CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI sur le pourvoi formé par :
- la société d'assurances Mutuelles Unies Axa, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, du 30 septembre 1993 qui, dans les poursuites exercées contre Thierry X... définitivement condamné notamment du chef de blessures involontaires sur la personne de Patrick Y..., a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu les mémoires en demande et en défense ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 1153, 1382 du Code civil, 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné in solidum Thierry X... et la compagnie Axa Assurances à verser à l'agent judiciaire du Trésor public la somme de 641 840, 95 francs et dit que sur cette somme, 104 662 francs porteront intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 1988 et à compter du 18 octobre 1990 pour le surplus ;
" aux motifs que la Cour trouve au dossier les éléments suffisants d'appréciation pour condamner in solidum Thierry X... et la compagnie d'assurances " les Mutuelles Unies Axa " à payer en deniers et quittances à M. l'agent judiciaire du Trésor public :
" salaires versés du 12 janvier 1986 au 30 juin 1989 135 659, 34 francs " prestations pour tierce personne 28 411, 83 francs " capital représentatif d'une rente d'Etat, par application de l'ordonnance no 59-76 du 7 janvier 1959 477 769, 78 francs soit au total 641 840, 95 francs
" que cette somme pour l'application des intérêts de droit se distingue :
" 104 662 francs à compter du jour de la demande le 21 janvier 1988,
" le surplus à compter du 18 octobre 1990 ;
" alors que la cour d'appel ne pouvait, sans violer les textes visés au moyen accorder à l'agent judiciaire du Trésor public des intérêts légaux sur des sommes non encore versées à la victime " ;
Attendu qu'après avoir évalué à 641 840, 95 francs le montant des sommes dues au Trésor public, exerçant son recours en remboursement des prestations servies à la partie civile, agent de l'Etat, la cour d'appel a fixé le cours des intérêts légaux de cette créance à compter du jour de la demande ;
Attendu qu'il est vainement fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi accordé au Trésor public des intérêts sur des sommes non encore versées à la victime, à savoir le capital représentatif d'une rente ;
Qu'en effet, il résulte des dispositions de l'article 1- III de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 que la créance de l'Etat, poursuivant le remboursement des arrérages des pensions ou rentes ayant fait l'objet d'une concession définitive, est constituée par le capital représentatif de ces prestations à échéances successives et qu'ainsi, née et déterminée dans son montant antérieurement à la décision qui se borne à la constater, elle porte intérêt du jour de la demande ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 1153, 1382 du Code civil L. 376-1, L. 454-1 du Code de la sécurité sociale, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné in solidum Thierry X... et la compagnie Axa Assurances à verser à la CPAM de Beauvais la somme de 347 489, 48 francs dont 78 395, 24 francs à titre de capital représentatif des dépenses pour un fauteuil roulant normal et un fauteuil roulant pour le sport ;
" aux motifs que la Cour trouve au dossier les éléments suffisants pour condamner in solidum Thierry X... et la compagnie d'assurances Les Mutuelles Unies Axa à régler en deniers ou quittances à la CPAM de Beauvais :
" prestations en nature 269 454, 24 francs
" capitalisation des dépenses pour un fauteuil roulant normal 40 703, 46 francs ;
" capitalisation des dépenses pour un fauteuil roulant pour le sport 37 691, 78 francs que l'ensemble de ces indemnités porteront intérêts à compter du 19 mars 1992 selon la demande de l'appelante ;
" alors, d'une part, que le tiers responsable ne peut être condamné à rembourser que les sommes qui ont été effectivement dépensées par les organismes sociaux ; qu'en l'espèce en condamnant Thierry X... et la compagnie Axa au remboursement en capital de frais futurs sans répondre à leurs conclusions sur ce point, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, la cour d'appel ne pouvait condamner Thierry X... et la compagnie Axa à verser des intérêts sur des sommes non encore déboursées par l'organisme social ; que, dès lors, en accordant des intérêts légaux à compter du 19 mars 1992 sur des sommes non encore versées, la cour d'appel a, à nouveau, violé les textes visés au moyen ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, que selon l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, les caisses de sécurité sociale ne sont admises à poursuivre contre l'auteur responsable de l'accident que le remboursement des sommes qu'elles ont effectivement payées ;
Attendu, d'autre part, que leur créance dont la décision judiciaire se borne à reconnaître l'existence dans la limite de l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime doit, conformément à l'article 1153 du Code civil, produire intérêt à compter de la demande ou, si les dépenses sont postérieures à cette dernière, du jour où elles ont été exposées ;
Attendu qu'après avoir condamné Thierry X... déclaré responsable des conséquences dommageables de l'accident dont Patrick Y... a été victime ainsi que son assureur la compagnie les Mutuelles Unies Axa, à rembourser à la CPAM de Beauvais la somme de 347 489, 48 francs dont 78 395, 24 francs au titre du capital représentatif des dépenses nécessitées dans l'avenir pour le renouvellement de deux fauteuils roulants, la cour d'appel a alloué au tiers payeur les intérêts au taux légal sur l'intégralité de la somme à compter du prononcé du jugement ;
Mais attendu qu'en se déterminant de la sorte, imposant ainsi à la personne tenue à réparation et à son assureur, sans leur accord, le paiement immédiat de sommes correspondant au remboursement anticipé de prestations non encore servies par l'organisme de sécurité sociale et décidant que ces sommes porteraient intérêt à compter d'une date antérieure au versement desdites prestations, la cour d'appel a méconnu les règles ci-dessus énoncées ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'en raison du principe de l'indivisibilité des voies de recours édicté par les articles 388-3 et 509 du Code de procédure pénale, la cassation doit produire effet dans les rapports, tant entre l'assureur demandeur au pourvoi et le tiers payeur, qu'entre l'assuré et cette partie intervenante ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens du 30 septembre 1993 mais seulement en ses dispositions relatives au remboursement au profit de la caisse primaire de sécurité sociale de Beauvais, de la somme de 78 395, 24 francs, représentant le montant capitalisé de frais futurs et comprise dans celle de 347 489, 48 francs allouée à ce tiers payeur, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;
CONDAMNE Thierry X... à rembourser à la caisse primaire de sécurité sociale de Beauvais, au fur et à mesure de ses versements, le montant des frais exposés pour Patrick Y... et dont le capital constitutif est fixé à 40 703, 46 francs et 37 691, 78 francs, soit au total 78 395, 24 francs, avec intérêt au taux légal à compter du jour du paiement ;
DIT le présent arrêt opposable à la compagnie les Mutuelles Unies Axa ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.