CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Yannick,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, chambre correctionnelle, en date du 5 décembre 1991, qui, pour infractions douanières, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis et à diverses pénalités douanières.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;
Sur le troisième moyen pris de la violation de l'article 13 du traité de Rome du 25 mars 1957, de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la condamnation de X... à une peine d'emprisonnement de 1 mois avec sursis, et l'a condamné en outre au paiement des sommes de 442 518 francs correspondant à la valeur des objets de fraude non saisis, 442 548 francs d'amende égale à ladite valeur et 38 323 francs correspondant au montant des droits fraudés ;
" aux motifs que ses aveux ne font que confirmer les preuves réunies à son encontre par les enquêteurs des Douanes, que le jugement du 15 mai 1987 attaqué était fondé à déclarer sa culpabilité, que la valeur reconnue des importations minorées doit se chiffrer à un total de 442 548 francs et que X... a procédé à une minoration de 38 323 francs ;
" alors que le montant des droits prétendument fraudés que X... est condamné à payer, représente l'octroi de mer et le droit additionnel à l'octroi de mer ; que dans la mesure où l'octroi de mer s'applique aux marchandises en provenance des autres Etats membres, il s'agit d'une taxe d'effet équivalent à un droit de douane au sens de l'article 13 du traité de Rome du fait qu'elle ne frappe que les produits importés à l'exclusion des produits originaires des DOM où elle est perçue, qu'en conséquence, il est incompatible avec les dispositions du traité de Rome qui s'imposent en vertu de l'article 55 de la Constitution de 1958 ; qu'en conséquence, la condamnation de X... est, de ce dernier chef, dépourvue de base légale " ;
Vu lesdits articles,
Attendu que l'union douanière européenne implique l'abolition et l'interdiction de tout droit de douane à l'importation d'une marchandise en provenance d'un Etat membre, en quelque lieu que se fasse cette introduction, y compris aux frontières régionales de cet Etat ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Yannick X... était, au moment des faits, dirigeant d'un groupement d'intérêt économique constitué à La Réunion dans l'intérêt de plusieurs distributeurs locaux de vidéogrammes et qu'il a, à ce titre, mis à la consommation dans le département plusieurs lots de cassettes en provenance de la métropole ; que, lors d'un contrôle a posteriori des opérations de dédouanement, le rapprochement de la déclaration effectuée par X... avec les indications figurant sur des documents saisis chez lui lors d'une visite domiciliaire, a fait apparaître que certains éléments entrant normalement dans l'assiette de la valeur en douane n'avaient pas été mentionnés ;
Attendu qu'après avoir reconnu X... coupable de fausse déclaration de valeur à l'importation, ayant entraîné une minoration de l'assiette de la TVA et de l'octroi de mer exigibles sur les marchandises importées, la cour d'appel l'a condamné, par application des articles 399, 406, 407, 414, 426. 4°, 435 du Code des douanes, à 1 mois d'emprisonnement avec sursis, à la confiscation en valeur de la marchandise (soit la somme de 442 548 francs), à une amende égale à la valeur de la marchandise de fraude (soit à nouveau 442 548 francs) et au paiement des droits éludés (soit 38 323 francs) ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'à l'époque des faits l'octroi de mer, assis sur la valeur en douane des marchandises au lieu de leur introduction dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La Réunion, constituait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane à l'importation, prohibée par le Traité CEE et ne pouvant de ce fait servir de base à des poursuites douanières, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
Que dès lors la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 5 décembre 1991 ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.