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12/04/1995 | FRANCE | N°93-10982

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 12 avril 1995, 93-10982


Sur le moyen unique :

Attendu qu'à la suite de son licenciement, M. X... a attrait son employeur, la Société d'exploitation des établissements Soprinal, devant le conseil de prud'hommes de Grasse ; qu'au cours de cette instance, il a saisi le président du tribunal de grande instance de cette localité d'une requête aux fins de voir désigner un huissier de justice pour se rendre dans les locaux de la société et se faire remettre différentes pièces ; que cette requête ayant été accueillie par ordonnance du 5 juillet 1989, l'employeur a assigné le salarié devant le préside

nt du tribunal de grande instance de Grasse pour obtenir la rétractatio...

Sur le moyen unique :

Attendu qu'à la suite de son licenciement, M. X... a attrait son employeur, la Société d'exploitation des établissements Soprinal, devant le conseil de prud'hommes de Grasse ; qu'au cours de cette instance, il a saisi le président du tribunal de grande instance de cette localité d'une requête aux fins de voir désigner un huissier de justice pour se rendre dans les locaux de la société et se faire remettre différentes pièces ; que cette requête ayant été accueillie par ordonnance du 5 juillet 1989, l'employeur a assigné le salarié devant le président du tribunal de grande instance de Grasse pour obtenir la rétractation de cette ordonnance, la nullité des constatations effectuées par l'huissier, la destruction du procès-verbal de constat, la restitution des documents et l'interdiction de les utiliser ; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 octobre 1992) a dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance précitée ;

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en rétractation de l'ordonnance du 5 juillet 1989, alors, selon le moyen, que la production forcée, dans une instance en cours, de pièces détenues par une partie, est régie par une procédure spécifique selon laquelle cette production peut être ordonnée sur la requête de l'autre partie par le juge saisi au fond de l'affaire, ou d'office par le conseiller rapporteur, s'agissant d'une instance prud'homale ; qu'en l'état d'une procédure introduite devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel n'était pas fondée à confirmer l'ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance ayant autorisé une partie à obtenir non contradictoirement la production de pièces, sans violer les articles 11 et 142 du nouveau Code de procédure civile et R. 516-23 du Code du travail ; alors, en outre, qu'en vertu de l'article 812 du nouveau Code de procédure civile, les demandes sur requête afférentes à une instance en cours doivent être présentées au juge déjà saisi ; qu'ainsi, la compétence du président du tribunal de grande instance est limitée aux seules affaires en cours devant le tribunal de grande instance, qu'en l'état, la cour d'appel qui constate la compétence du président du tribunal de grande instance pour une affaire dont le juge prud'homal avait antérieurement été saisi, a violé les dispositions du texte susvisé ; alors, enfin, qu'en vertu de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa correspondance ; que la cour d'appel, en confirmant l'ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance ayant refusé de rétracter une précédente ordonnance qui avait autorisé non contradictoirement la saisie dans les locaux de la société de correspondances commerciales, a dès lors violé le texte susvisé ;

Mais attendu, d'abord, que le président du conseil de prud'hommes n'ayant pas compétence pour statuer par ordonnance sur requête et le conseiller rapporteur n'ayant pas reçu le pouvoir de se faire remettre des pièces contre le gré de leur détenteur, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que le président du tribunal de grande instance était compétent pour ordonner conformément à l'article 812, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile la production de pièces destinées à une instance prud'homale ;

Attendu, ensuite, qu'en application de l'article 8.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la correspondance, dans la mesure où cette ingérence est prévue par la loi et constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est notamment nécessaire à la protection des droits d'autrui ; que le président du tribunal de grande instance tenant des articles 142 et 812 du nouveau Code de procédure civile le pouvoir d'ordonner la production d'un élément de preuve détenu par une partie, la cour d'appel a pu, sans violer l'article 8.1 de la Convention précitée, ordonner la production des pièces litigieuses en vue de permettre au salarié de faire valoir ses droits dans le litige l'opposant à son employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 93-10982
Date de la décision : 12/04/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

PRUD'HOMMES - Procédure - Pièces - Production - Pièces détenues par une partie - Production ordonnée par le juge - Compétence du président du tribunal de grande instance .

PRUD'HOMMES - Procédure - Président du conseil - Pouvoirs - Ordonnance sur requête (non)

PRUD'HOMMES - Procédure - Conseiller rapporteur - Mesures d'instruction - Production de documents par les parties - Production contre le gré du détenteur - Impossibilité

PRUD'HOMMES - Procédure - Conseiller rapporteur - Pouvoirs

PROCEDURE CIVILE - Ordonnance sur requête - Sauvegarde des droits d'une partie ou d'un tiers - Mesure exigeant la non-contradiction - Production de pièces destinées à une instance prud'homale - Compétence du président du tribunal de grande instance

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Interprétation - Article 8.2 - Respect de la correspondance - Atteinte - Ingérence d'une autorité publique prévue par la loi - Production de pièces détenues par une partie - Pouvoirs du président du tribunal de grande instance

En l'absence de dispositions spécifiques du nouveau Code de procédure civile, le président du conseil de prud'hommes n'ayant pas compétence pour statuer par ordonnance sur requête et le conseiller rapporteur n'ayant pas le pouvoir de se faire remettre des pièces contre le gré de leur détenteur, le président du tribunal de grande instance est compétent pour ordonner la production de pièces destinées à une instance prud'homale conformément à l'article 812, alinéa 2, du même Code. En application de l'article 8.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit du respect de la correspondance, dans la mesure où cette ingérence est prévue par la loi et constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est notamment nécessaire à la protection des droits d'autrui. Le président du tribunal de grande instance tenant des articles 142 et 812 du nouveau Code de procédure civile le pouvoir d'ordonner la production d'un élément de preuve détenu par une partie, la cour d'appel a pu, sans violer l'article 8.1 de la Convention précitée, ordonner la production par l'employeur au salarié de pièces en vue de permettre à celui-ci de faire valoir ses droits dans un litige prud'homal.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8.2
nouveau Code de procédure civile 142, 812 al. 2

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 octobre 1992


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 12 avr. 1995, pourvoi n°93-10982, Bull. civ. 1995 V N° 134 p. 97
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1995 V N° 134 p. 97

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Kuhnmunch .
Avocat général : Avocat général : M. Martin.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Merlin.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Lesourd et Baudin, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1995:93.10982
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