Sur le moyen unique :
Attendu qu'à la suite de son licenciement, M. X... a attrait son employeur, la Société d'exploitation des établissements Soprinal, devant le conseil de prud'hommes de Grasse ; qu'au cours de cette instance, il a saisi le président du tribunal de grande instance de cette localité d'une requête aux fins de voir désigner un huissier de justice pour se rendre dans les locaux de la société et se faire remettre différentes pièces ; que cette requête ayant été accueillie par ordonnance du 5 juillet 1989, l'employeur a assigné le salarié devant le président du tribunal de grande instance de Grasse pour obtenir la rétractation de cette ordonnance, la nullité des constatations effectuées par l'huissier, la destruction du procès-verbal de constat, la restitution des documents et l'interdiction de les utiliser ; que l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 octobre 1992) a dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance précitée ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en rétractation de l'ordonnance du 5 juillet 1989, alors, selon le moyen, que la production forcée, dans une instance en cours, de pièces détenues par une partie, est régie par une procédure spécifique selon laquelle cette production peut être ordonnée sur la requête de l'autre partie par le juge saisi au fond de l'affaire, ou d'office par le conseiller rapporteur, s'agissant d'une instance prud'homale ; qu'en l'état d'une procédure introduite devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel n'était pas fondée à confirmer l'ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance ayant autorisé une partie à obtenir non contradictoirement la production de pièces, sans violer les articles 11 et 142 du nouveau Code de procédure civile et R. 516-23 du Code du travail ; alors, en outre, qu'en vertu de l'article 812 du nouveau Code de procédure civile, les demandes sur requête afférentes à une instance en cours doivent être présentées au juge déjà saisi ; qu'ainsi, la compétence du président du tribunal de grande instance est limitée aux seules affaires en cours devant le tribunal de grande instance, qu'en l'état, la cour d'appel qui constate la compétence du président du tribunal de grande instance pour une affaire dont le juge prud'homal avait antérieurement été saisi, a violé les dispositions du texte susvisé ; alors, enfin, qu'en vertu de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de sa correspondance ; que la cour d'appel, en confirmant l'ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance ayant refusé de rétracter une précédente ordonnance qui avait autorisé non contradictoirement la saisie dans les locaux de la société de correspondances commerciales, a dès lors violé le texte susvisé ;
Mais attendu, d'abord, que le président du conseil de prud'hommes n'ayant pas compétence pour statuer par ordonnance sur requête et le conseiller rapporteur n'ayant pas reçu le pouvoir de se faire remettre des pièces contre le gré de leur détenteur, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que le président du tribunal de grande instance était compétent pour ordonner conformément à l'article 812, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile la production de pièces destinées à une instance prud'homale ;
Attendu, ensuite, qu'en application de l'article 8.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la correspondance, dans la mesure où cette ingérence est prévue par la loi et constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est notamment nécessaire à la protection des droits d'autrui ; que le président du tribunal de grande instance tenant des articles 142 et 812 du nouveau Code de procédure civile le pouvoir d'ordonner la production d'un élément de preuve détenu par une partie, la cour d'appel a pu, sans violer l'article 8.1 de la Convention précitée, ordonner la production des pièces litigieuses en vue de permettre au salarié de faire valoir ses droits dans le litige l'opposant à son employeur ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.