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15/06/1994 | FRANCE | N°92-12139

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 juin 1994, 92-12139


Attendu que par acte du 28 juillet 1981, Jean-Baptiste X... et son épouse, ont donné à leur fils, M. Henri X..., par préciput et hors-part, la nue-propriété d'un immeuble dépendant de leur communauté ; qu'il était stipulé une interdiction d'aliéner le bien donné, que celui-ci ferait retour aux donateurs au cas de prédécès du donataire sans postérité et que l'usufruit ne s'éteindrait qu'après le décès des deux donateurs ; que, le 19 février 1986, Jean-Baptiste X... et M. Henri X... ont été condamnés solidairement à payer à la Société Sofal une somme de 12 172 365,50

francs en exécution d'un engagement de caution qu'ils avaient souscrit par ...

Attendu que par acte du 28 juillet 1981, Jean-Baptiste X... et son épouse, ont donné à leur fils, M. Henri X..., par préciput et hors-part, la nue-propriété d'un immeuble dépendant de leur communauté ; qu'il était stipulé une interdiction d'aliéner le bien donné, que celui-ci ferait retour aux donateurs au cas de prédécès du donataire sans postérité et que l'usufruit ne s'éteindrait qu'après le décès des deux donateurs ; que, le 19 février 1986, Jean-Baptiste X... et M. Henri X... ont été condamnés solidairement à payer à la Société Sofal une somme de 12 172 365,50 francs en exécution d'un engagement de caution qu'ils avaient souscrit par acte du 3 février 1981 ; que cette société a fait inscrire une hypothèque judiciaire sur l'immeuble, puis, le 5 mai 1988, a fait délivrer un commandement aux fins de saisie immobilière ; que Jean-Baptiste X... est décédé le 23 juillet 1988 ; que Mme X... et M. Henri X... ont demandé la radiation du commandement en se fondant sur la clause d'inaliénabilité dont ils ont demandé qu'elle soit déclarée opposable à la société Sofal ; que, pour rejeter leurs demandes, l'arrêt attaqué a retenu que la clause d'inaliénabilité n'était pas valable, Mme X... et M. Henri X... ne rapportant pas, comme ils en avaient la charge, la preuve de l'intérêt légitime ;

Sur la première branche du moyen unique :

Attendu que Mme X... et le liquidateur judiciaire de M. Henri X... font grief à la cour d'appel d'avoir, en statuant ainsi, inversé la charge de la preuve ;

Mais attendu que la clause d'inaliénabilité déroge au principe de la libre disposition des biens ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué énonce qu'il appartient à celui qui se prévaut d'une telle clause de justifier de l'intérêt sérieux et légitime qu'il allègue ;

Mais sur les deux autres branches du moyen :

Vu l'article 900-1 du Code civil ;

Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que les consorts X... n'expliquent pas pour quel motif il était nécessaire, ou utile, dans le contexte familial, de prévoir l'inaliénabilité du bien donné, le droit réel d'usufruit conservé par les donateurs étant déjà de nature à leur en garantir une jouissance paisible la vie durant ;

Attendu, cependant, qu'en ne recherchant pas si, comme les consorts X... le faisaient valoir, la clause était justifiée par le souci des donateurs d'assurer la pleine efficacité du droit de retour conventionnel et alors que le fait que les donateurs s'étaient réservés l'usufruit du bien donné et que ce droit était opposable au tiers acquéreur, n'excluait pas le caractère sérieux et légitime de la clause d'inaliénabilité dont il était soutenu qu'elle avait était stipulée pour garantir aux usufruitiers que le nu-propriétaire serait leur fils plutôt qu'un tiers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen relevé d'office dans les formes de l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Vu l'article 900-1 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'immeuble donné ou légué, affecté d'une clause d'inaliénabilité, ne peut faire l'objet d'une saisie tant que cette clause est en vigueur ;

Attendu que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de radiation du commandement de saisie immobilière, après avoir constaté que dans l'acte de donation du 28 juillet 1981, l'immeuble saisi avait été déclaré inaliénable ;

Attendu cependant que, tant qu'elle était en vigueur, cette clause d'inaliénabilité de la donation qui, ayant été publiée, était opposable à la société Sofal, créancier de l'un des donateurs et du donataire, interdisait à cette société de procéder à la saisie du bien objet de la donation ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 décembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 92-12139
Date de la décision : 15/06/1994
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° DONATION - Clause d'inaliénabilité - Validité - Conditions - Intérêt sérieux et légitime - Preuve - Charge.

1° PREUVE (règles générales) - Charge - Applications diverses - Donation - Clause d'inaliénabilité - Intérêt sérieux et légitime.

1° Il appartient à celui qui se prévaut d'une clause d'inaliénabilité, laquelle déroge au principe de la libre circulation des biens, de justifier de l'intérêt sérieux et légitime qu'il allègue.

2° DONATION - Clause d'inaliénabilité - Validité - Conditions - Intérêt sérieux et légitime - Clause stipulée pour garantir à l'usufruitier que le nu-propriétaire serait son fils.

2° Le fait que le donateur se soit réservé l'usufruit du bien donné et que ce droit soit opposable au tiers acquéreur, n'exclut pas le caractère sérieux et légitime de la clause d'inaliénabilité dont il était soutenu qu'elle avait été stipulée pour garantir à l'usufruitier que le nu-propriétaire serait son fils plutôt qu'un tiers.

3° DONATION - Clause d'inaliénabilité - Effets - Insaisissabilité.

3° SAISIE IMMOBILIERE - Biens saisis - Immeuble ayant fait l'objet d'une donation assortie d'une clause d'inaliénabilité (non).

3° L'immeuble donné ou légué, affecté d'une clause d'inaliénabilité, ne peut faire l'objet d'une saisie tant que cette clause est en vigueur.


Références :

Loi 91-650 du 09 juillet 1991

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 décembre 1991

A RAPPROCHER : (3°). Chambre civile 1, 1985-10-09, Bulletin 1985, I, n° 252, p. 226 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 jui. 1994, pourvoi n°92-12139, Bull. civ. 1994 I N° 211 p. 153
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1994 I N° 211 p. 153

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonction. .
Avocat général : Avocat général : M. Lesec.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Savatier.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, la SCP Vier et Barthélemy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1994:92.12139
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