Sur le moyen unique :
Vu l'article 67 du décret-loi du 29 juillet 1939 ;
Attendu que, selon ce texte, le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession ; que ce droit est déterminé selon la loi applicable au jour de l'ouverture de cette succession ;
Attendu que, le 30 octobre 1965, les époux B... ont cédé l'exploitation agricole qu'ils mettaient en valeur avec la participation d'une de leur fille, à M. X... qui épousait celle-ci ; qu'Albert A... est décédé le 13 novembre 1967 et Jeanne C..., le 1er janvier 1985 ; qu'au cours des opérations de liquidation et de partage de leurs successions, Mme X... a demandé le bénéfice d'un salaire différé ; que, pour soutenir que son montant devait être calculé pour moitié selon les dispositions de la loi du 4 juillet 1980, modifiant le décret-loi du 29 juillet 1939, applicable lors de l'ouverture de la succession de sa mère, elle a allégué que celle-ci était coexploitante ; que ses cohéritières, Mmes Z... et Y... ont, au contraire soutenu que le calcul de la créance devait obéir aux règles applicables au jour de l'ouverture de la succession de leur père ; que l'arrêt attaqué a fait droit à la demande de Mme X... ;
Attendu que pour statuer ainsi, la cour d'appel, après avoir retenu que Jeanne C... était coexploitante avec son mari, a relevé que Mme X... a droit de faire valoir une créance de salaire différé sur la succession de sa mère sur la base de la loi de 1980 ; qu'elle a aussi énoncé " qu'en présence de deux époux coexploitants, la créance de salaire différé du descendant se divise par moitié, chacune étant calculée selon les modalités en vigueur au jour du décès de chacun des époux " ;
Attendu cependant que, bien que la cour d'appel ait retenu que les deux parents de Mme X... étaient coexploitants, celle-ci était réputée bénéficiaire d'un seul contrat de travail à salaire différé pour sa participation à l'exploitation ; que si elle pouvait exercer son droit de créance sur l'une ou sur l'autre des successions de ses parents, il convenait, pour en déterminer le montant, de se placer à la date où cette créance était née, c'est à dire au jour de l'ouverture de la première des successions, et d'appliquer les dispositions des textes alors en vigueur ; que, dès lors, en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mars 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.