Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 90-12.753 et 90-12.756 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société Unidis exploite à Riom et à Clermont-Ferrand des supermarchés, dans lesquels elle offre un service de vente de boulangerie-briocherie ouverts 7 jours sur 7 ; que le syndicat départemental de la boulangerie du Puy-de-Dôme l'a assignée en référé aux fins de la voir condamner, sous astreinte, à fermer ses magasins, le dimanche, en application de l'article L. 221-5 du Code du travail, et ses dépôts de pain, le lundi, en application d'un arrêté préfectoral du 20 mai 1974 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief aux arrêts d'avoir déclaré le syndicat départemental de la boulangerie recevable en son action fondée sur l'article L. 221-5 du Code du travail relatif au repos dominical, alors, selon le moyen, que l'interdiction d'employer des salariés le dimanche a pour objet de protéger seulement des salariés privés illicitement du repos dominical ; que l'infraction à cette prescription légale ne peut avoir pour victimes que les salariés ainsi employés et ne saurait dès lors faire naître un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession ; qu'en énonçant néanmoins qu'un syndicat d'employeurs avait intérêt à faire respecter la règle du repos dominical des salariés, la cour d'appel a violé les articles L. 221-5 et L. 411-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article L. 221-5 du Code du travail, aux termes duquel le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche, était méconnu par la société qui, en employant irrégulièrement des salariés le dimanche rompait l'égalité au préjudice des commerçants qui, exerçant la même activité, respectaient la règle légale, la cour d'appel, qui a retenu l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat, était fondée à reconnaître à celui-ci qualité pour agir devant la juridiction des référés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société fait encore grief aux arrêts d'avoir ordonné la fermeture, sous astreinte, le dimanche, de ses magasins " Unidis Major " de Riom et de Clermont-Ferrand, alors, selon le moyen, que sont admis de droit à donner le repos hebdomadaire par roulement les établissements effectuant la fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ; qu'en subordonnant l'application de ce texte légal, apportant une dérogation à la règle du repos dominical, à la condition que l'activité de fabrication de denrées alimentaires soit l'activité principale de l'établissement, la cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article L. 221-9 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a décidé, à bon droit, que le bénéfice de la dérogation prévue par l'article L. 221-9 du Code du travail au repos dominical n'est accordé par ce texte qu'aux entreprises qui exercent, à titre principal, l'une des activités qu'il énumère ; que le moyen n'est dès lors pas fondé ;
Sur la seconde branche du troisième moyen :
Attendu que la société fait encore grief aux arrêts de lui avoir ordonné de fermer, le lundi, ses dépôts de pain des magasins " Unidis Major " de Riom et de Clermont-Ferrand, alors, selon le moyen, qu'un arrêté préfectoral, pris en vertu de l'article L. 221-17 du Code du travail, n'est opposable qu'aux entreprises appartenant à la branche d'activité des organisations syndicales signataires de l'accord préalable à l'arrêté préfectoral ; que les magasins à rayons multiples n'appartiennent pas à la même profession que les commerces spécialisés au sens de l'article L. 221-17 du Code du travail ; que la cour d'appel, qui a constaté que l'accord préalable à l'arrêté litigieux avait été signé par le syndicat départemental de la boulangerie et le syndicat CGT des ouvriers boulangers et pâtissiers, ne pouvait, sans violer l'article L. 221-17 du Code du travail et l'arrêté préfectoral du 20 mai 1974, déclarer que ce dernier texte était applicable au magasin à rayons multiples exploité par la société Unidis ;
Mais attendu qu'il résulte tant de l'arrêt que des conclusions de la société que celle-ci ne contestait que l'application à ses magasins de l'arrêté préfectoral ; que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur la première branche du troisième moyen :
Vu l'arrêté pris par le préfet du Puy-de-Dôme le 20 mai 1974 en application de l'article L. 221-17 du Code du travail ;
Attendu que, selon l'arrêté préfectoral susvisé, à partir du 1er juin 1974, seront fermés au public le lundi de chaque semaine, sur l'ensemble du territoire du Puy-de-Dôme, tous les établissements tels que boulangeries, boutiques, magasins, dépôts de quelque nature qu'ils soient dans lesquels s'effectuent à titre principal la fabrication, la vente ou la distribution du pain ;
Attendu que, pour ordonner à la société la fermeture, le lundi, de ses dépôts de pain des magasins " Unidis Major " de Riom et de Clermont-Ferrand, la cour d'appel a énoncé que l'arrêté était conçu en termes généraux ; d'où il suit d'une part qu'il concerne aussi bien les boulangeries traditionnelles ou industrielles que les magasins à grande surface où sont exercés des commerces multiples, d'autre part, qu'il s'étend aux rayons boulangerie de ces derniers, puisqu'il se réfère à des dépôts de " quelque nature qu'ils soient " ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêté précité ne vise que les établissements dans lesquels s'effectuent à titre principal la fabrication, la vente ou la distribution de pain, la cour d'appel a violé par fausse interprétation ce texte ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en leurs dispositions relatives à la fermeture le lundi des dépôts de pain des magasins de la société Unidis, les arrêts rendus le 18 décembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.