits d'usage à des fins personnelles et dans un but contraire à l'intérêt de la société ; qu'il s'ensuit que, faute d'avoir caractérisé le délit principal d'abus de biens sociaux, la cour d'appel ne pouvait condamner Patrick Y... pour complicité de ce délit ;
" alors, d'autre part, que l'élément intentionnel du délit de complicité doit être apprécié au moment des faits ; qu'en se bornant à énoncer que Patrick Y... avait, au cours de l'enquête et de l'information, émis l'avis que M. X... pouvait avoir utilisé une partie des sommes à des fins étrangères au fonctionnement de la société, sans caractériser, à l'encontre de Patrick Y..., une participation consciente et volontaire, au moment des faits soit en 1985 et 1986, au délit reproché à Raymond X..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
" alors, enfin, que les faits reprochés à Raymond X... se situent, selon la prévention, " courant 1985 et jusqu'en septembre 1986 ", tandis que les faits de complicité reprochés à Patrick Y... auraient eu lieu, selon la prévention, " courant 1984, 1985 et jusqu'en septembre 1986 " ; qu'en omettant de préciser en quoi Patrick Y... se serait, en 1984, rendu coupable de complicité d'un délit commis en 1985 et 1986, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ".
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, la complicité du délit d'abus de biens sociaux dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et circonstances de la cause ainsi que de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 95-81776
Date de la décision : 11/01/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

SOCIETE - Société à responsabilité limitée - Abus de biens sociaux - Eléments constitutifs - Intérêt personnel du dirigeant - Preuve.

S'il n'est pas justifié qu'ils ont été utilisés dans le seul intérêt de la société, les fonds sociaux, prélevés de manière occulte par un dirigeant social, l'ont nécessairement été dans son intérêt personnel.


Références :

Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 425,4°

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France (chambre correctionnelle), 02 février 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jan. 1996, pourvoi n°95-81776, Bull. crim. criminel 1996 N° 21 p. 51
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1996 N° 21 p. 51

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Amiel.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Schumacher.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1996:95.81776
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